Peut-on faire des demandes additionnelles devant le conseil de prud’hommes en cours de procédure ?

02 avril 2022

Devant le Conseil de prud’hommes, la demande en justice se fait par le biais d’une requête qui doit contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de la demande (articles R.1452-1 et R.1452-2 du code du travail).

 

Même si la procédure prud’homale est orale, en application de l’article R.1453-3 du code du travail, les parties comparantes assistées ou représentées par un avocat peuvent formuler leurs prétentions par écrit, sous forme de conclusions.

 

Selon l’article R.1453-5 du même code, les parties sont tenues, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée dans leurs conclusions et de les récapituler sous forme de dispositif.

 

Toutes les prétentions et argumentations développées au cours des échanges de conclusions entre les parties doivent être reprises dans leurs dernières écritures, sans quoi le juge ne pourra pas en tenir compte au moment de prendre sa décision.

 

Est-il possible de formuler des demandes en cours de procédure qui n’étaient pas présentes dans la requête initiale ?

 

Cette question est importante car elle se heurte au principe « d’unicité de l’instance » selon lequel le demandeur qui souhaite formuler une nouvelle demande, c’est-à-dire une demande qui n’était pas prévue dans la requête initiale, doit saisir le Conseil de prud’hommes d’une nouvelle requête.

 

L’oubli d’une demande peut être préjudiciable pour le requérant si le délai pour saisir le juge de sa nouvelle demande arrive à expiration, c’est à dire si ele est atteinte de prescirption.

 

Devant le Conseil de Prud’hommes, le principe d’unicité de l’instance impose donc au justiciable de cerner correctement les enjeux de son litige et ne pas oublier de demandes qui auraient pu être formulées dès la première saisine.

 

La réponse de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation a cependant pu rappeler dans un arrêt du 19 octobre 2022 que le principe d’unicité de l’instance ne faisait pas obstacle au droit de la procédure civile.

 

Dans cette affaire, un salarié avait saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et formuler plusieurs demandes au titre de l’exécution de son contrat de travail.

 

Le Conseil de prud’hommes et la Cour d’appel ont fait droit aux demandes du salarié.

 

L’employeur a cependant contesté la décision de la Cour d’appel en estimant que les demandes du salarié tenant au paiement de ses notes de frais et au rappel de salaire n’avaient pas été formulées dans la requête initiale devant le Conseil de Prud’hommes.

 

L’employeur considérait que ces demandes étaient, de ce fait, irrecevables et n’auraient pas dû être examinées par les juges du fond.

 

La Cour de cassation n’a pas suivi l’argumentation de l’employeur en reprenant le principe de la procédure civile selon lequel les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant (article 70 du code de procédure civil).

 

Pour rappel, la demande reconventionnelle est définie à l’article 64 du Code de procédure civile, comme la demande par laquelle le défendeur cherche à obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

 

La demande additionnelle concerne le demandeur à l’instance qui peut modifier ses prétentions antérieures, et donc ajouter des demandes qui n’étaient pas prévues dans sa saisine en justice tant que ces demandes revêtent un lien suffisant avec les premières (article 65 du code de procédure civile).

 

La Cour de cassation en a conclu que :

 

« le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l’audience lorsqu’il est assisté ou représenté par un avocat.

 

10. La cour d’appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que les demandes, d’une part, au titre des notes de frais 2015 remises en juillet 2016 et, d’autre part, au titre des rappels de salaire, dont le lien avec les prétentions formulées dans la requête initiale n’était pas contesté, figuraient dans les chefs de demande récapitulés dans le dispositif des dernières conclusions du salarié soutenues oralement et déposées lors de l’audience devant le conseil de prud’hommes, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu’elles étaient recevables».

 

Ainsi, la Cour de cassation considère qu’il est possible de formuler de nouvelles demandes en cours de procédure, même devant le Conseil de prud’hommes, tant que ces demandes :

 

  • ont un lien suffisant avec les prétentions formulées dans la requête initiale,

 

  • et qu’elles sont récapitulées dans le dispositif des dernières conclusions et soutenues oralement lors de l’audience.

 

La possibilité de formuler de nouvelles demandes vaut aussi bien pour le demandeur à l’instance que pour le défendeur qui peut formuler une demande reconventionnelle en cours d’instance.

 

Comment s’apprécie le « lien suffisant » entre les demandes initiales et les demandes nouvelles ?

 

La Cour de cassation considère que le « lien suffisant » entre la demande initiale et les demandes formulées en cours de procédure relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 3ème civ. 4 avril 2002).

 

Cela signifie que le lien suffisant entre les demandes s’apprécie au cas par cas.

 

Dans l’arrêt commenté du 19 octobre 2022, l’employeur n’avait pas contesté le lien entre les demandes nouvelles et les prétentions formulées en cours de procédure, si bien que la Cour de cassation a considéré qu’il n’appartenait pas au juge du fond de se prononcer sur la recevabilité de ces demandes.

 

C’est à celui qui conteste la demande additionnelle ou reconventionnelle d’invoquer une absence de lien suffisant, pour que le juge doit obligé de se prononcer sur la recevabilité de cette nouvelle demande.

 

Pour en savoir plus sur la procédure prud’homale et la recevabilité des demandes nouvelles, cliquez ici.

Maître JALAIN

Avocat en Droit du ttavail

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