Demander la nullité du licenciement d’un lanceur d’alerte en référé

Le statut du lanceur d’alerte a été consacré par loi du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Loi Sapin II »).

 

Selon L.1132-3-3 du code du travail, aucune personne ayant témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou ayant relaté de tels faits ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires.

 

Cela signifie qu’un salarié qui dénonce de tel fait ne peut pas faire l’objet de sanction ni de licenciement en raison de cette dénonciation.

 

En cas de licenciement consécutif à une alerte, le salarié peut saisir le juge des référés pour demander en urgence la nullité de son licenciement.

 

Cependant, le juge des référés n’a en principe pas la compétence pour trancher le fond de litige qui lui est présenté. Il a seulement le pouvoir de faire cesser un « trouble manifestement illicite » c’est-à-dire qu’il peut mettre fin à une situation dont l’illégalité est évidente mais ne peut pas intervenir en cas de doute.

 

Or, la contestation du licenciement d’un salarié qui estime avoir le statut lanceur d’alerte peut faire l’objet de débat.

 

En effet, pour bénéficier du statut de lanceur d’alerte, le salarié doit respecter plusieurs conditions prévues aux articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 : dénoncer un crime ou un délit, être de bonne foi, avoir eu personnellement connaissance des faits et respecter la procédure de dénonciation…

 

En outre, le licenciement du salarié peut paraitre justifié par les fautes mentionnées dans la lettre de licenciement.

 

Malgré ces points de débat, la Cour de cassation a récemment considéré que :

 

« Le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d’une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la rupture d’un contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent :

  • de présumer que le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée
  • et, dans l’affirmative, de rechercher si l’employeur rapporte la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié ».

 

Dans cette affaire, une salariée avait saisi le comité d’éthique de son entreprise pour signaler des faits susceptibles d’être qualifié de corruption de la part de l’un de ses collègues et de son employeur.

 

Cependant, le comité d’éthique avait estimé que les faits dénoncés n’étaient pas avérés et dans un temps très proche, la salariée a été convoquée à un entretien préalable puis licenciée.

 

Elle avait alors saisi la juge des référés pour demander en urgence la nullité de son licenciement en raison de la discrimination subie en tant que lanceuse d’alerte.

 

Le juge des référés bien avait retenu la qualité de lanceur d’alerte à la salariée mais n’avait pas ordonné la nullité du licenciement car le caractère discriminatoire du licenciement n’était pas manifeste. En effet, la lettre de licenciement ne mentionnait pas explicitement que le licenciement était lié à l’alerte de la salariée.

 

La Cour de cassation a cependant cassé l’arrêt en estimant que :

 

« En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la salariée présentait des éléments permettant de présumer qu’elle avait signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, en sorte qu’il lui appartenait de rechercher si l’employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressée, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Cass. soc. 1 février 2023, n°21-24.271).

 

Ainsi, s’il est possible de présumer que le salarié respecte les conditions de la loi pour bénéficier du statut de lanceur d’alerte, son licenciement consécutif à l’alerte est suspect.

 

Il revient alors à l’employeur de prouver que le licenciement du salarié était justifié par une cause réelle et sérieuse, non liée à l’alerte.

 

Si l’employeur ne parvient pas à prouver que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à la dénonciation du salarié, le juge des référés a le pouvoir de prononcer la nullité du licenciement du lanceur d’alerte.

 

 

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