Licenciement et mise à pied du travailleur en situation irrégulière

En application de l’article L.8252-1 du code du travail : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ».

 

Cela signifie que si l’employeur apprend que l’un de ses salariés est en situation irrégulière et qu’il n’a, de ce fait, pas d’autorisation de travail, il doit le licencier. A défaut, l’employeur s’expose à des sanctions pénales, en vertu de l’article L.8256-2 du code du travail.

L’employeur peut-il mettre à pied son salarié pendant la procédure de licenciement pour défaut de titre de séjour ?

 

La mise à pied à titre conservatoire permet à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise pendant la procédure de licenciement.

 

Compte tenu du risque qu’encourt l’employeur à garder à son service une personne qui n’est pas autorisée à travailler, l’employeur peut mettre à pied son salarié pendant la procédure de licenciement.

L’employeur doit-il rémunérer le salarié pendant la période de mise à pied ?

 

En principe, la période de mise à pied doit être rémunérée sauf dans deux cas :

  • Si l’employeur décide de transformer la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire, qui est en soi, une sanction ;
  • Si l’employeur licencie le salarié pour faute grave.

 

Si le salarié est licencié pour faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n’est pas rémunérée car la faute du salarié est d’une telle gravité qu’elle rendait impossible son maintien dans l’entreprise, même pendant préavis (Cass. soc. 27 sept. 2007 n° 06-43.867 P).

Le défaut de titre de séjour constitue-t-il une faute grave justifiant le licenciement du salarié et le non-paiement du salaire pendant la période mise à pied à titre conservatoire ?

 

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 23 novembre 2022.

 

Dans cette affaire, l’employeur avait demandé à plusieurs reprises à son salarié de lui fournir son titre de séjour avec une autorisation de travailler. En l’absence d’un tel document, l’employeur a décidé de mettre à pied le salarié à titre conservatoire et de le licencier pour faute grave.

 

Le salarié a contesté son licenciement et réclamé le paiement de son salaire pendant la période de mise à pied.

 

La Cour de cassation a considéré que :

 

« si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n’est pas constitutive en soi d’une faute grave. L’employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l’emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement.

 

7. Seule la faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire et le non-paiement du salaire durant cette période » (Cass. 23 novembre 2022, n°21-12.125).

 

Par cet arrêt, la Cour de cassation explique que l’employeur peut licencier un travailleur étranger qui est en situation irrégulière sur ce seul fondement. Le défaut de titre de séjour autorisant à travailler est une cause objective de licenciement.

 

Cependant, la situation irrégulière vis-à-vis de l’emploi ne constitue pas en soi une faute grave.

 

En conséquence, si l’employeur n’a pas de faute grave à invoquer à l’appui du licenciement pour défaut de titre de séjour, la mise à pied du salarié pendant la procédure de licenciement doit être rémunérée, en application de l’article L.8252-2 du code du travail.

 

Si au contraire, l’employeur invoque une faute grave, il doit impérativement la préciser dans la lettre de licenciement.

 

Il convient néanmoins de rappeler que le travailleur en situation irrégulière, injustement licencié pour faute grave, ne peut pas bénéficier des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse même si le licenciement est fondé sur un mauvais motif.

 

Pour en savoir plus sur les conditions d’embauche d’un travailleur étranger : https://www.avocat-jalain.fr/embaucher-un-travailleur-etranger-quelles-conditions/