L’action du salarié et de l’employeur face à une situation de harcelement moral au travail

La question du harcèlement moral sur le lieu de travail est désormais considérée comme un enjeu de plus en plus pris en considération par les entreprises.

 

En 2019 et selon une étude du service statistique du ministère du Travail, 30% des salariés déclaraient avoir été victimes d’au moins un comportement hostile au travail sur son lieu de travail.

 

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a introduit dans le Code du travail de nouveaux articles ayant pour but de protéger les travailleurs contre les brimades et autres mesures vacataires, que l’on nomme désormais le harcèlement moral.

 

Ce type de comportement n’est pas nouveau mais par l’émergence des nouvelles techniques de management, ils peuvent parfois prendre un caractère dangereux pour la santé physique et mentale du salarié.

 

  • Qu’est-ce que c’est le harcèlement moral en droit du travail ?

 

Selon l’article L 1152-1 du Code du travail, « le harcèlement moral est constitué par des agissements répétés envers un salarié qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à dignité, d’alterner sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

 

Le harcèlement moral est interdit par le Code du travail et par le Code pénal à l’article L 222-22-2 du Code pénal.

 

 

L’auteur d’un harcèlement n’est pas forcément comme on peut le penser uniquement l’employeur ou du supérieur hiérarchique mais il peut s’agir également d’un simple collègue de travail ou d’un subordonné vis-à-vis d’un supérieur hiérarchique.

 

Le salarié qui dénonce une telle situation est protégé par le code du travail qui édicte à l’article L 1152-2 que « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire (…) pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l’alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».

 

Par conséquent, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir été victime d’agissements de harcèlement moral ou pour avoir eu le courage de témoigner de tels agissements.

 

  •  La caractérisation du harcèlement moral, conséquence de la dégradation des conditions de travail.

 

 

Le harcèlement moral est ainsi  caractérisé par des faits répétés ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail d’un salarié. Précisions que la durée pendant lesquels les agissements sont répétés sont sans incidence.

 

Selon les directives du CE du 29 juin 2000, du 27 novembre 2000, du 23 septembre 2002 et du 5 juillet 2006, pour pouvoir être qualifiée de harcèlement moral, la dégradation des conditions de travail doit être susceptible :

 

– de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié. On peut citer par exemple la mise au placard, les brimades, les humiliations ou encore le manque de respect et emportement notable de l’employeur.

 

– d’altérer la santé physique ou mental du salarié l’obligeant par exemple à prendre des calmants ou se faire prescrire un arrêt maladie.

 

– la conséquence de compromettre son avenir professionnel.

 

Selon l’article L 1154-1 du Code du travail, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

 

  •  L’appréciation souveraine des juges du fond sur l’existence d’un harcèlement moral

 

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier souverainement si le salarié présente des faits objectifs permettant de supposer l’existence d’un harcèlement et d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en promenant en copte les documents médicaux éventuellement produits.

 

. Le preuve du harcèlement et la charge aménagée  au profit du salarié

 

  • La preuve des faits allégués ne repose pas uniquement sur le salarié.

 

En effet, conformément à sa jurisprudence précédente, la Cour de cassation a encore récemment estime qu’en « procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu’il appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral, et, dans l’affirmative, d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étagères à tout harcèlement moral, la cour d’appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de la preuve du harcèlement à violé » les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail (Cass. Soc., 16 mai 2018).

 

Il n’est pas nécessaire que les agissements aient effectivement porté atteinte au salarié.

 

Ainsi, le fait qu’ils soient « susceptibles » de le faire suffit en dehors de tout préjudice avéré.

 

Le salarié doit simplement apporter aux juges des éléments de fait qui sont « susceptibles de laisser présumer l’existence d’agissements constitutifs d’un harcèlement (Cass. Soc., 8 février 2017).

 

La Cour de cassation a rappelé à de nombreuses reprises que ce n’est pas au salarié mais bien au juge d’apporter la preuve du harcèlement. Le salarié doit uniquement apporter la matérialité des faits qu’il prétend subir (Cass. Soc., 26 juin 2019).

 

 

  • L’établissement de la preuve du harcèlement par l’utilisation du mécanisme du faisceau d’indice

 

La technique retenue par les juges pour apporter les éléments de preuve utile est celle du faisceau d’indice, notamment à partir de l’arrêt de la Cour d’appel de Pau du 9 février 1999.

 

Cet arrêt a largement été confirmé ultérieurement en parlant de « l’examen de la conjonction des agissements » (Cass. Soc., 10 décembre 2008).

 

La jurisprudence de la Cour de cassation considère à titre d’exemple comme suffisants les indices suivants :

 

– L’attestation d’un collège de travail expliquant le harcèlement moral subi, accompagné de deux certificats médicaux de l’inspection du travail (Cass. Soc., 30 mars 2011).

 

– Les échanges de courriels (Cass. Soc., 22 mars 2011).

 

– Les messages vocaux lorsque l’auteur peut être identifié et que la pièce est conservée dans des conditions permettant d’en garantir l’intégrité.

 

– Le dossier médical auprès du médecin du travail.

 

– Les SMS ou courriers reçus du harcelé et de sa famille.

 

– Les alertes adressés à la direction, hiérarchie, aux élus du personnel, à l’inspection du travail et la médecine du travail.

 

– Les procès verbaux de réunions des élus du personnel évoquant la situation signale au cours d’une réunion avec la direction.

 

– Les éléments objectifs permettant de faire constater un mal-être des salariés lié à un harcèlement :  absentéisme, retards, turn-over considérable, nombre de licenciements pour inaptitude..

 

  • La caractérisation du harcèlement moral, un rattachement nécessaire à des techniques managériales et à la violation des règles de droit

 

Afin que la dégradation des conditions de travail soit caractérisée, il faut souvent rattacher les techniques de management pathogènes à la violation des règles de droit.

 

Les règles de droit violées lors d’un harcèlement sont les suivantes :

 

  •  Le détournement du lien de subordination :

 

Incivilité à caractère vexatoire, refus de dialoguer, remarques insidieuses ou critiques, mots blessantes, dénigrement (…) Les pratiques relationnelles vont chercher à asseoir la relation de subordination comme une relation de pouvoir.

 

Par conséquent, le fait pour un salarié d’avoir subi de manière répétée et dans des termes humiliants des critiques sur son activité et des reproches devant ses collègues est constitutif de harcèlement (Cass. Soc., 8 juillet 2009).

 

De la même manière, le salarié qui fait l’objet de brimades et dénigrements de la part d’une collaboratrice qui l’avait privé de ses responsabilités et dont la santé a été gravement altérée par ces agissements. L’inaptitude a été considéré comme la conséquence directe d’un salarié ayant subi des faits de harcèlement moral (Cass. Soc., 24 juin 2009).

 

Les propos insultants de la directrice générale d’une salariée, « à plusieurs reprises, en des termes particulièrement blessants et injurieux, l’humiliation de la salariée en présence d’autres salariés de la société et de tiers » constituent des agissements de harcèlement moral (Cass. Soc., 10 novembre 2010).

 

Sont de nouveaux agissements de harcèlement moral « les propos dénigrants tenus à l’encontre du salarié après qu’il a été reconnu victime de faits de harcèlement moral, et la stratégie de découragement envisagée à son encontre par la direction et rapportée par son remplaçant pensant ses arrêts pour maladie » (Cass. Soc., 3 février 2016).

 

 

  • Le détournement du pouvoir de direction et des règles disciplinaires :

 

Sanctions injustifiées basées sur des faits inexistants ou véniels, atteinte aux demandes de formation professionnelle, évaluation et notation abusive ( …).

 

Si les pratiques disciplinaire et le contrôle du travail font partie des prérogatives de l’employeur elles doivent être utilisés avec loyauté et bonne foi.

 

Les pratiques punitives qui mettent les salariés en situation de justification constante et s’avèrent contreproductifs en détruisant la reconnaissance du travail et sont caractéristiques de harcèlement.

 

Quelques exemples en jurisprudence peuvent être cités :

 

« Des agissements répétés et des manquements graves de l’employeur à la loyauté et à la bonne foi contractuelle » justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail (Cass. Soc., 20 novembre 2013).

 

Caractérise le harcèlement moral le harcèlement moral le « mépris certain et la passivité choquante » de l’employeur qui a progressivement évincé son salarié de ses fonctions et l’a « soumis à des pressions récurrentes, avec utilisation de techniques d’isolement, d’injonctions paradoxale et de déqualification » (CA Versailles, 12 décembre 2006).

 

L’envoi à un salarié de nombreuses mises en demeure injustifiées pendant un arrêt maladie évoquant de manière explicite une rupture du contrat de travail et lui reprochant ses absences constituent un harcèlement moral (Cass. Soc., 7 juillet 2009).

 

Les pressions destinées à pousser un salarié à accepter des modifications de son contrat de travail sont constitutives de harcèlement moral : « les membres de la direction avaient adopté, dans le but d’obtenir le consentement du salarié à une modification de ses attributions, des compromettantes répétés et inadaptés dégradant les conditions de travail du salarié dont l’état de santé s’était trouvé affecté et que l’employeur ne rapportait pas la preuve d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifiant de tels agissements » (Cass. Soc., 18 juin 2014).

 

Manquement à l’obligation de sécurité « Alors que le fait pour un directeur d’agence d’adopter de manière récurrente un comportement managérial inadapté caractérise un manquement fautif aux obligations contractuelle de l’intéressé qui est de nature à justifier son licenciement pour faute grave » (Cass. Soc., 12 octobre 2017).

 

Tenu d’une obligation de sécurité de résultat, l’employeur manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur le lieu de travail, d’agissement de harcèlement moral ou de violences physiques, exercés par un autre salarié, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. Soc., 3 février 2010).

 

Il appartient à l’employeur d’empêcher le harcèlement notamment en éloignant le salarié harceleur de sa victime présumée, au besoin en prenant des sanctions disciplinaire provisoires ou définitives contre lui (Cass. Soc., 7 février 2012).

 

L’employeur n’a pas pris toutes les mesures utiles pour régler avec impartialité par sa médiation, le conflit persistant qui opposait un salarié et son collègue et permettre ainsi au premier de réintégrer son poste ou à défaut, pour séparer les deux protagonistes, en lui proposant, sans attendre la fin de son arrêt de travail pour maladie, soit un changement de bureau comme préconisé par le médecin du travail, soit un poste disponible dans un autre centre de proximité, et qui a laissé sans réponse le courrier dudit salarié l’interrogeant sur ses perspectives professionnelles au sein de l’association, manque à son obligation de sécurité, rendant impossible la poursuite des relations contractuelles (Cass. Soc., 22 juin 2017).

 

 

  • Le détournement du pouvoir d’organisation  ou la modification arbitraire des conditions de travail ou des attributions du poste de travail.

 

Le pouvoir d’organisation de l’employeur peut entrainer la perte du sens du travail, du lien au réel, rendre « invisible » le salarié ou l’épuiser, car le retrait de l’outil de travail, voire du travail lui-même, sous l’apparence du maintien des droits du salarié, détériore aussi la relation de travail et peut conduire à une atteinte à la santé et à la dignité du travailleur.

 

Le suicide d’un cadre de Renault, illustre bien cette responsabilité. Les Tribunaux  ont condamné l’entreprise pour n’avoir pas évalué la charge de travail imposée par différents projets qui lui étaient confiés, les supérieurs hiérarchiques du salarié ayant « toujours été dans l’incapacité totale de pouvoir préciser quel était le volume précis de travail fourni par ce salarié au titre de l’ensemble des missions accomplies », malgré les avertissements de celui-ci, et « la société Renault (ayant de ce fait) nécessairement conscience du danger auquel était exposé en cas de maintien sur une longue durée des contraintes de plus en plus importantes qu’il subissait pour parvenir à la réalisation des objectifs fixés pour chacune des missions confiées, et (n’ayant) pris aucune mesure pour l’en préserver ou permettre à son entourage professionnel d’être en mesure de mettre en place de telles mesures » (Cass. Soc., 19 septembre 2013).

 

L’impact sur l’organisation du travail sur les conditions de travail imposées aux salariés par l’employeur s’est trouvée reprise dans plusieurs arrêts ultérieurs et notamment celui de la Cour  de Versailles, qui reconnait la responsabilité de l’entreprise, d’une part « qu’en ayant soumis pendant plusieurs mois à des conditions de travail qualifiées d’anormales en raison de l’inadéquation entre les compétences de ce salarié et les exigences induites par les nouvelles fonctions confiées, la société Renault avait nécessairement conscience des rosies psychologiques auxquels était exposés ce salarié, principalement après son hospitalisation consécutive à une souffrance au travail ».

 

D’autre part, « que la société Renault n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver  (le salarié) du danger auquel il était exposé en raison de la pénibilité avérée de ses conditions de travail et de la dégradation continue de celle-ci » (CA Versailles, 10 mai 2012).

 

  • Le burn-out du salarié peut être la conséquence d’un harcèlement moral dans le cadre  d’une organisation défaillante du travail.

La condamnation civile  de l’employeur a également été prononcée par la Cour de cassation pour « l’existence d’une surcharge de travail » (Cass. Soc., 10 juin 2015) et pour le burn-out d’un salarié « les attestations produites décrivant le salarié comme débordé par ses tâches et dépressifs », le salarié soutiennent au surplus « que les exigences de son employeur, qui lui avait confié des missions excédant son niveau de compétence et d’expérience, l’avaient mené à un épuisement puis à un grave état dépressif (Cass. Soc., 16 juin 2015).

 

Le comportement humiliant et insultant de l’employeur, la pression considérable et la surcharge de travail « constituent des agissements réprimés au titre du harcèlement moral (Cass. Soc., 7 juillet 2015).

 

« La Cour d’appel qui a constaté que la salariée devait faire face à une charge de travail éprouvante, subissait au comportement irrespectueux de celui-ci, a, sans méconnaitre les règles de preuve applicables, caractérisé des faits de harcèlement répétés ayant porté atteinte à sa dignité et ayant altéré sa santé physique et mentale » (Cass. Soc, 7 juillet 2016).

 

Un surcroit de travail et des réflexions humiliantes, analysées comme « un travail de sape moral » constituent un harcèlement moral (Cass. Soc., 24 novembre 2009).

 

La surcharge de travail apparait comme un indice que les juges doivent prendre en compte pour apprécié la présomption de harcèlement moral.

 

Il n’y a pas de définition légale de la surcharge de travail, cependant elle peut être définie comme étant une masse de tâches professionnelles à accomplir par le salarié qui ne soit pas en adéquation avec ses capacités productives ou avec celles imposées aux salariés travaillent dans les mêmes conditions (Cass. Soc., 24 juin 2009).

 

« La charge de travail excessive du salarié ainsi que des méthodes de management brutales et peu respectueuses des salariés avaient provoqué une dégradation des conditions de travail et une altération de l’état de santé physique et psychique de l’intéressé sans que l’employeur prenne les mesures nécessaires pour prévenir des risques psychosociaux (Cass. Soc., 9 décembre 2015).

 

Un employeur qui ne réagit pas à une surcharge de travail, dont il a pourtant connaissance, admet implicitement la réalisation d’heures supplémentaires. Par ailleurs, les juges retiennent que la dégradation de l’état de santé de la salariée résulte du surcroit de travail auquel la salariée a dû faire face entre 2011 et 2012.

 

De fait, la qualification de harcèlement moral est donc retenue à l’encontre de l’employeur, dans la mesure où il aurait dû mettre fin à cette situation qui perdurait et qu’il connaissait (Cass. Soc., 12 septembre 2018).

 

Constitue un harcèlement moral le fait pour l’employeur de confier de manière habituelle des tâches dépassant ses capacités.

 

La Haute-juridiction considère que l’attitude réitérée de l’employeur avait entrainé la dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste de travail. De plus, le fait de lui confier de manière habituelle une tâche dépassant ses fonctions mettait en jeu sa santé (Cass. Soc., 7 janvier 2015).

 

  • Les pratiques d’isolement constitutives de harcèlement moral

 

La mise au ban, l’isolement, la solitude génèrent des états de détresse psychique majeurs.

 

Les agissements d’un employeur qui s’organiserait pour priver le salarié de ses outils de travail, ou diminuerait le contenu de ses contions de façon significative, sont considérés non seulement comme une inexécution déloyale du contrat de travail, mais également comme une atteinte potentielle à la dignité et à la santé du travailleur, et fondent régulièrement des condamnations civiles et pénales pour harcèlement moral.

 

Les atteintes à la dignité, telles qu’elles sont caractérisées par la jurisprudence actuelle, sont le plus souvent liées aux conditions de travail et peuvent se faire manifester par une mise au placard, des brimades, des mesures vexatoires ou encore des humiliations (CA Bourges, ch sociale, 13 juin 1997).

 

Ainsi, constituent un délai de harcèlement moral les agissements répétés suivants : « la dépossession progressive de ses attributions, la baisse régulières de ses notations jusqu’alors excellentes, des objectifs nouveaux sans rapports avec les tâches qui lui étaient confiées et l’instauration d’un climat de méfiance à son détriment, ce que ne permettait pas d’expliquer ou de justifier totalement le seul de fait de son emploi à mi-temps, et qu’il en était résisté une profonde altération de son état de raté présentant les caractéristiques de troubles réactionnelles à de la maltraitance dans la cadre professionnel » (Cass. Soc., 13 décembre 2011).

 

 

  • Pour qualifier le harcèlement moral, les actes  peuvent être indépendants de l’intention de l’auteur

 

Le harcèlement moral est caractérisé indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. Soc, 20 novembre 2019).

 

En effet, il résulte de la définition même du harcèlement moral que l’intention de nuire est pas exigée pour qualifier cette infraction. La Cour de cassation l’a notamment confirmée à de nombreuses reprises.

 

  • Une présomption simple permettant l’exonération de l’employeur en cas de réaction appropriée de sa part

 

 

Dès lors la matérialité des faits établis par le salarié, il existe une présomption simple de harcèlement moral qui peut être  renversée par l’employeur.

 

Pour ce faire, l’employeur devra expliquer les raisons pour lesquels les faits présentés par le salarié ne matérialisent pas une situation de harcèlement moral.

 

Le régime probatoire propre aux harcèlements résulte de l’application en France de la directive communautaire du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, laquelle invite les États membres à prendre les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire.

 

Ainsi,  dès lors qu’une personne s’estimant lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement établit devant une juridiction des faits qui permettent de présumer l’existence de ce type d’agissements, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation de ce principe.

 

L’article L. 1154-1 du Code du travail dispose qu’il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, largement confirmé par les juges de droit (Cass. Soc., 25 janvier 2011).

 

En revanche, si l’employeur se montre incapable de justifier par des éléments objectifs que les faits avancés sont étrangers à tout harcèlement, le licenciement sera nul et il n’y aura pas lieu d’examiner les autres faits énoncés dans la lettre (Cass. Soc., 29 juin 2011) et les juges du fond doivent reconnaître l’existence du harcèlement évoqué (Cass. Soc., 12 mai 2010; Cass. Soc., 6 juin 2012).

 

 

 

  • Le salarié doit apporter la preuve d’une altération de la santé physique ou mentale du salarié entrainant une atteinte à son avenir professionnel

 

 

L’article L. 1152-1 du Code du travail dispose « Aucun salarié ne soit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

 

La Cour de cassation rappelle que les juges du fond sont tenus  de prendre en compte, outre les éléments de faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, les éléments médicaux produits par le salarié, quelle que soit leur nature, pour apprécier l’existence d’un harcèlement moral. En effet, le salarié afin d’établir des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral faisait état également d’élément médicaux sur la dégradation de son état de santé (Cass. Soc, 6 octobre 2017).

 

La Cour de Cassation casse aussi l’arrêt d’appel qui a jugé sans tenir compte de l’ensemble des pièces produites dont les justificatifs médicaux de la salariée :

 

« Qu’en statuant ainsi, sans analyser les documents médicaux produits par l’intéressée et sans apprécier si les éléments précis et concordants établis par celle-ci, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » (Cass. Soc., 18 mars 2016).

 

Le plus souvent, en effet, le harcèlement moral se traduit par un impact sur l’état de santé du salarié. (Cass. Soc., 27 octobre 2004)

 

Depuis la loi travail du 8 août 2016, le juge ne peut pas plus déduire de la seule absence de relation entre l’état de santé d’un salarié et la dégradation de ses conditions de travail que les faits de harcèlement ne sont pas avérés.

 

 

Il y a atteinte à la santé quand le salarié se voit obligé de prendre des calmants (CA Grenoble, ch. soc., 3 mai 1999, Sté Adecco c/ Savelli), ou que l’attitude de l’employeur a sur sa santé des répercussions établies par certificat médical (CA Grenoble, ch. soc., 6 mai 1992, Sté Acore c/ Naili).

 

Ainsi, lorsqu’un salarié rapporte la preuve d’un état anxio-dépressif en lien avec son travail, les juges ne peuvent, sauf à faire peser à tort sur ce dernier la charge de la preuve, écarter le harcèlement moral au motif qu’il ne démontre pas que la dégradation de son état de santé a été causée par des agissements de son employeur ou d’un supérieur hiérarchique (Cass. Soc., 27 novembre 2012).

 

La Cour de cassation a confirmé que les juges ont l’obligation de prendre en compte les certificats médicaux produits par le salarié dans l’examen de la situation de harcèlement moral alléguée (Cass. Soc., 9 juillet 2014).

 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 juin 2016 : « attendu qu’ayant relevé que l’association n’avait pas tenu compte de la souffrance morale et psychologique exprimée par le salarié ni pris de mesures suffisantes pour y remédier (Cass. Soc., 7 fév. 2018).

 

Dans un arrêt du 22 juin 2017, la Haute-juridiction constate que la relation de travail de la salariée avec une collègue a entraîné chez l’intéressée une vive souffrance morale ayant participé de façon déterminante à la dégradation de son état de santé. L’employeur n’a pas pris toutes les mesures utiles pour régler, avec impartialité, par sa médiation, le conflit persistant qui les opposait. La Haute juridiction judiciaire estime que la cour d’appel a pu déduire de ces constatations l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 19 novembre 2015).

 

Concernant les mises en demeure injustifiées pendant un arrêt maladie prolongé, les juges du fond ont retenu que le salarié, en arrêt de maladie prolongé, avait reçu de nombreuses lettres de mise en demeure injustifiées évoquant de manière explicite une rupture du contrat de travail et lui reprochant ses absences. La Cour de cassation rappelle « qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail que peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Elle retient que la cour d’appel a ainsi pu décider que les faits constatés en l’espèce caractérisaient bien l’existence d’un harcèlement moral. (Cass. Soc., 7 juillet 2009).

 

 

 

 

  • EN CONCLUSION : La prévention du harcèlement moral au travail est devenu une obligation pour l’employeur

 

L’employeur est le premier acteur civilement et penalement responsable de la sécurité et de la protection de la santé de chacun de ses collaborateurs.

 

Il n’est toutefois pas seul puisqu’à ses cotés, le Comité social et économique a de grandes prérogative

L’obligation de sécurité ne s’entend plus simplement comme une obligation pour l’employeur de garantir la sécurité physique des salariés. Elle s’est élargie et regroupe actuellement la protection de tous les risques auxquels un collaborateur pourrait être exposé du fait de ses missions, et notamment la protection des risques psychosociaux.

 

Son obligation de sécurité lui demande de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses collaborateurs. Pour cela, il doit gérer des actions de prévention des risques professionnels, mettre en place des actions d’information et de formation des salarié sur la santé et la sécurité.

 

Même si le Code du travail impose seulement à l’employeur de prendre toutes les mesure nécessaires afin d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses collaborateurs, la jurisprudence va plus loin en imposant une véritable obligation de résultat.

 

Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail, « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleur. Ces mesures comprennent

– des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

– des actions d’information et de formation

– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstance et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

 

Ce processus de prévention imposé à l’employeur doit s’articuler autour de trois étapes fondamentales :

 

– l’évaluation des risques avec l’élaboration du document unique, 

– la mise à jour du règlement intérieur,

– la mise en place d’un plan d’actions.

 

Au titre de l’évaluation des risques, le décret du 5 novembre 2001 réagit la création d’un document unique sur les risques auxquels les travailleurs sont exposés sur le lieu de travail.

 

En effet, l’article L. 4121-1 et R. 4121-1 du Code du travail édicte « Quelle que soit la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, l’employeur doit transcrire dans le document unique le résultat de l’évaluation des risques à laquelle il a procédé dans le cadre de son obligation générale de prévention des risques professionnels ».

 

Pour établir ce document, l’employeur doit être accompagné des intervenants de l’entreprise : délégués du personnel, médecin du travail, l’inspection du travail et les instances représentatives du personnel.

 

Il doit comprendre l’intensité du travail et le temps de travail, les exigences émotionnelles, le manque d’autonomie, les relations sociale de travail ou encore les conditions et l’environnement de travail.

 

Enfin, l’employer doit développer les actions de prévention déjà existantes, les maintenir ou les améliorer mais aussi les nouvelles actions à mettre en place.

 

Le règlement intérieur, livre d’or de chaque entreprise, doit contenir les informations concernant les règles relatives à la règlementation concernant la santé et la sécurité :

 

– les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés si elles sont compromisses

 

– les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés et aux harcèlement

 

– les dispositions du Code du travail interdisant de laisser entrer tous séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse, l’interdiction d’introduire de la drogue ainsi que de conduire sous l’emprise de stupéfiant ou dans un état d’ivresse.

 

Dans le même temps, l’article  L. 4121-3 du Code du travail impose que l’employeur mette en oeuvre « les actions de prévention ainsi que des méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ».

 

Le plan d’actions doit fixer la liste détaillée de mesures à prendre durant l’année à venir en matière de protection des salariés et d’amélioration des conditions de travail, formations, changement d’équipement. L’employeur doit, au moins un fois par an, émettre

 

– un rapport annuel faisant bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail.

 

– un programme annuel de prévention des risques professionnels et d ‘amélioration des conditions de travail avec une liste détaillée des mesures devant être prises.

 

Le CSE a également un rôle notable en matière de sécurité et prévention. Il doit « contribuer à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise » et pour ce faire il dispose du moyen de « réaliser des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel ».

 

De la même manière, face à l’ampleur du phénomème, de nombreux accords ont émergé en faveur de la protection de la santé des salariés.

 

En effet, un accord national interprofessionnel sur le stress au travail a été signé par les partenaires sociaux le 2 juillet 2008.

 

Selon cet accord, le stress survient lorsqu’il y a « un déséquilibre entre la perception qu’une personne à des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétées à des pressions intenses ».

Il met en évidence différentes causes possibles, le contenu et l’organisation du travail, une mauvaise communication ou encore l’environnement au travail, enjeux déterminants tant pour la santé du salarié que sa pérennité dans l’entreprise.

 

Par conséquent, il revient à l’employeur, avec la collaboration des représentants de procéder à des procédures globales d’évaluation des risques et de mettre en place des mesures tant globales que privatives à l’égard des salariés. Dans le cas contraire, il pourra faire l’objet de condamnation.