inaptitude physique : l’obligation de rééducation et les travailleurs handicapés

En vertu de l’article L 5213-5 du code du travail, « tout établissement ou groupe d’établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de cinq mille salariés assure, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades et blessés.

Les inspecteurs du travail peuvent mettre les chefs d’entreprise en demeure de se conformer à ces prescriptions ».


Cet article ne limitant pas son champ d’application aux travailleurs handicapés, on pouvait penser qu’il concernait tous les malades et les blessés des établissements ou groupes d’établissements de plus de 5 000 salariés.


Mais dans un arrêt en date du 12 janvier 2011, concernant la demande d’indemnisation d’un salarié inapte sur la méconnaissance par l’employeur de son obligation au ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle, la Cour de cassation a jugé que les dispositions de ce texte, incluses dans un chapitre du code du travail relatif à la reconnaissance et à l’orientation des travailleurs handicapés sous un titre intitulé « travailleurs handicapés », ne concernaient que les salariés blessés ou malades reconnus comme travailleurs handicapés, et en a conclu qu’il ne vise donc que les salariés qui bénéficient d’une reconnaissance de travailleur handicapé.


La Cour de cassation rejette ainsi l’argument du salarié sur ce point.


Il en ressort que l’obligation de ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle prévue par le code du travail s’applique dans un cadre strict et ne concerne que les salariés blessés ou malades reconnus comme travailleurs handicapés.

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 12 janvier 2011

N° de pourvoi: 09-70634

Publié au bulletin Cassation partielle

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 28 mai 1984 par la caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) de la Corse, en qualité de chef d’agence de contact, et promu chef d’agence à Sartène, le 1er septembre 2001 ; qu’ayant été victime d’un accident, le 16 juillet 2003 et en arrêt de travail jusqu’au 31 mars 2004, il a été affecté à sa reprise au département commercial à Ajaccio, avant d’être à nouveau en arrêt de travail, à compter du 8 mai 2004 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de l’indemnité de résidence depuis le mois d’avril 2004 que la Caisse avait cessé de lui payer à partir de son affectation à Ajaccio ; qu’ayant été déclaré inapte à tout emploi dans l’entreprise par le médecin du travail, il a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, le 14 octobre 2008 ; qu’à hauteur d’appel, il a demandé, outre la confirmation du jugement qui avait condamné la CRCAM à lui payer l’indemnité de logement depuis le mois d’avril 2004, la condamnation de la CRCAM à lui payer des sommes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de licenciement, et à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation légale de ré-entraînement au travail et rééducation professionnelle ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté la demande d’indemnisation du salarié du chef de la méconnaissance par l’employeur de son obligation au ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle alors, selon le moyen, qu’en vertu de l’article L. 5213-5 du code du travail, tout établissement ou tout groupe d’établissements appartenant à une même activité professionnelle, employant plus de cinq mille salariés, doit assurer, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la rééducation professionnelle des malades et des blessés de l’établissement ou du groupe d’établissements ; que ces dispositions, dont l’application ne se limite pas aux seuls salariés justifiant de la qualité de travailleurs handicapés reconnue dans les conditions fixées par l’article L. 5213-2 du même code, bénéficient au salarié dont l’inaptitude a été constatée par le médecin du travail ; qu’en statuant dans un sens contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 5213-5 du code du travail ;

Mais attendu que, selon l’article L. 5213-5 du code du travail, tout établissement ou tout groupe d’établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de cinq mille salariés assure, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades et blessés ;

Et attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que les dispositions de ce texte, incluses dans un chapitre du code du travail relatif à la reconnaissance et à l’orientation des travailleurs handicapés sous un titre intitulé « travailleurs handicapés », ne concernaient que les salariés blessés ou malades reconnus comme travailleurs handicapés ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 du code du travail, ensemble les dispositions du chapitre V de la convention collective nationale du crédit agricole ;

Attendu que pour imputer sur les sommes dues par l’employeur au titre de l’indemnité de logement celles qu’il avait versées au salarié au titre de points de qualification individuelle supplémentaires, l’arrêt retient qu’en sa qualité de chef d’agence, M. X… bénéficiait d’une indemnité mensuelle de logement, qu’il ressort des termes de la lettre du 16 avril 2004 citée plus haut que l’emploi de M. X… à compter du 1er avril 2004 reste désigné comme « chef d’agence » avec la fonction repère « management de domaine d’activité », et qu’il se déduit suffisamment de ces mentions que l’intéressé continuait d’avoir droit à l’indemnité compensatoire de logement nonobstant le changement de fonction, qu’en conséquence, et à défaut d’établir formellement l’accord exprès de l’intéressé pour une modification de ses conditions de rémunération, la CRCAM ne pouvait pas unilatéralement remplacer le paiement de cette indemnité par un supplément de rémunération à hauteur de 57 PQI (points de qualification individuelle) ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que le salarié demeurait fondé à prétendre après son affectation à Ajaccio au paiement de l’indemnité de logement, ce dont il résultait que le paiement accordé par l’employeur de points de qualification individuelle ne pouvait venir en compensation de l’indemnité de logement et qu’il ne pouvait dès lors en obtenir la restitution, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 1226-2 du code du travail ;

Attendu que, pour considérer que l’employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et rejeter la demande d’indemnisation de ce chef du salarié et celle tendant au paiement de l’indemnité de congés payés sur préavis, l’arrêt énonce que lors de la visite de reprise du 1er juillet 2008, le médecin du travail a déclaré M. X… « inapte total et définitif à son poste de travail et à tout poste dans l’entreprise – certificat unique – danger immédiat pour sa santé », que la CRCAM a néanmoins recherché si un poste pouvait être proposé à son salarié, auprès des agences de Corse et des régions voisines de la moitié sud de la France, qu’elle a aussi réuni les responsables de services le 15 septembre 2008 dans un comité de direction élargi pour examiner les possibilités de reclassement; qu’elle a interrogé les délégués du personnel conformément aux dispositions conventionnelles applicables, que les uns et les autres ont convenu qu’il n’existait pas de poste susceptible de ne pas présenter de risque pour la santé du salarié, que la caisse a aussi consulté M. X… lui-même qui ne s’est pas prononcé sur ses attentes en matière de reclassement ;

Attendu, cependant, que l’avis du médecin du travail concluant à l’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise et à l’impossibilité de son reclassement ne dispense pas l’employeur de rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l’entreprise et, le cas échéant, à l’intérieur du groupe auquel appartient l’entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer ensuite au salarié quelle que soit la position prise par lui tous les emplois disponibles appropriés à ses capacités, au besoin après mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail, ou aménagement du temps de travail ;

Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur avait limité sa recherche des possibilités de reclassement aux agences de Corse et des régions voisines de la moitié sud de la France, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 14 de la convention collective nationale du crédit agricole ;

Attendu que, lorsque le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il en résulte que le salarié a droit à l’indemnité prévue par l’article 14 de la convention collective pour tout licenciement pour motif inhérent à la personne du salarié ;

Qu’il s’ensuit que la cassation en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement entraîne par voie de conséquence, en vertu de l’article 625 du code de procédure civile, la cassation des dispositions ayant dit que le salarié ne pouvait prétendre à l’application de l’article 14 de la convention collective pour le calcul de son indemnité de licenciement ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a limité à un certain montant la demande du salarié au titre de l’indemnité de logement, et l’a débouté de ses demandes au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l’article 14 de la convention collective applicable, de l’indemnité de congé payé sur préavis, et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 2 septembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Condamne la CRCAM de la Corse aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la CRCAM de la Corse à payer à M. X… la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier