Le salarié peut-lui opposer sa vie personnelle pour refuser un changement d’horaire ?

La Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel un salarié peut légitimement refuser une modification de son contrat ou de ses conditions de travail qui porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale.

 

Sans surprise, elle considère dans le cas d’espèce que la charge d’un enfant lourdement handicapé constitue une obligation familiale impérieuse, incompatible avec le changement d’horaire proposé par l’employeur.

Un salarié peut refuser un changement d’horaire qui nuit à sa vie familiale

 

Dans cette affaire, un agent de sécurité incendie travaillait de nuit. Lorsque son entreprise a changé de prestataire, son nouvel employeur lui a imposé un passage en horaires de jour. Le salarié a refusé ce changement en expliquant qu’il devait être présent en journée pour s’occuper de sa fille de 7 ans, lourdement handicapée.

L’employeur n’a pas accepté cette justification et a licencié le salarié pour faute grave, en s’appuyant sur une clause de son contrat précisant qu’il pouvait être amené à travailler de jour comme de nuit.

Un changement qui nécessite l’accord du salarié

 

En règle générale, l’employeur a le droit de modifier les horaires d’un salarié tant que la durée et la rémunération restent les mêmes. Toutefois, un changement important, comme le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour (ou inversement), est considéré comme une modification du contrat de travail.

Dans ce cas, l’accord du salarié est obligatoire.

Tel est le cas, notamment, en cas de passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, ou inversement (Cass. soc. 5-6-2001 n° 98-44.781 FS-P et 98-44.782  ; Cass. soc. 14-11-2018 n° 17-11.757 ).

Pour la Cour de cassation, cette modification des horaires est d’une telle ampleur qu’elle caractérise une modification du contrat, et non un simple changement des conditions de travail, même si une clause du contrat de travail ou de la convention collective prévoit cette possibilité (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-14.314 F-D). Le refus du passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour ne peut donc pas justifier un licenciement pour faute (Cass. soc. 18-6-2002 n° 00-44.134 F-D).

Ici, la Cour de cassation a donc estimé que l’employeur ne pouvait pas licencier le salarié pour faute grave, car son refus était légitime.

Deux éléments justifient la décision des juges

 

Les contraintes familiales du salarié :  Dans cette affaite il a  démontré, documents officiels à l’appui, qu’il devait s’occuper de sa fille en journée.

 

La mauvaise foi de l’employeur : ce dernier n’a pas cherché de solution alternative, comme proposer un autre poste de nuit, alors qu’il en avait l’obligation.

 

La Cour de cassation rappelle ainsi que si un changement d’horaire porte une atteinte excessive à la vie personnelle et familiale d’un salarié, il nécessite son accord. L’employeur aurait dû soit renoncer à la modification, soit procéder à un licenciement basé sur la réorganisation du travail et non sur une faute du salarié.

Enfin, cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante : la justice reconnaît que les obligations familiales, notamment liées au handicap d’un enfant, peuvent justifier le refus d’une modification des conditions de travail.

Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-21.814 F-B, Sté Action sécurité Europe privée c/ K.

Réponse de la Cour

4. La cour d’appel a constaté, d’une part, que le salarié, qui produisait la notification au 12 janvier 2016 du versement de l’allocation d’éducation spécialisée pour sa fille âgée de sept ans et handicapée à 80 % pour laquelle la MDPH avait reconnu la prise en charge par les parents d’au moins 20 % des activités de l’enfant par une adaptation des horaires de travail, justifiait d’un motif lié au respect de la vie personnelle et familiale nécessitant un maintien de ses horaires de nuit et, d’autre part, que l’entreprise ne justifiait pas de ce qu’elle ne disposait pas de poste de nuit.

5. De ces constatations et énonciations dont il ressortait que le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec les obligations familiales impérieuses, la cour d’appel a exactement déduit que le refus du salarié ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;