Recourir à un auto-entrepreneur : Attention à la requalification en contrat de travail !

 

Le régime du « micro-entrepreneur » (anciennement dénommé « auto-entrepreneur ») permet à une personne de se livrer à une activité artisanale, commerciale ou libérale, tout en bénéficiant d’un régime fiscal et social simplifié.

 

Le micro-entrepreneur est donc un travailleur indépendant. A ce titre, il conserve la maîtrise de l’organisation des tâches à effectuer et recherche lui-même ses clients et ses fournisseurs.

 

 

–          Attention à la substitution avec le salariat !

 

Ce nouveau régime connait un certain succès. Certaines entreprises sont alors tentées de recruter ces travailleurs indépendants afin de les employer comme des salariés, s’économisant ainsi le paiement de cotisations sociales.

 

Cette pratique, qualifiée d’« externalisation abusive », est une source importante de contentieux pour les entreprises, qui s’exposent à la requalification des contrats de prestation de service de ces travailleurs faussement indépendant en contrats de travail.

 

Les entreprises qui ont recours à des micro-entrepreneurs doivent donc nécessairement faire preuve de prudence !

 

 

Il convient ainsi en premier lieu de proscrire tout lien de subordination unissant l’employeur au travailleur indépendant.

 

 

En effet, le critère principal d’une relation de travail salariée réside dans l’existence d’un lien de subordination, définit de manière constante comme « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. soc. 13 novembre 1996, n° 94-13187).

 

 

Précisons que l’article L.8221-6 du Code du travail pose une présomption de non salariat pour toute personne inscrite au registre du commerce et des sociétés ou du répertoire des métiers (ce qui est le cas du micro-entrepreneur).

 

Ainsi, l’entreprise qui recourt à ses services est présumée ne pas être liée par un contrat de travail.

 

Cependant, cette présomption peut être renversée lorsque le micro-entrepreneur ou un service de contrôle démontre que la relation de travail s’exerce sous un lien de subordination et relève en réalité du salariat.

 

 

 

 

Mais il ne suffit pas que l’un des critères du lien de subordination soit observé dans la relation avec un micro-entrepreneur pour requalifier la relation en contrat de travail.

 

Ainsi les juges, grâce à la technique du faisceau d’indices, combinent plusieurs éléments afin de déterminer l’existence ou non d’une relation de travail salariée.

 

A ce titre, plusieurs éléments contribuent à écarter l’existence d’une relation de travail salariée :

 

–          L’autoentrepreneur : un travailleur à distinguer du personnel de l’entreprise.

 

Le micro-entrepreneur doit pouvoir librement organiser son travail. Il n’est donc pas censé suivre les horaires du personnel de l’entreprise cliente et encore moins remplir une fiche de pointage.

De même, il est préférable d’éviter qu’il travaille exclusivement dans les locaux du donneur d’ordre. De façon plus générale, le micro-entrepreneur ne doit pas être intégré à un service organisé

 

 

–          Attention à ne pas imposer de méthodes de travail au travailleur indépendant :

 

Le micro-entrepreneur décide lui-même des méthodes de travail lui permettant d’accomplir les missions qui lui ont été assignées.

 

Le donneur d’ordre n’a donc pas à lui imposer de suivre un planning quotidien, qui définirait avec précision les tâches à accomplir tout au long de la journée.

 

Autre exemple, un formateur qui n’a aucune marge de manœuvre dans la conception des cours tient davantage du salarié que du micro-entrepreneur.

 

 

–          Ne pas empêcher au micro-entrepreneur de rechercher sa propre clientèle et de développer son activité pour le compte d’autres donneurs d’ordres :

 

Le fait que le micro-entrepreneur n’ait qu’un seul client, qu’il en tire la totalité de ses ressources et que le travail soit constant d’un mois sur l’autre, tend à montrer que son statut est en réalité celui d’un salarié.

 

Il est donc impératif de laisser le micro-entrepreneur démarcher des clients et, le cas échéant, travailler pour d’autres donneurs d’ordre.

 

Aussi, lorsque le travailleur indépendant ne fait qu’exercer son activité auprès de clients « fournis » par le donneur d’ordre, cette pratique caractérise généralement une relation de travail salariée.

 

Il convient donc de veiller à ce que le micro-entrepreneur recherche et démarche lui-même ses clients.

 

 

–          Éviter toute sanction disciplinaire :

 

Il est essentiel d’éviter toute ressemblance avec l’exercice du pouvoir de sanction d’un employeur.

 

Ainsi, si le micro-entrepreneur exécute mal sa prestation de travail, il convient de s’en remettre aux sanctions prévues par le contrat (comme des pénalités de retard) et, le cas échéant, d’intenter une action en dommages et intérêts.

 

En revanche, les sanctions qui pourraient s’apparenter à celles infligées à un salarié sont à proscrire (comme le fait de suspendre l’activité du micro-entrepreneur, qu’on pourrait assimiler à une mise à pied disciplinaire).

 

 

 

D’autres éléments sont également susceptibles de caractériser un lien de subordination :

 

-la prise en charge par le donneur d’ordre de certaines formalités administratives, comme l’établissement des factures ;

 

-toute clause qui rappellerait un contrat de travail (ex. : clause de non-concurrence) ;

 

-une facturation en nombre d’heures ou de jours ;

 

-le fait que le micro-entrepreneur soit un ancien salarié de l’entreprise.

 

 

 

 

–          Les risques encourus en cas de recours à un travailleur indépendant dans les conditions du salariat :

 

 

La saisine du Conseil de prud’hommes : L’entreprise qui emploie un « faux micro-entrepreneur » s’expose à ce que l’intéressé saisisse le conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail.

 

Elle s’expose donc à de rappels de salaire, ainsi qu’à des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle a cessé de procurer du travail au micro-entrepreneur.

 

Enfin, il faut verser à l’URSSAF les cotisations sociales patronales correspondant aux salaires dus.

 

 

Un éventuel redressement par l’URSSAF : l’URSSAF, à la suite d’un contrôle, pourra réclamer les cotisations sociales patronales qu’aurait dû acquitter le donneur d’ordre au titre d’un emploi salarié.

 

 

Des éventuelles sanctions pénales : Le donneur d’ordre s’expose en outre à des poursuites pénales pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

 

Ces sanctions peuvent aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (c. trav. art. L. 8224-1).