Sur l’intensité de l’obligation de reclassement du salarié inapte pesant sur l’employeur

Dans un arrêt du 26 octobre 2010, la haute cour a jugé que l’avis donné par les délégués du personnel et le refus par un salarié déclaré inapte à son poste d’une proposition de reclassement n’impliquaient pas, à eux seuls, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement.

En l’espèce, l’employeur versait aux débats, d’une part le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel d’où il résultait que les représentants du personnel avaient donné un avis favorable à la proposition de poste faite par l’employeur et ne voyaient «pas d’autres propositions de reclassement possible» et, d’autre part, les courriers de salariés refusant un poste de de reclassement conforme aux restrictions posées par le médecin du travail.

La haute cour juge ainsi qu’en s’abstenant d’apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement à la lueur de de l’ensemble des éléments du dossier, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale.

Cette arrêt confirme la severité de la cour de cassation dans l’appréciation des mesures mises en ouvres par l’employeur pour le reclassement du salarié qui devient une rèlle obligation de moyens renforcée.

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Cour de cassation

chambre sociale

26 octobre 2010

N° de pourvoi: 09-40972

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 2009), que M. X… engagé le 2 avril 2003 par la société Le Fournil biterrois, a été victime d’un accident du travail le 21 juin 2005 ; qu’après avoir été déclaré inapte à son poste à l’issue de deux visites de reprise, le salarié a été licencié le 21 juin 2006 ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit se prononcer sur les offres valables de reclassement faites au salarié devenu inapte à son emploi ; qu’en l’espèce, il n’était pas contesté que la société Le Fournil biterrois avait proposé à M. X… un poste administratif à raison de 65 heures par mois, lequel était conforme aux restrictions posées par le médecin du travail ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur cette offre valable de reclassement qui concernait un poste situé dans l’établissement où travaillait M. X…, en rapport avec sa qualification professionnelle et conforme aux préconisations du médecin du travail, la cour d’appel a méconnu son office et violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1226-10, L. 1226-13 et L. 4624-1 du code du travail ;

2°/ que saisi du point de savoir si l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement, le juge doit se prononcer sur l’ensemble des éléments versés aux débats par l’employeur pour démontrer qu’il s’est affranchi de son obligation ; qu’en l’espèce, la société Le Fournil biterrois versait aux débats, d’une part le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 29 mai 2006 d’où il résultait que les représentants du personnel avaient donné un avis favorable à la proposition de poste faite par l’employeur et ne voyaient «pas d’autres propositions de reclassement possible» et, d’autre part, les courriers de MM. Y… et Z… refusant de céder leur poste à M. X… ; qu’en s’abstenant d’apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement à la lueur de ces éléments déterminants, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1226-10, L. 1226-13 et L. 4624-1 du code du travail ;

3°/ que s’agissant du groupe, la société Le Fournil biterrois faisait valoir qu’elle avait sollicité aux fins de reclassement de M. X…, la société JCT, «seule autre société du groupe» ; qu’en reprochant à l’employeur de ne pas s’être expliqué sur l’étendue du groupe auquel il appartenait, ce qui était pourtant le cas, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu’en se fondant, pour juger que la société Le Fournil biterrois n’aurait pas satisfait à son obligation de reclassement vis-à-vis de M. X…, sur un «article de presse» concernant l’étendue du groupe auquel elle appartiendrait, cependant qu’il ne ressortait pas des bordereaux de communication de pièces qu’un quelconque article de presse eut été régulièrement versé aux débats et soumis à un débat contradictoire, la cour d’appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’avis donné par les délégués du personnel et le refus par un salarié déclaré inapte à son poste d’une proposition de reclassement n’impliquent pas, à eux seuls, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ;

Et attendu qu’après avoir relevé que la proposition refusée par le salarié comportait une diminution à 65 heures de l’horaire de travail, la cour d’appel a souverainement retenu que la société Le Fournil biterrois, qui ne fournissait aucune précision sur sa taille et sa structure et qui restait discrète sur l’étendue du groupe (BCS) auquel elle appartenait, ne précisait pas les recherches effectivement effectuées ; que, sans modifier l’objet du litige ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a pu déduire de ses constatations que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement de ce salarié et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi :

REJETTE le pourvoi ;

Maître JALAIN

Avocat en droit du Travail

Barreau de Bordeaux