Quelles garanties doivent-être prévues par la convention collective pour que soit validée une convention de forfait ?

Quelles garanties doivent-être prévues par la convention collective pour que soit validée une convention de forfait ?

 

Ces trois décisions de juillet 2023 apprécient la validité des conventions de forfait notamment au regard du « suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ».

 

Après de nombreux arrêts rendus afin de concilier les mécanismes de forfait avec la protection de la santé des salariés soumis à ces systèmes, la Cour de cassation contrôle de façon importante ces forfaits.

 

Ainsi, le non-respect des dispositions visant à protéger la santé du salarié provoque un retour à la durée légale du travail et donc peut parfois permettre un rappel d’heures supplémentaires sur les trois dernières années.

(Cass, Soc, 29 juin 2011, n°09-71.107)

 

  • Dans le premier arrêt de juillet 2023 (n°21-23.222),

 

La convention collective de la réparation automobile prévoit un système auto-déclaratif dans lequel les salariés doivent renseigner un document de suivi du forfait qui laisse apparaitre le nombre ainsi que la date des journées de travail.

 

Cette convention collective prévoit également la possibilité d’un entretien annuel qui permet de vérifier la concordance entre la charge de travail et le nombre de jours prévus par la convention de forfait. A la suite de cet entretien annuel, il est possible de mettre en place des correctifs qui permettent de respecter une charge de travail raisonnable.

 

Malgré les garanties appliquées, l’accord est jugé insuffisant par la Cour de cassation qui considère que ces dispositions « ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».

 

  • Dans le second arrêt de juillet 2023 (n°21-23.387),

 

La convention collective des prestataires de services dans le secteur tertiaire prévoit un unique entretien annuel portant sur l’organisation du travail, la charge de travail et l’amplitude horaire.

 

Cette convention collective rappelle les 11 heures consécutives de repos quotidien ainsi que les 35 heures consécutives de repos hebdomadaire. Enfin, elle prévoit un contrôle du nombre de jours travaillés.

 

L’accord est jugé insuffisant et pas assez protecteur au regard des exigences du droit à la santé et au repos.

 

La convention de forfait est annulée pour les mêmes raisons que celles précitées.

 

  • Dans le dernier arrêt de juillet 2023 (n°21-23.294)

 

Le salarié est ici soumis aux dispositions de la Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment.

 

Les dispositions de cette convention collective prévoient un suivi régulier de la hiérarchie à travers un document individuel de suivi et des points réguliers lors de l’exécution de la convention.

 

Un entretien annuel est prévu entre le salarié et son supérieur hiérarchique au cours duquel sont abordés différents sujets, notamment la charge de travail et l’amplitude des journées travaillées, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la rémunération ainsi que l’organisation du travail dans l’entreprise.

 

La convention collective rappelle que la charge de travail et l’amplitude des journées travaillées doivent être faites dans des limites raisonnables et qu’il est nécessaire de respecter les temps de repos quotidiens d’au moins 11 heures ainsi que de 35 heures consécutives hebdomadairement.

 

Enfin, la convention collective met en place la consultation des représentants du personnel au sujet des conséquences pratiques de la mise en œuvre de ce décompte de la durée de travail en nombre de jours sur l’année.

 

Dans cette décision, contrairement aux deux précitées, la Chambre sociale considère que les garanties assurées par la convention collective sont suffisantes.

 

La Cour de cassation met en avant le fait qu’un contrôle par l’employeur de la durée raisonnable de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires sont mis en place.

 

Elle appuie sa décision en indiquant que « l’organisation du travail des salariés fait l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées minimales de repos, qu’un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés est tenu par l’employeur ou le salarié sous la responsabilité de l’employeur et que ce document individuel de suivi permet un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l’ensemble des jours de repos dans le courant de l’exercice ».

 

L’enjeu pour les employeurs est de taille puisqu’un rappel de salaire sur trois années peut être un préjudice financier important à financer.

 

L’employeur doit être d’autant plus vigilant qu’il peut être condamné pour du travail dissimulé et un non-respect de droit au repos du salarié alors qu’il est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard du salarié prévue par l’article L. 4121-1 du Code du travail.

 

L’employeur se trouve donc confronté à deux exigences majeures :

 

-l’existence d’un mécanisme permettant de relever réellement le travail effectivement réalisé par le salarié ainsi que ses temps de repos

-la mise en place d’un mécanisme permettant des correctifs rapides afin d’interrompre une surcharge de travail qui aurait été évoquée par le salarié

 

Cass, Soc, 5 juillet 2023, n°21-23.222 ; n°21-23.387 ; n°21-23.294

 

Pour aller plus loin :

 

https://www.avocat-jalain.fr/heures-supplementaires-des-cadres-pas-de-validite-des-conventions-de-forfait-jours-sans-reel-controle-de-la-charge-de-travail-par-lemployeur/

 

https://www.avocat-jalain.fr/convention-de-forfait-jours-et-conditions-de-validite-panorama-des-decisions-recentes/