En matière de licenciement, le doute profite-t-il au salarié ?

En principe, le doute n’est pas compatible avec la décision de justice. En effet le juge ne peut, pour motiver sa décision, se fonder sur des motifs dubitatifs ou hypothétiques. Il ne lui est pas davantage possible de refuser de trancher le litige au prétexte que la vérité lui paraît inaccessible et incertaine.

 

Cependant, en certaines hypothèses, les règles de droit permettent au juge de faire profiter l’une des parties du doute.

 

Ce principe ne s’applique pas uniquement en droit pénal où le doute profite à l’accusé. C’est également un principe d’interprétation que l’on trouve, depuis 1804, à l’article 1162 du code civil qui dispose que « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ». Une règle comparable figure dans le code de la consommation qui prévoit que les contrats s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel.

 

Dans le champ du droit de la preuve, le code du travail prévoit lui aussi que s’agissant de la cause du licenciement, « si un doute subsiste, il profite au salarié » (article L. 1235-1 du code du travail).

 

Cette disposition, introduite par la loi du 2 août 1989, était destinée à corriger dans un esprit d’équité l’inégalité des moyens de preuve dont disposent les parties.

 

C’est seulement, a précisé le Conseil constitutionnel, dans le cas où le juge sera dans l’impossibilité aux termes d’une instruction contradictoire de forger avec certitude sa conviction sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement qu’il sera conduit à faire application du principe selon lequel le doute profite au salarié.

 

Néanmoins, on comprend bien que cette disposition introduit une injustice dans le droit français. Il est difficile d’admettre que l’une des deux parties puisse bénéficier d’un tel traitement de faveur lors d’un litige, sans que cela ne pénalise l’autre partie. Il lui demande donc de bien vouloir préciser la position du Gouvernement vis-à-vis de cette règle de droit qui déséquilibre les relations entre salariés et employeurs.

 

De fait, met en place des règles spécifiques aux fins de rééquilibrer les rapports entre salariés et employeur.

 

Alors que le principe général directeur d’un procès est que « à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder » (article 6 du code de procédure civile), la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement « n’incombe pas spécialement à aucune des parties » (Cass. soc. 17 mars 1993, no 91-41.882).

 

C’est au terme d’une procédure contradictoire, au cours de laquelle chacune des parties fournit des éléments de preuve, que le juge forme sa conviction.

 

L’employeur et le salarié doivent l’un et l’autre coopérer à l’administration de la preuve et la charge de celle-ci n’incombe pas spécialement à l un d’entre eux.

 

Toutefois, puisqu’ il appartient aux juges d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur qui est à l’initiative du licenciement, ce dernier a tout intérêt à convaincre le juge de l’exactitude des motifs qu’il invoque.

 

Ensuite, après avoir formé sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, le juge peut faire bénéficier le salarié du doute qui pourrait subsister.

 

Cette règle ne s’applique que lorsque le juge est dans l’impossibilité de forger avec certitude sa conviction et se justifie par la nécessité de trancher le litige.

 

Il est cohérent que si l’employeur n’est pas à même de lever le doute quant au motif réel et sérieux du licenciement, le juge rétablisse le salarié dans ses droits.

 

Il convient d’ailleurs de noter que la règle du doute applicable en matière de licenciement n’est pas transposable à la prise d’acte de la rupture à l’initiative du salarié.

 

En effet, dans un tel cas de figure, c’est le salarié qui invoque des faits à l’appui de sa demande de prise d’acte de rupture et il lui revient donc de supporter la charge de la preuve (Cass. soc., 19 déc. 2007, no 06-44.754).