Comment prouver l’absence de prise de congés payés sans les bulletins de salaire correspondants ?

Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de direction, il revient à l’employeur de mettre en oeuvre les modalités de prise des congés payés de ses salariés au sein de son entreprise.

Dans son arrêt du 12 février 2014, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure : il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a organisé la prise des congés payés par ses salariés.

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé en qualité de peintre le 1er février 2006 par la société MA Renov peinture, d’abord par contrat à durée déterminée ensuite par contrat à durée indéterminée, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, le 2 décembre 2009 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale pour faire juger que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander le paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en rappel d’heures supplémentaires et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors, selon le moyen,

1°/ qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile ; que si le salarié doit étayer sa demande, la charge de la preuve ne lui incombe pas spécialement ; qu’en s’appuyant uniquement sur le prétendu peu de fiabilité des documents produits par le salarié, sans relever aucun élément émanant de l’employeur et venant en contradiction avec ceux avancés par le salarié, la cour a violé l’article L3171-4 du code du travail ;

2°/ qu’en relevant que M. X… n’avait pas étayé sa demande en produisant aux débats un récapitulatif des chantiers sur lesquels il avait travaillés ainsi que trois attestations de collègues confirmant notamment son travail quotidien de 8h00 du matin à 18h00 le soir, ce dont il résultait au contraire que le salarié produisait des éléments de nature à étayer sa demande, la cour d’appel a de plus fort violé l’article L3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié ne produisait aucun décompte, que deux des trois attestations versées aux débats se bornaient à affirmer sans autre précision que les ouvriers effectuaient des heures supplémentaires tandis que la troisième attestation était dépourvue de valeur probante, la cour d’appel a pu en déduire que la demande n’était pas étayée par la production d’éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait encore grief à l’arrêt de le débouter de sa demande au titre de la prime, alors, selon le moyen, que le seul fait que la valeur nominale d’une prime octroyée à un salarié ne soit pas strictement identique à l’occasion de chaque attribution n’exclut pas que celle-ci présente un caractère de fixité et puisse constituer un usage d’entreprise ; qu’en retenant au contraire, pour juger que le versement de la prime revendiquée par le salarié ne constituait pas un usage d’entreprise, que son montant n’était pas toujours exactement le même, cependant qu’elle avait constaté que cette prime n’avait d’exceptionnel que le nom et avait été versée de manière constante pendant toute la durée de la relation contractuelle, la cour d’appel a violé les articles L3211-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs adoptés, l’absence de justification de la généralité de la prime, et son caractère variable sans référence à des critères précis et déterminés, la cour d’appel a estimé que le versement de la prime ne résultait pas d’un usage d’entreprise ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L3141-12, L3141-14, D3141-5 et D3141-6 du code du travail ;

Attendu que, pour débouter M. X… de sa demande au titre de congés payés, l’arrêt retient que les premiers juges notent avec pertinence que le salarié, qui prétend avoir pris des congés payés en août 2007 et aucun les années suivantes, produit tous ses bulletins de paie à l’exception remarquable de ceux d’août 2008 et 2009, attitude ne permettant pas à la juridiction d’admettre le bien fondé de sa demande ;

Qu’en statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de sa demande à titre de congés payés pour 2008 et 2009, l’arrêt rendu le 4 janvier 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier, autrement composée ; »

Par Me Jalain

Source : Cass. Soc. 12 février 2014, 12-29542