La victime dans le proces pénal : se constituer partie civile
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La victime a pris une place croissante dans l’évolution juridique avec la consécration d’un droit des victimes, dans les politiques publiques mais aussi dans la représentation même de la justice pénale. Parties au procès, les victimes bénéficient d’un véritable statut leur conférant des droits tout au long de la procédure depuis le dépôt de plainte jusqu’à l’exécution de la peine. Des dispositifs spécifiques permettant de leur garantir l’indemnisation la plus complète, rapide et efficace ont également été mis en place. De même, des mesures d’accompagnement et de soutien pouvant aller jusqu’à une prise en charge globale peuvent leur être proposées notamment par un secteur associatif actif et diversifié.
Aujourd’hui, la victime intervient dans le procès pénal, quasiment comme un « troisième acteur » aux côtés du Ministère Public et du délinquant.
Elle peut ainsi par exemple faire des demandes d’actes au stade de l’instruction et même avant cela dispose de la faculté de mettre en mouvement l’action publique. En conséquence, elle exerce un véritable poids face au Ministère Public, puisqu’elle peut aller à l’encontre de la volonté de ce dernier.
La victime d’une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction, a, conformément aux articles 1, alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale, droit à agir devant la juridiction répressive. En se constituant, elle devient partie civile au procès pénal.
Par l’action qu’elle porte devant les juridictions répressives, la partie civile tout à la fois participe à l’action publique et s’ouvre la possibilité d’obtenir réparation de tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits objets de la poursuite.
Lorsque l’action publique n’a pas déjà été engagée, la victime agit par voie d’action, mettant de ce fait elle-même en mouvement l’action publique. Lorsqu’au contraire l’action publique a déjà été engagée, la victime agit par voie d’intervention, s’associant par sa constitution aux poursuites en cours.
Ce droit de la victime de faits constitutifs d’une infraction à être présente devant le juge pénal aux côtés du titulaire naturel de l’action publique qu’est le ministère public, est admis depuis longtemps en droit français. Considéré par la jurisprudence comme un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, devait être strictement enfermé dans les limites posées par le Code de procédure pénale, il s’est progressivement élargi. Le législateur et la jurisprudence y ont tour à tour contribué.
L’entrée en vigueur de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, ne fait que s’inscrire dans cette évolution législative et jurisprudentielle qui, depuis l’arrêt Laurent-Atthalin (Crim. 8 déc. 1906, Bull. n° 443) ménage à la partie civile une place croissante dans le déroulement du procès pénal.
La présente étude n’a pas pour ambition de donner une vision exhaustive du régime de l’action civile et des droits qui y sont attachés. Elle se bornera à présenter, à la lumière de la jurisprudence de la Chambre criminelle publiée au cours des dernières années et des récentes modifications apportées au Code de procédure pénale, et sans aborder les spécificités de la loi sur la presse, les droits reconnus à la partie civile.
L’accès de la victime au juge pénal est aujourd’hui clairement facilité (I). Devenue partie civile, celle-ci est désormais un acteur à part entière du procès pénal (II). Enfin, bien que toujours juge d’exception en la matière, le juge pénal lui accorde assez généreusement réparation de son préjudice (III).
I. L’ACCÈS DE LA VICTIME AU JUGE PÉNAL
Le souhait du législateur est sans conteste de faciliter l’accès de la victime au juge pénal. En témoignent notamment les dispositions visant à améliorer l’information de la victime (A) comme le formalisme réduit imposé à la constitution de partie civile (B). En témoigne également, élargissant les conditions relatives au préjudice dont l’existence est requis de toute victime souhaitant se constituer (C), la possibilité offerte à de nombreuses personnes morales d’exercer les droits reconnus à la partie civile (D, E).
A. Une information plus complète de la victime
L’exercice effectif d’un droit n’est possible que si la personne concernée en a connaissance. A cette fin, systématisant les pratiques de certaines juridictions, le législateur a progressivement veillé à améliorer l’information donnée à la victime, afin que celle-ci puisse faire valoir ses droits devant la juridiction répressive. L’accélération du rythme judiciaire, avec le développement du traitement des affaires pénales en temps réel, a accru l’importance de cette information.
De façon générale, le Code de procédure pénale, dans son nouvel article préliminaire issu de la loi du 15 juin 2000, fait un devoir à l’autorité judiciaire de veiller à l’information des victimes au cours de toute procédure pénale. Le Code décline ensuite cette obligation à différentes étapes de la procédure.
Dès le stade de l’enquête, qu’il s’agisse d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire, les officiers et agents de police judiciaire doivent, depuis le 1er janvier 2001, par application des articles 53-1 et 75, dernier alinéa, informer les victimes de leur droit d’obtenir réparation du préjudice subi et de la faculté d’obtenir le concours d’une association d’aide aux victimes. Une telle association peut d’ailleurs, conformément à l’article 41, dernier alinéa, être requise par le procureur de la République afin qu’il soit porté aide à la victime d’une infraction.
A l’issue de l’enquête, l’article 40 prévoit, depuis la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985, que le procureur de la République qui classe une affaire en avise la victime lorsqu’elle est identifiée. Cet avis doit, pour certaines infractions constituant des atteintes à la personne commises contre un mineur, être motivé et notifié par écrit.
En cas d’ouverture d’une information judiciaire, l’article 80-3, entré en vigueur le 1er janvier 2001, fait obligation au juge d’instruction, dès le début de l’information, d’avertir la victime d’une infraction de l’ouverture d’une procédure, de son droit à se constituer partie civile et des modalités d’exercice de ce droit.
Enfin, l’article 391 du Code de procédure pénale prévoit que toute personne ayant porté plainte est avisée de la date de l’audience.
Bien que très utiles, ces obligations nouvelles, comme les plus anciennes, resteront générales en ce sens que leur méconnaissance ne constituera pas une cause de nullité pouvant être invoquée par une victime non informée ou mal informée pour faire admettre la recevabilité d’une constitution tardive (Crim. 5 mars 1964, Bull. n° 82). Mais cette jurisprudence se justifie car la victime qui ne fait pas valoir ses droits devant la juridiction pénale conserve la possibilité de porter son action en réparation du dommage subi devant la juridiction de droit commun.
B. Un formalisme réduit
Contrairement au prévenu ou à l’accusé, qui doit comparaître en personne, la victime peut toujours se faire représenter par un avocat, qu’il s’agisse d’engager l’action publique, de s’y associer ou de développer ses prétentions devant la juridiction de jugement, sans que cette représentation soit obligatoire. La procédure simplifiée de l’article 420-1 du Code de procédure pénale l’autorise même à faire valoir ses droits par écrit devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police. Cependant, s’agissant d’une partie civile mineure, l’assistance d’un avocat est obligatoire et le juge doit faire désigner un avocat d’office s’il n’en a pas déjà été choisi un (art. 706-50).
En dehors de la liberté relative au mode de représentation, la constitution de partie civile est nécessairement plus formaliste lorsque la personne agit par voie d’action que lorsqu’elle agit par voie d’intervention.
1) La constitution par voie d’action de la partie civile
Pour mettre en mouvement l’action publique, la constitution doit être écrite et faite dans des termes qui manifestent sans équivoque l’intention de se porter partie civile.
Cette manifestation claire de volonté n’est soumise à aucune autre condition de forme devant le juge d’instruction. En revanche, la citation directe délivrée par la partie civile aux fins de saisine de la juridiction de jugement doit obéir aux prescriptions de forme des articles 550 et suivants du Code de procédure pénale. Elle doit, notamment, énoncer le fait poursuivi et viser le texte de loi qui le réprime. La méconnaissance de ces prescriptions entraîne la nullité de la citation.
Par ailleurs, la constitution doit comporter une élection de domicile.
En application de l’article 89, la partie civile doit déclarer une adresse, qui peut être la sienne, celle d’un tiers ou celle de son avocat, sous réserve que ceux-ci aient donné leur accord de façon certaine (Crim. 9 nov. 2000, Bull. n° 291). Elle doit aussi veiller à informer le magistrat de tout changement, sous peine de ne pouvoir opposer le défaut de notification des actes qui auraient dû lui être notifiés (Crim. 19 nov. 1997, Bull. n° 396). Inversement, seule la notification régulière faite à l’adresse déclarée par la partie civile fait courir les délais de recours (Crim. 5 oct 1999, Bull. n° 205).
Par application des articles 551 et 392 du Code de procédure pénale, la citation directe doit mentionner les nom, prénoms, profession et domicile réel ou élu de la partie civile, l’élection de domicile dans le ressort du tribunal saisi s’imposant, à moins que la partie civile n’y soit domiciliée.
Enfin, la recevabilité de la constitution par voie d’action est subordonnée au versement d’une consignation. Imposée par les articles 88, 392-2 et 533 à la personne qui se constitue tant devant le juge d’instruction que devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police, elle a pour objet de garantir le paiement de l’amende civile susceptible d’être mise à la charge de celle-ci si les poursuites qu’elle a engagées se terminent par un non-lieu ou une relaxe.
Le montant de la consignation ainsi que le délai dans lequel elle doit être déposée au greffe sont fixés par le juge d’instruction ou la juridiction de jugement. L’article 88 autorise le juge d’instruction à dispenser la partie civile du versement d’une consignation. En revanche, cette faculté n’est pas ouverte à la juridiction de jugement. La partie civile est recevable à faire appel de l’ordonnance du juge fixant le montant de la consignation et le délai de versement (Crim. 19 juill. 1994, Bull. n° 283). Mais, si la décision émane d’une juridiction de jugement, l’appel n’est pas immédiatement recevable, la décision ne mettant pas fin à la procédure (Crim. 26 nov. 1997, Bull. n° 402). Il en est de même du pourvoi contre l’arrêt de la chambre d’accusation prononçant sur les mêmes points, qui est une décision qui entre dans la catégorie des arrêts mentionnés aux articles 570 et 571 du Code de procédure pénale (Crim. 24 avr. 1990, Bull. n° 149).
Les juges apprécient souverainement, au vu des circonstances de la cause, le montant de la consignation en fonction des ressources de la partie civile (Crim. 7 juin 2000, Bull. n° 214). La partie civile qui a obtenu l’aide juridictionnelle est dispensée du versement de la consignation, qu’elle agisse devant le juge d’instruction ou la juridiction de jugement.
Seul le versement de la consignation permet au plaignant d’acquérir la qualité de partie civile, tant devant le juge d’instruction (Crim. 9 nov. 1998, Bull. n° 291 ; 7 mars 2000, Bull. n° 104) que devant le tribunal correctionnel (Crim. 21 janv. 1997, Bull. n° 20) ou le tribunal de police. Cette acquisition est rétroactive à la date du dépôt de la plainte ou à la date de la citation directe, qui interrompt alors la prescription de l’action publique (Crim. 7 sept. 1999, Bull. n° 181).
Si le défaut de consignation entraîne l’irrecevabilité de la plainte, rien n’interdit à la partie civile qui n’a pas consigné de se constituer par voie d’intervention lorsque le procureur de la République a par la suite engagé lui-même des poursuites, ni de saisir la juridiction de jugement par voie de citation directe (sous réserve, le cas échéant de verser une consignation), alors même qu’elle n’a pas versé la consignation fixée par le juge d’instruction lors du dépôt d’une précédente plainte (Crim. 11 janv. 2000, Bull. n° 10).
2) La constitution par voie d’intervention
Lorsque la constitution se fait par voie d’intervention en cours d’instruction ou devant une juridiction de jugement, la manifestation de volonté de la partie peut être écrite ou orale, du moment qu’elle est non équivoque.
Pendant la phase d’instruction, l’article 87, alinéa 1, autorise l’intervention à tout moment.
Lorsque la juridiction de jugement est saisie, la constitution doit, à peine d’irrecevabilité par application de l’article 421, intervenir avant les réquisitions du ministère public sur le fond ou, si le tribunal a ordonné l’ajournement du prononcé de la peine, avant les réquisitions du ministère public sur la peine. La tardiveté de la constitution interdit à la victime de prétendre à la qualité de partie civile, en première instance comme en cause d’appel où la constitution de partie civile pour la première fois irrecevable, de même que la formation d’une demande nouvelle.
Les dispositions des articles 418 et suivants du Code de procédure pénale, relatifs à la constitution de partie civile par voie d’intervention et ses effets devant le tribunal correctionnel et devant le tribunal de police, dispositif complété par la loi du 15 juin 2000, visent à faciliter la prise en compte des droits des victimes et notamment de celles qui ne pourraient se déplacer, et à leur éviter de se voir opposer l’irrecevabilité de leur action pour cause de tardiveté.
La constitution peut désormais se faire à trois stades de la procédure :
– L’article 420-1, alinéa 2, issu de la loi du 15 juin 2000, autorise désormais la victime à formuler sa demande de restitution d’objets saisis ou de dommages-intérêts, dès l’enquête de police, auprès d’un officier ou agent de police judiciaire qui en dresse procès-verbal. Cette demande vaut constitution de partie civile si l’action publique est mise en mouvement et que le tribunal est directement saisi. Toutefois, cette procédure est soumise à l’accord du procureur de la République.
– La constitution peut également se faire avant l’audience, selon deux modalités :
. par déclaration au greffe : la déclaration doit alors, selon l’article 420, préciser l’infraction poursuivie et contenir élection de domicile dans le ressort du tribunal saisi quand la partie civile n’y réside pas. Cette déclaration est immédiatement transmise au ministère public qui cite la partie civile à l’a