Le salarié peut-il faire reconnaitre un choc psychologique en accident du travail ?

Trop souvent méconnue par les salariés, la notion d’accident de travail englobe à côté des accidents physiques l’ensemble des traumatismes psychiques, voire une dépression nerveuse, dès lors que ceux-ci sont intervenus au temps et sur le lieu de travail.

 

Chaque année, plus de 10 000 cas de traumatismes psychiques qualifiés en accidents du travail sur la seule sont caractérisés par la CPAM, les principaux secteurs concernés : le médico-social à 20 %, les transports à 15 % et le commerce de détail à 13 %.

 

Le Code de la Sécurité sociale a établi une présomption d’imputabilité, en concevant en des termes extrêmement larges la notion d’accident du travail : est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise (CSS, art. L. 411-1).

 

Il convient d’étudier ici les conditions qui seront seules exigées par la Sécurité sociale ou en contestation des décisions de la Sécurité sociale par le juge lorsqu’il s’agit pour le salarié de faire reconnaitre un choc psychologique en lien avec son activité professionnelle.

 

Il est notable à ce titre que les tribunaux censurent fréquemment l’appréciation qui est faite par les Caisses de Sécurité sociale qui vont jusqu’à rajouter des conditions à la prise en charge des accidents de travail qui ne sont pas édictés par le Code de la Sécurité sociale.

 

Pour qu’un accident du travail soit reconnu, il faut justifier de trois éléments :

 

-Un évènement ou une série d’évènements ayant une date certaine

 

-Une lésion

 

-Un lien avec l’activité professionnelle

 

La preuve se fait par tout moyen.

 

  • Un évènement ou une série d’évènements ayant une date certaine

A l’origine de l’accident du travail doit exister un fait accidentel. Celui-ci est défini comme « un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle ».

 

La jurisprudence est venue préciser le critère de soudaineté en précisant que l’accident du travail repose sur la survenance d’un évènement ou d’une série d’évènements, qui n’a pas nécessaire la caractéristique d’un fait soudain ou accidentel, mais dont la date doit être certaine.

 

Présomption dimputabilité de l’accident ayant lieu sur le lieu de travail

Si le traumatisme est survenu sur votre lieu de travail, vous bénéficiez de la présomption d’imputabilité : le caractère professionnel de l’accident est automatiquement reconnu.

Lorsque l’incident ne s’est pas produit sur votre lieu ou durant votre temps de travail, la présomption d’imputabilité n’est pas applicable.

Vous devez alors démontrer le lien de causalité pour espérer une classification en accident du travail. L’exercice est délicat, mais pas impossible pour peu que vous puissiez prouver l’existence du fameux événement déclencheur à l’aide d’enventuels temoignages.

 

La jurisprudence a jugé qu’était un évènement certain permettant la reconnaissance de l’accident du travail :

 

-Une dépression constatée par le médecin traite du salarié deux jours après un entretien d’évaluation au cours duquel ce dernier a appris sa rétrogradation

 

-Un syndrome anxio-dépressif réactionnel établi par des certificats médicaux le lendemain d’une altercation avec le supérieur hiérarchique, même si la victime était à l’origine du différend.

 

Le salarié a la charge de justifier la matérialité de l’évènement, la preuve se faisant par tout moyen. Cette preuve a pu être considérée comme rapportée alors même qu’il n’y avait pas de témoin. C’est par exemple le cas du salarié qui a prévenu son responsable et a fait établir un certificat médical le jour-même.

 

Tant qu’il a une date certaine, l’évènement à l’origine de la lésion n’a pas besoin d’être d’une particulière brutalité.

 

Dès lors, lorsque l’évènement survient au temps et au lieu du travail, le caractère professionnel de l’accident est présumé et il appartient à la Caisse de prouver que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.

 

La Cour de cassation rappelle depuis plusieurs années qu’un entretien avec l’employeur pendant le temps et sur le lieu de travail qui cause au salarié des lésions d’ordre psychologique doit être présumé d’origine professionnelle, quand bien même :

 

-les lésions sont apparues postérieurement à un entretien préalable au licenciement,

 

-qu’aucun incident, aucun fait brutal, aucun comportement anormal de la part de la hiérarchie du salarié n’est établi

 

-que le salarié bénéficie d’un suivi psychiatrique depuis cinq ans et que le conflit avec l’employeur est ancien.

 

Doit également être considéré comme étant d’origine professionnelle le « stress professionnel » constaté par le médecin traitant du salarié après un échange de courriels avec le service marketing, quand bien même :

 

-les observations du service marketing n’auraient pas dépassé les limites d’une discussion entre collègues de différents services,

 

-qu’il n’est fait état ni d’un ton déplacé, ni de propos dénigrants ou insultants, ni que les demandes faites à la victime auraient présenté un caractère excessif.

 

Enfin, la Cour de cassation a une fois de plus rappelé sa jurisprudence en affirmant que même si la salariée « n’apporte aucun élément, en dehors de ses propres déclarations, qu’un événement brusque et soudain serait survenu lors d’un entretien dans le bureau de la responsable des ressources humaines, le questionnaire rempli par l’employeur décrivant un entretien se déroulant dans des conditions normales », les juges du fond doivent considérer que l’accident litigieux était présumé revêtir un caractère professionnel.

 

  • Une lésion

Il doit résulter de l’accident déclaré une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci et peu important le comportement du salarié.

 

Le dommage subi par le salarié n’est pas nécessairement physique, il peut également être psychique.

 

Sont ainsi considérés comme accidents du travail :

 

-Les troubles psychologiques consécutifs à un choc émotionnel provoqué par une agression sur le lieu de travail  ;

-La dépression constatée par le médecin traitant du salarié deux jours après un entretien d’évaluation au cours duquel ce dernier a appris sa rétrogradation.

 

Le fait que le salarié ait des antécédents psychiatriques en lien avec ses conditions de travail dégradées n’empêche pas la présomption du caractère professionnel de l’accident survenu au temps et au lieu de travail.

 

La Cour de cassation a ainsi pu juger que le fait qu’un salarié bénéficie d’un suivi psychiatrique depuis cinq ans et que le conflit avec son employeur soit ancien n’empêche pas la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident survenu pendant un entretien préalable au licenciement.

 

La Cour de cassation a également considéré que le malaise du salarié survenu au temps et au lieu de travail doit être présumé d’origine professionnelle, même si :

 

-aucun témoin n’a assisté à l’entretien professionnel à l’origine du malaise,

-le salarié avait la « santé fragile » et que son état antérieur psychique « résulterait de difficultés professionnelles, de harcèlement moral et de propos xénophobes depuis plusieurs mois »

 

  • Un lien avec l’activité professionnelle

 

Dès lors que l’évènement survient pendant le travail ou à l’occasion de celui-ci, le lien avec l’activité est présumé.

 

Cette présomption d’imputabilité de l’accident au travail a pour effet de dispenser le salarié d’établir la preuve du lien de causalité entre l’accident et le contexte professionnel.

 

Cette présomption peut être renversée en démontrant que la cause de l’évènement est totalement étrangère au travail :

L’employeur désireux de renverser la présomption d’imputabilité doit apporter la preuve contraire d’une absence de lien entre les arrêts de travail prescrits et l’accident du travail du fait d’une cause étrangère au travail.

 

En revanche, ne sont pas de nature à écarter l’application de la présomption :

 

-Le non-respect par la victime du délai de 24 heures pour déclarer l’accident à son employeur  ;

-Le caractère tardif de la constatation médicale

 

En conclusion, la difficulté que peuvent rencontrer les salariés pour faire reconnaitre un choc psychologiques en accident de travail se situe au niveau de la preuve du choc intervenu et de ses conséquences physiologiques.

Aussi, il doit être rappelée l’importance pour les salariés d’acter par écrit rapidement auprès de l’employeur le choc intervenu en lui demandant de le déclarer en accident de travail et de faire constater sans délai, si possible le jour-même, ce choc psychologiques et ses effets par un médecin.

De même, demander une attestation de salarié témoin du choc ou de ses conséquences (troubles respiratoires, saignements du nez, maux de tête, etc…) peut s’avérer crucial lors de l’enquête qui sera menée par la Sécurité sociale pour s’assurer de l’imputabilité de l’accident.

 

Les bons reflexes

 

  1. Informez votre employeur dans les 24 heures. Ce dernier doit de son côté déclarer l’accident du travail à la Cpam dans un délai de 48 heures.
  2. Faites constater sans attendre, le jour même, la lésion par un médecin qui établira un certificat médical initial (éventuellement accompagné d’un arrêt de travail).
  3. La Cpam statue sur le caractère professionnel de votre accident après avoir reçu le certificat médical initial et la déclaration d’accident du travail. Elle dispose de 30 jours pour se prononcer (3 mois pour certains dossiers complexes).

 

Les indemnités journalières pendant l’arrêt maladie

En cas d’arrêt de travail médicalement constaté dû à un accident du travail et pour compenser la perte de salaire, le salarié peut percevoir des indemnités journalières.

S’il est mensualisé, quelle que soit la date de paiement du salaire, l’indemnité journalière est calculée à partir du salaire brut du mois précédant l’arrêt de travail.

Ce salaire, divisé par 30.42, détermine le salaire journalier de base.

Le montant de des indemnités journalières évolue dans le temps.

 

Pendant les 28 premiers jours suivant l’arrêt de travail : l’indemnité journalière est égale à 60 % du salaire journalier de base, avec un montant maximum plafonné à 232,03 € au 1er janvier 2024.

À partir du 29e jour d’arrêt de travail : l’indemnité journalière est majorée et portée à 80 % du salaire journalier de base.

Au-delà de trois mois d’arrêt de travail : l’indemnité journalière peut être revalorisée en cas d’augmentation générale des salaires après l’accident.

 

Le salaire journalier servant de base au calcul de l’IJSS est déterminé en prenant 1/91,25 du montant de ces 3 derniers mois. Chacun de ces 3 derniers mois ne doit pas dépasser le Plafond Mensuel de Sécurité Sociale (PMSS 2024 = 3 864 €).

 

Consultez la convention collective, les accords conventionnelles d’entreprise, pour connaître les conditions du maintien de salaire pendant l’arrêt de travail.