Quelles sont les conséquences d’une relaxe du juge pénal sur le licenciement du salarié pour faute grave ?

Pour licencier un salarié pour faute grave, l’employeur doit justifier de l’existence d’un manquement du salarié qui rend impossible son maintien dans l’entreprise (Cass. soc., 27 septembre 2007, 06-43.867, Publié au bulletin).

 

La violence envers un autre salarié est considérée par la jurisprudence comme d’une gravité telle qu’elle justifie un licenciement pour faute grave, privant ainsi le salarié violent de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congé payés (articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail).

 

La preuve de la faute peut être rapportée de différente façon et en cas de violence, le salarié peut être poursuivi devant les juridictions pénales et être condamné pour des faits de violence.

 

En principe, si le salarié est condamné par le juge pénal pour des faits de violence, ce qui a été décidé par le juge pénal s’impose au juge civil, et notamment, au Conseil de Prud’hommes.

 

C’est le principe de « l’autorité au civil, de la chose jugée au pénal » édicté à l’article 4 du code de procédure pénale qui a été révisé en 2011 et ne rend plus automatique la suspension du procès civil dans le cadre d’une action pénale engagée concomitamment.

 

Article 4 du code de procédure pénale:

« L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »

 

  • Que se passe-t-il alors si le juge pénal relaxe le salarié poursuivi pour des faits de violence ?

 

En d’autres termes, quelles sont les conséquences d’un jugement pénal de relaxe sur le licenciement d’un salarié pour faute grave ?

 

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt récent du 9 novembre 2022 (Cass. soc., 9 novembre 2022, n° 21-17.563).

 

En l’espèce, un salarié avait été licencié pour faute grave en raison des blessures qu’il avait infligées à un collègue.

 

Il a donc été privé de son indemnité de licenciement, de son indemnité compensatrice de congé payés et son indemnité compensatrice de préavis.

 

Il a également été poursuivi au pénal pour ces faits de violence volontaire commise à l’encontre de l’un de ses collègues.

 

Il a cependant été relaxé, c’est-à-dire que le juge pénal n’a pas retenu  l’infraction.

 

Concernant le licenciement, la Cour de cassation juge que :

 

« Vu le principe de l’autorité au civil, de la chose jugée au pénal

 

  1. Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.

 

  1. Il relève ensuite, d’une part, que si le salarié impute à l’employeur sa réaction, il ne démontre pas de lien entre le manquement établi de l’employeur à l’obligation de sécurité et son attitude ni ne produit de pièce médicale justifiant de troubles ou de médications ayant pu influer sur son comportement et, d’autre part, que le caractère isolé de cette irruption de violence dans son exercice professionnel n’en prive pas la faute commise de son degré de gravité, s’agissant de faits qui se sont déroulés sur le lieu de travail et dont la soudaineté, l’intensité et la détermination manifestée rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

 

  1. En statuant ainsi, alors que la décision de relaxe devenue définitive dont avait bénéficié le salarié, poursuivi pour avoir exercé des violences volontaires sur son collègue, était motivée par le fait qu’il n’était pas possible d’apprécier le déroulement exact des faits et l’origine de l’altercation ayant opposé, sur le lieu de travail, l’intéressé à son collègue au cours de laquelle ce dernier avait été blessé, la cour d’appel a violé le principe susvisé

 

Dans cette décision, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel la décision définitive du juge pénal s’impose au juge prud’homal et détaille explicitement ce qui s’impose au juge civil :

  • l’existence du fait incriminé,
  • sa qualification,
  • et la culpabilité ou l’innocence de la personne mise en cause.

 

Ainsi, si le juge pénal considère que les faits dont le salarié est accusé ne sont pas établis et qu’il n’est pas condamné, l’absence de faute au sens pénal empêche l’employeur de prononcer un licenciement pour ces mêmes faits.

 

La décision du juge pénal s’impose au juge civil, ce qui a pour conséquence que le Conseil de prud’hommes devra juger que le licenciement pour faute grave n’est pas justifié et qu’il devra être requalifié, de facto, en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Il existe cependant un tempérament à ce principe : le juge prud’homal garde la possibilité « d’apprécier la gravité de la faute au regard de l’exécution du contrat de travail » c’est-à-dire que le juge civil peut décider de réduire l’intensité de la faute et estimer que l’infraction commise ne constituait pas une faute justifiant son licenciement (Cass. soc. 3 mars 2004, n° 02-41.583 : vol d’une modique somme par une salariée ayant de l’ancienneté et apportant satisfaction à ses employeurs quant à la qualité de son travail).