Licenciement en cas d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise

Dans une décision du 13 janvier 2016, la Cour de cassation répond à un employeur qui pointait une faille dans la procédure de reclassement du salarié inapte à tout poste dans l’entreprise .

L’ employeur a été condamné en appel au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse faisant suite à l’inaptitude d’un salarié à tout poste dans l’entreprise. Il avait alors saisi la Cour de cassation et lui avait demandé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.

Selon l’employeur, il est inconstitutionnel de maintenir l’obligation de reclassement du salarié en cas d’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise et en l’absence de toute indication du médecin du travail sur l’aménagement d’un autre emploi approprié aux capacités du salarié.

Mais, pour la Cour de cassation, il n’y a aucune contradiction à exiger de l’employeur qu’il assure le reclassement du salarié déclaré « inapte à tout poste dans l’entreprise » car la procédure applicable n’empêche pas l’employeur de procéder au licenciement du salarié lorsqu’il justifie de l’impossibilité de le reclasser, après avoir sollicité à nouveau le médecin du travail sur les aptitudes résiduelles du salarié et les possibilités de reclassement au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Ainsi, la Cour de cassation estime qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question au Conseil Constitutionnel.

Cass. soc. QPC du 13 janvier 2016, n° 15-20822 FSPB

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dijon, 19 décembre 2013), que Mme X… a été engagée par la société Plastic omnium le 1er septembre 1983, en qualité d’employée, affectée au service du personnel ; que, le 30 janvier 1992, son contrat de travail a été transféré au sein de la société 3P (Produits plastiques performants) ; qu’elle a été promue en 2004 au poste de responsable administratif du personnel ; qu’elle a, le 21 juin 2011, été déclarée inapte à son poste, sans référence à un accident du travail ou une maladie professionnelle ; qu’elle a été licenciée le 8 septembre 2011 et a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l’entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient ; que, pour considérer que la société avait sérieusement cherché à la reclasser dans les entreprises du groupe, la cour d’appel s’est bornée à retenir, s’agissant d’une possibilité de reclassement dans les établissements de Clichy et d’Espagne, que ces derniers avaient un lien hiérarchique avec la directrice des ressources humaines de la société sans constater que l’employeur avait recherché les possibilités de reclassement au sein de ces établissements par la mise en oeuvre de mesures de mutations ou transformations de postes de travail au sein du groupe ; que ce faisant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1226-10 du code du travail ;

2°/ qu’en toute hypothèse, le juge doit caractériser une recherche sérieuse par l’employeur de postes disponibles dans l’entreprise et compatibles avec les préconisations du médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; qu’en se bornant à retenir que le médecin avait précisé le 5 juillet 2011 qu’aucun poste ne pouvait convenir au sein de la société 3P France  » en raison de l’inaptitude qui est relationnelle envers toute la hiérarchie au sein de l’entreprise  » et que l’organigramme faisait apparaître que les établissements d’Italie, d’Allemagne, de Hollande et de Chine avaient respectivement un effectif de deux, quatre, cinq, deux personnes et que celui d’Espagne avec soixante sept emplois (dont soixante trois à l’atelier) avait un lien hiérarchique avec la directrice des ressources de 3P Holding sans rechercher si l’inaptitude relationnelle relevée par le médecin de travail excluait seulement un reclassement au sein de 3P France au sein de laquelle la salarié travaillait ou également une permutation effective avec l’établissement 3P Espagne, nonobstant le lien hiérarchique de celui-ci avec la directrice des ressources humaines de 3P Holding, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1226-10 du code du travail ;

Mais attendu que si l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l’inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation ;

Et attendu que la cour d’appel, procédant aux recherches prétendument omises, a fait ressortir l’impossibilité de reclasser la salariée au sein tant de l’entreprise que du groupe, y compris par la mise en oeuvre de mutations ou transformations de poste, ce au regard notamment des préconisations du médecin du travail interdisant de maintenir un lien avec certaines personnes ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;