Reforme : les nouveaux plafonds d’indemnisation prud’hommes sont-ils vraiment défavorables pour le salarié ?

La loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social a été définitivement adoptée par le Parlement les 1er et 2 août 2017.

Le gouvernement dévoile, ce jeudi 31 aout , le contenu des ordonnances visant à réformer le code du travail.

Elles prévoient de réformer de nombreux pans de notre droit du travail (Dialogue social, accords d’entreprise, licenciements économiques ) parmi lesquels celui de l’indemnisation du salarié licencié par le conseil de prud’hommes lorsque le licenciement est jugé abusif.

Voici les annonces faites qui concernent ici uniquement la rupture du contrat de travail.

  • La réévaluation des indemnités légales de licenciement à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté

Aujourd’hui fixées à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, les indemnités légales de licenciement passent à 25% de mois de salaire.

C’est un bon significatif qui repend un taux parmi les plus favorables des conventions collectives existantes.

Sur ce point, incontestablement, les salariés sont gagnants. Côté employeur, le coût du départ d’un collaborateur est nettement augmenté, ce qui ne sera pas sans conséquence pour les salariés séniors en particulier.

  • Le plafonnement des indemnités prud’hommes selon un barème prédéfini : Indemnités prud’homales plafonnées à 3 mois de salaire jusqu’à 2 ans d’ancienneté, à 20 mois à partir de 30 ans d’ancienneté

C’est l’un des points clés sur lequel portait le plus la crainte du salarié de voir « brader » son préjudice au profit d’un barème obligatoire qui enlève au juge son appréciation des faits.

Exit donc le «référentiel» indicatif, prévu par la loi Macron d’aout 2016.

Le juge prud’homal perdra donc avec ce nouveau texte son pouvoir d’appréciation et ne pourra aller au-delà des planchers fixés.

  • Un plafond : Les salariés jusqu’à deux ans d’ancienneté toucheront au maximum trois mois de salaire là où le texte de l’article 1235-5 du code du travail laissait le juge prud’homal apprécier l’indemnisation « en fonction du préjudice subi ».

Avec deux ans d’ancienneté, le plafond sera de trois mois de salaire, la ou dans les entreprises de plus de10 salariés il était jusqu’à présent à six mois de salaire.

Ce plafond augmente ensuite progressivement à raison d’un mois par année d’ancienneté jusqu’à dix ans. Puis à partie de 10 ans, ½ mois de salaire par an pour atteindre 20 mois au maximum pour 30 années d’ancienneté dans la même entreprise.

Ces indemnités augmenteront progressivement à raison d’un mois par année d’ancienneté jusqu’à dix ans, puis d’un demi-mois par an.

À partir de 30 ans d’ancienneté, un salarié licencié abusivement touchera donc au maximum 20 mois de salaire maximum. Toutefois, avec l’ancien système il était toutefois assez rare de voir des indemnisations au-delà de 20 mois, sauf atteinte portée à l’intégrité du salarié qui n’est pas concerné avec ces nouveaux plafonds.

En effet, ce plafond ne s’appliquera pas en cas pour les cas discrimination ou encore d’atteinte aux droits fondamentaux du salarié. On pense ici par exemple au harcèlement moral ou sexuel. Il faudra regarder précisément les textes sur ce point.

  • Un plancher sera, lui, fixé à 15 jours de salaire dans les TPE, un mois pour les autres entreprises, et augmentera jusqu’à trois mois avec l’ancienneté.

 

  • Au final, le salarié est il perdant ? Pas si sûr en pratique.

L’ancien système de « référentiel indicatif », instauré par la loi Macron de 2015 censé guider les juges prud’homaux échelonnait certes les indemnisations d’un mois de salaire en dessous d’un an d’ancienneté jusqu’à 21,5 mois au-delà de 43 ans d’ancienneté.

Mais en pratique et pour ce qui concerne le droit commun du licenciement,et de l’avis même des conseillers prud’homaux, ce texte n’était quasiment pas utilisé.

La contrainte imposée au juge par les textes était d’accorder un minimum de six mois de dommages et intérêts aux employés des entreprises de plus de dix salariés qui présentaient au moins deux ans d’ancienneté. (article 1235-3 du code du travail)

Il était très fréquent de voir des conseils de prud’hommes ne pas respecter ce plafond indicatif pour allouer au final des sommes INFÉRIEURES à ce plafond …

Il ne faut pas oublier en effet que le conseil de prud’hommes, juridiction paritaire est composé de juges issus des collèges salariés et employeurs. Or, ces derniers même en cas de violation des droits du salarié sont toujours vigilants pour ne pas allouer des condamnations trop importantes au préjudice … de l’employeur.

Aussi, que ce soit pour les petites anciennetés ou les plus grandes, ce nouveau barème ( 1 mois d’indemnité par année d’ancienneté ) devrait conduire les juges prud’homaux à homogénéiser leurs pratiques pour finalement conduire à un quantum d’indemnisation du salarié qu’on voyait déjà se dessiner au travers des décisions prud’homales ou des cours d’appel.

Pas certain donc que les salariés soient demain moins bien indemnisés qu’aujourd’hui en cas de licenciement jugé abusif… attendons de voir.

  • Rupture conventionnelle « collective »

Autre nouveauté sur la question des ruptures de contrat, assez audacieuse tout de même, il est annoncé « une rupture conventionnelle collective » par le biais d’une négociation dans l’entreprise.

Sera créée la possibilité de définir un cadre commun de départ «strictement volontaire», qui devra être homologué par l’administration du Travail sur le même modèle que de la rupture conventionnelle individuelle aujourd’hui.

Contournement possible du PSE diront certains il reste à connaitre les conditions et garanties du futur texte permettant d’assurer le caractère « volontaire » du départ du salarié.

  • Uniformisation du délai pour saisir le conseil de prud’hommes

Le délai pour saisir les prud’hommes après un licenciement sera limité à un an pour tous les types de licenciements. Aujourd’hui, il est d’un an pour les licenciements économiques et de deux ans pour les autres licenciements.