LA MISE À DISPOSITION D’UN SALARIE ENTRE EMPLOYEURS

LA MISE À DISPOSITION D’UN SALARIE ENTRE EMPLOYEURS

Face aux aléas circonstanciels et aux difficultés d’embaucher dans certains secteurs, les entreprises peuvent être tentées de se « prêter » entre elles des salariés.

 

Pourtant, même avec l’accord du salarié, l’opération est très encadrée juridiquement.

 

Cet article décrypte les points importants de la mise à disposition, autrement appelée « prêt de main d’œuvre ».

 

QU’EST-CE QU’UNE MISE A DISPOSITION D’UN SALARIE ?

La mise à disposition d’un salarié ou prêt de main-d’œuvre consiste à demander à un salarié de l’entreprise « prêteuse » qui est l’employeur, de travailler temporairement pour une autre entreprise dite « utilisatrice ».

 

Cette opération est extrêmement encadrée pour éviter les abus.

 

Le prêt de main d’œuvre a été permis pour pallier les difficultés de recrutement dans certains secteurs en tension ou pour éviter le chômage partiel en cas de baisse d’activité. L’employeur va alors mettre des salariés à la disposition d’une autre entreprise utilisatrice pendant une durée déterminée.

 

Cependant, il ne s’agit pas d’un mécanisme permettant de partager une masse salariale entre diverses entreprises, il doit rester temporaire.

 

PEUT-ON AVOIR RECOURS A LA MISE A DISPOSITION ?

Le prêt de main d’œuvre est licite que dans un but non lucratif (C.trav., art. L. 8241-1).

 

La loi prévoit des exceptions pour les agences intérim, les agences de mannequins, les associations ou sociétés sportives, les entreprises de travail à temps partagé et la mise à disposition de salariés auprès d’un syndicat.

 

En dehors de ces cas, le prêt de main d’œuvre à fin lucrative est prohibé. Un employeur ne pourra donc faire  bénéfice  ou tirer profit de ce prêt de main d’œuvre.

 

COMMENT PROCÉDER A UNE MISE A DISPOSITION D’UN SALARIE A UNE AUTRE ENTREPRISE ?

Dans l’hypothèse d’un prêt de main d’œuvre à but non lucratif, il faut que :

 

  • L’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice signent une convention de mise à disposition contenant : la durée de la mise à disposition, l’identité du salarié, la qualification du salarié, le mode de détermination des rémunérations facturées : charges sociales et frais professionnels qui seront facturés (C.trav., art. L. 8241-2 et R. 8241-2).

 

  • Chaque salarié doit faire l’objet d’une convention de mise à disposition individuelle signée par les entreprises indiquant : le travail confié dans l’entreprise d’accueil, les horaires et le lieu de travail ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail, une période probatoire si besoin est (C.trav., art. L. 8241-2 et R. 8241-2).

 

Cette opération requiert l’accord explicite du salarié concerné, au sein d’un avenant au contrat de travail, en cas de refus, ce dernier ne peut être licencié ou sanctionné (C. trav., art. L. 8241-2).

 

Point CSE :

Le CSE doit être informé en cas de mise à disposition des salariés ou de recours au prêt de main d’œuvre à but non lucratif.

 

Concernant la mise à disposition intra-groupe :

La jurisprudence reste très réticente à ce type d’opération.

 

Dans un arrêt, elle statue que la mise à disposition de salariés entre sociétés du même groupe, qui permet à l’utilisateur d’économiser des frais de gestion du personnel, est un prêt de main-d’œuvre à but lucratif ; et que le caractère lucratif de l’opération résulte de l’accroissement de flexibilité dans la gestion du personnel et dans l’économie de charges procurés à l’entreprise utilisatrice (Cass. Soc. 18 mai 2011).

 

Actualité :

Dans le contexte de la pandémie du coronavirus, l’article 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire prévoyait 4 adaptations jusqu’à 30 juin 2021:

 

  • La possibilité de conclure une convention de mise à disposition cadre, pour plusieurs salariés à la fois à la place d’une convention par salarié ;

 

  • L’avenant au contrat de travail peut ne pas comporter les horaires d’exécution du travail juste le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition.

 

  • L’information et la consultation préalables du comité social et économique peuvent être remplacées par une consultation sur les différentes conventions signées, qui doit être effectuée dans le délai maximal d’un mois à compter de la signature de la convention de mise à disposition ;

 

  • Il est dérogé au principe de refacturation. Le prêt est ainsi considéré à but non lucratif même en l’absence de refacturation de tous les salaires et charges.

 

Cependant ces allègements n’ont plus lieu et il faut se référer au droit commun pour connaître les formalités de recours au prêt de main d’œuvre.

 

L’INTERDICTION FORMELLE DE SANCTION DU SALARIE RÉTICENT ?

Le refus de mise à disposition du salarié ne peut faire l’objet d’aucune sanction de quelque manière que ce soit.

 

L’article L. 8241-2 du Code du travail dispose qu’« un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition ».

 

Le refus du salarié est alors considéré comme un droit dont il peut faire l’usage s’il ne souhaite pas faire l’objet d’une opération de prêt de main d’œuvre.

 

Par ailleurs, à la fin de la période de prêt, le salarié doit retrouver son poste de travail d’origine ou un poste équivalent, sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération n’en soit affectée. Il ne peut, non plus, subir de discrimination ou sanction pour avoir accepter une mise à disposition.

 

QUE RISQUE UN EMPLOYEUR QUI VIOLERAIT DÉLIBÉRÉMENT LES RÈGLES DU PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE ?

Le législateur a prévu des sanctions pénales qui s’appliquent surtout à des cas d’un détournement massif des règles du prêt de main d’œuvre lorsque par exemples ce prêt de main d’œuvre a pour but,  dans un cadre de contrats de travail étrangers,  de contourner la législation française du travail.

 

En cas de prêt de main d’œuvre illicite, l’employeur risque d’être sanctionné pénalement jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (montant porté à 150 000 € d’amende pour une personne morale).

 

Des peines complémentaires peuvent aussi être prononcées telles que l’interdiction d’exercer certaines activités professionnelles, exclusion des marchés publics, publication du jugement dans les journaux, par exemple.

 

De plus, des sanctions administratives peuvent également être appliquées (suppression des aides publiques, remboursement des aides publiques déjà perçues, fermeture temporaire de l’entreprise, par exemple).

 

Le prêt de main d’œuvre à but non-lucratif peut représenter des atouts intéressants pour améliorer la flexibilité de la gestion du personnel mais reste, avant tout, une opération juridique très encadrée qui représente un vrai danger en cas de violation des règles de mise en œuvre.