Salarié Cadre : Comment identifier et réagir face à une rétrogradation ?

La rétrogradation est une sanction consistant en un déclassement hiérarchique, changement de poste ou une perte de responsabilités accompagnée d’une baisse de rémunération. Cette décision ne peut s’analyser en agissement répétés constitutifs de harcèlement moral.

 

Elle peut aussi être mise en œuvre non pas en tant que sanction, mais pour pallier l’insuffisance professionnelle du salarié à son poste actuel.

 

La rétrogradation doit être sérieusement justifiée. Sinon, elle est assimilée à une sanction pécuniaire, qui est interdite par la loi (article L. 1331-2 du Code du travail) et passible d’une amende de 3 750 € pour l’employeur (article L.1334-1 du Code du travail).

 

Contrairement aux autres sanctions, le salarié a le droit de refuser sa rétrogradation (Cour de cassation, chambre sociale, 25 avril 2001, pourvoi n° 99-41681). En effet, la rétrogradation impliquant une modification du contrat, l’accord du salarié est nécessaire. L’accord du salarié doit être matérialisé par un écrit.

 

Dans la pratique, l’employeur est tenu d’informer le salarié de ce droit de refus lorsqu’il lui notifie la sanction (Cour de cassation, chambre sociale, 28 avril 2011, pourvoi n° 09-70619). Le salarié dispose ensuite d’un délai raisonnable pour accepter ou refuser la sanction. Le silence ne vaut pas acceptation, ni la poursuite du contrat de travail aux conditions nouvelles (Cour de cassation, chambre sociale 1er avril 2003 n°01-40389).

 

La question se pose souvent pour les cadres pour qui les éléments de la rétrogradation sont plus insidieux et prennent souvent la forme d’un retrait partiel des missions ou des responsabilités.

 

Concernant le retrait de responsabilités d’un salarié, la Cour de cassation rappelle régulièrement que ceci ne serait être assimilé à une simple modification des conditions de travail, mais constitue bien une modification du contrat de travail (Cass. soc., 25 nov. 1998, no 96-44.164 ; Cass. soc., 30 mai 2013, no 12-16.614).

 

En cas de rétrogradation avérée, le salarié pour opposer les manquements de l’employeur en sollicitant soit la prise d’acte de rupture de son contrat soit  la résiliation du contrat aux torts de l’employeur et sa requalification en licenciement abusif pour obtenir l’indemnisation de la rupture de son contrat.

 

La Cour de cassation a ainsi jugé le 29 janvier 2014  que :

 

 « (…)  ayant, sans modifier l’objet du litige, relevé, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve, que le salarié, à la fin de l’été 2007, s’était vu imposer un « appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités », son poste étant vidé de sa substance, la cour d’appel en a exactement déduit l’existence d’une modification du contrat de travail imputable non à un tiers, mais à l’employeur ».

 CASS SOC 29 janvier 2014

 

La prise d’acte de la rupture a ainsi été justifiée dès lors que les manquements sont imputables à l’employeur et qu’ils ont été jugés suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

 

 Dans le même sens, à plusieurs reprises la Cour de cassation a jugé qu’une diminution des responsabilités constitue une modification du contrat de travail nécessitant l’accord expresse du salarié.

 

Ainsi dans une espèce similaire, après que le contrat de travail d’un salarié ait été transféré à une nouvelle entreprise, et que le comité d’entreprise ait été informé que le pôle auquel elle était affectée serait scindé en deux, la salariée avait fait valoir à son employeur qu’elle n’acceptait pas cette réorganisation qui engendrait une diminution de ses responsabilités et de son périmètre d’intervention, elle avait alors été licenciée pour faute.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir jugé que la scission du pôle en deux entités distinctes avait eu pour effet de réduire fortement l’étendue des fonctions de l’intéressée et le niveau de ses responsabilités tels que prévus au contrat de travail, ainsi que l’équipe de salariés qu’elle encadrait, qui était passée de onze à six personnes ; elle a ainsi pu en déduire, que « même si la rémunération et l’intitulé des fonctions n’avaient pas été affectés, l’amoindrissement des missions de la salariée et de son niveau d’autonomie constituaient une modification unilatérale du contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée ».

 

 Cass. soc. 30 mars 2011 n° 09-71824

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail d’une salariée est justifiée après que son employeur l’ait privé d’une partie de ses responsabilités consistant dans l’encadrement et le suivi d’une équipe d’ingénieurs.

Cass. soc. 4 novembre 2015 n° 13-14412

 

Une salariée était précédemment investie des fonctions de technico-commerciale devant s’exercer principalement chez les clients, avec la responsabilité de réaliser le chiffre d’affaires d’une zone qui lui avait été confiée, et ce avec l’assistance d’un collaborateur sur une partie de cette zone.

 

Les Juges ont considéré que la salariée avait été privée d’une partie des attributions, des responsabilités et de l’autonomie qui lui étaient reconnues aux termes de son contrat de travail, de sorte que, même si son titre de technico-commercial lui avait été conservé, elle avait, de fait, été rétrogradée dans l’emploi d’assistante commerciale qu’elle occupait antérieurement, ils déduisent de ces constatations qu’une telle diminution des responsabilités et des prérogatives de la salariée constituait une modification du contrat de travail, justifiant sa résiliation judiciaire aux torts de l’employeur (Cass. soc. 25 sept. 2013 n° 12-21178).

 

Lorsqu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, la prise d’acte ouvre droit pour le salarié à l’indemnité de licenciement et aux dommages et intérêts pour licenciement abusif ou nul.

 

L’indemnité compensatrice de préavis lui est également toujours due (Cass. soc. 28-4-2011 n° 09-40.708 RJS 7/11 n° 611), mais pas l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (Cass. soc. 20-6-2012 n° 11-14.660 RJS 10/12 n° 790).