Quelles sont les conditions de validité d’une clause de mobilité ?

La clause de mobilité est clause par laquelle le salarié accepte, par avance, une modification de son lieu de travail.

1. Validité de la clause de mobilité

Une telle clause doit, pour être applicable, être prévue par le contrat de travail signé par le salarié (l’ajout d’une telle clause à un contrat de travail existant constitue une modification de ce contrat, qui doit être acceptée par le salarié) et définir de façon précise sa zone géographique d’application. Elle peut également être prévue par la convention collective dont dépend le salarié.

Dans ce cas, pour être valable, elle doit se suffire à elle-même et le salarié doit avoir été informé, lors de son embauche, de l’existence de la convention collective et mis en mesure d’en prendre connaissance.

Même lorsqu’elle est prévue par le contrat ou la convention collective, la clause de mobilité ne doit pas être mise en oeuvre de manière abusive ou déloyale par l’employeur : délai de prévenance insuffisant lors de son application, utilisation de la clause dans un but autre que l’intérêt de l’entreprise…

Dans une série de décisions rendues le 14 octobre 2008, la Cour de cassation a précisé les conditions de mise en oeuvre de la clause de mobilité. Pour l’essentiel, les principes posés par la Cour sont les suivants :

– « Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée » (Cass. soc., 12 juill. 2006, n° 04-45.396, RDT 2006, p. 313, obs. J. Pélissier ; RJS 10/06, n° 1028.)

En conséqeunce, toutes les clauses de mobilité imprécises contenues dans les contrats de travail sont invalides et encourent la nullité. Les licenciements prononcés en raison du refus d’obtempérer à une mutation imprévisible au moment de la signature du contrat seront jugés dépourvus de cause réelle et sérieuse. Les employeurs peuvent toutefois toujours actualiser le champ de la mobilité par avenant au contrat de travail au cours de son exécution.

– lorsqu’elle s’accompagne d’un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour ou d’un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en oeuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire, que le salarié accepte cette mise en oeuvre. Il en va de même si la mise en oeuvre de la clause s’accompagne d’une modification de tout ou partie de la rémunération du salarié.

En d’autres termes, l’accord du salarié reste nécessaire dès que la mise en oeuvre de la clause de mobilité s’accompagne d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail autre que le lieu de travail ;

– les juges du fond doivent rechercher si la mise en oeuvre de la clause contractuelle de mobilité ne porte pas une atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte peut être justifiée par la tâche à accomplir et si elle est proportionnée au but recherché ;

La Chambre sociale considère ainsi « qu’une mutation géographique ne constitue pas en elle-même une atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile et, si elle peut priver de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié qui la refuse lorsque l’employeur la met en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle, elle ne justifie pas la nullité de ce licenciement » Cass. soc., 28 mars 2006, D. 2006, Pan. p. 1063, obs. J. Pélissier, B. Lardy-Pélissier et B. Reynès ; ).

La part est ainsi faite de l’équilibre entre la liberté de choix du domicile et la liberté d’entreprendre. Pour autant, si la mutation ne constitue pas en soi une atteinte à une liberté fondamentale, la preuve d’une violation de ces droits peut être établie par des éléments objectifs , auquel cas la nullité du licenciement serait encourue.

2. Mise en ouvre de la clause de mobilité

La mobilité géographique fait l’objet d’une clause autonome par laquelle le salarié accepte d’avance de changer de lieu de travail dans les limites prévues par cette stipulation. Elle ne peut être utilisée à une autre fin que la gestion du personnel, ni imposer une modification d’un autre élément contractuel.

Si la mise en oeuvre d’une clause de mobilité entraîne une rétrogradation ou (et) une modification de la rémunération, le refus du salarié n’est pas fautif .

La solution n’est pas nouvelle et s’inscrit dans un courant jurisprudentiel désormais classique en matière de modification du contrat.

3. Les conséqences du refus du salarié

Le refus par le salarié de l’exécution d’une clause licite est fautif mais ne constitue pas en soi une faute grave (Cass. soc., 12 juill. 2006, n° 04-46.035)

Toutefois , trois arguments sont recevables pour contrer l’application d’une clause licite : le comportement abusif de l’employeur, sa mauvaise foi et l’intérêt de l’entreprise.

La jurisprudence permet de distinguer ces notions afin de dégager la charge de la preuve.

Le principe est le suivant : dès lors que la clause est licite, l’employeur peut la mettre en oeuvre en vertu de son pouvoir de direction, à condition de ne pas en faire un usage excessif ou détourné.

S’il appartient aux juges du fond de sanctionner l’usage abusif de la clause, il incombe au salarié de présenter des éléments aux juges tendant à les convaincre de ce détournement de pouvoir. Exemple :

un délai de prévenance trop court, des circonstances familiales connues de l’employeur, ou ses agissements délictueux… sont alors susceptibles de faire qualifier le licenciement pris en vertu du refus du salarié.

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Cour de cassation

chambre sociale

12 juillet 2006

N° de pourvoi: 04-46035

Attendu que, selon l’arrêt attaqué, M. X…, engagé en qualité de dessinateur-projeteur par la société Cedao le 27 octobre 1998, a été licencié pour faute grave le 17 septembre 2001, motifs pris d’un refus d’une nouvelle affectation, sans modification de son contrat de travail, moyennant une rémunération identique majorée des frais de déplacement et malgré la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt, pour des motifs pris de la violation des articles 1134 du code civil, L. 122-4, L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail, de l’avoir débouté de ses demandes tendant à la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes ;

Mais attendu, d’une part, que la classification professionnelle se détermine par les fonctions effectivement exercées en exécution du contrat de travail, sauf accord non équivoque de surclassement du salarié ;

qu’ayant relevé que l’employeur avait dès l’origine recruté M. X… à un niveau supérieur à celui qui était réellement le sien, en le faisant bénéficier de la rémunération correspondante, et que ce dernier avait consenti à ce surclassement en exécutant, depuis l’origine, les mêmes tâches a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve produits et sans renverser la charge de la preuve, que le salarié avait refusé d’effectuer une nouvelle mission qui correspondait aux tâches qu’il accomplissait habituellement pour le compte de son employeur, la cour d’appel a pu en déduire que le refus par le salarié, sans motif légitime, d’un changement de ses conditions de travail était fautif ;

D’où il suit que le moyen, pris en ses quatre premières branches n’est pas fondé ;

Mais sur la cinquième branche du moyen unique :

Vu les articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

Attendu que, pour dire fondé sur une faute grave le licenciement de M. X…, la cour d’appel a retenu que le refus, sans motif légitime et au mépris d’une clause de mobilité, du salarié de fournir une prestation de travail rendait nécessairement impossible son maintien dans l’entreprise durant la période de préavis ;

Qu’en statuant ainsi, sans caractériser l’existence d’une faute grave commise par le salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE