Consultation par l’employeur des emails de son salarié et respect de sa vie privée

Des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de sa messagerie électronique personnelle. Ainsi, viole les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, la cour d’appel qui a jugé que constituait une atteinte au respect de la vie privée d’un salarié, le fait qu’un expert mandaté par la société l’employant accède aux courriels qu’il avait échangés avec l’un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles, en l’absence de ce salarié qui n’avait pas été dûment appelé ou de ses représentants. La chambre sociale se prononce en ce sens dans un arrêt de cassation du 20 juin 2013.

Dans cet arrêt, la chambre sociale rappelle sa jurisprudence classique selon laquelle les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il en est de même pour les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur.

Rappelons que si le salarié peut identifier des fichiers comme personnels, cette faculté fait l’objet d’une rigoureuse exigence. À titre d’exemple, la seule dénomination « Mes documents » donnée à un dossier créé par le salarié ne lui confère pas un caractère personnel.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

Attendu que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 1er décembre 2000 en qualité de directeur artistique par la société Young & Rubicam France (société Y & R), qui exerce une activité d’agence de publicité ; qu’il a été licencié pour faute grave par lettre du 20 mars 2008 ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que selon le rapport établi le 20 mars 2008 par l’expert mandaté par l’employeur, des messages, se trouvant sur le disque dur de l’ordinateur professionnel du salarié, ont été envoyés à ce dernier sur sa messagerie personnelle entre le 20 février 2008 et le 4 mars 2008 et que par ailleurs plusieurs dossiers et fichiers expressément nommés « perso » ou « personnels » découverts sur le disque dur, ont été exclus du rapport d’expertise ; qu’en dehors de la présence de l’huissier de justice qui s’est borné à assister au retrait du disque dur et à la prise de copie de son contenu, l’expert mandaté par la seule société Y & R, a accédé aux dossiers et aux fichiers personnels du salarié, ainsi qu’aux courriels échangés entre ce dernier et l’un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles ; que cet accès effectué par un tiers mandaté par l’employeur, en dehors de la présence du salarié qui n’a pas été dûment appelé ou de ses représentants, constitue une atteinte au respect de sa vie privée et de ce fait un mode de preuve illicite ; que dans ces conditions les constatations effectuées par l’expert pour le compte de la société Y & R sont inopposables au salarié ;

Qu’en statuant ainsi, alors d’une part qu’elle avait constaté que l’expert avait exclu de son rapport les fichiers et dossiers identifiés comme étant personnels au salarié, ce dont il résultait que l’employeur n’y avait pas eu accès, d’autre part que des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris