Accord transactionnel dans le cadre d’un litige avec son employeur : comment éviter le différé d’indemnisation des indemnités chômage ?

Accord transactionnel dans le cadre d’un litige avec son employeur : comment éviter le différé d’indemnisation des indemnités chômage ?

Le régime social de l’indemnité transactionnelle compensant un préjudice

 

Les articles L. 242-1 et L136-1-1 du Code de la sécurité sociale prévoient que toutes les sommes versées à l’occasion du travail ou de la rupture du contrat de travail sont soumises aux cotisations sociales.

 

Cependant, certaines indemnités transactionnelles échappent à cette règle si elles répondent à des critères précis :

  • Si elles ne font pas partie des indemnités limitativement listées à l’article 80 duodecies du Code général des impôts,
  • Si elles ne constituent pas une rémunération mais visent exclusivement à réparer un préjudice,
  • Si elles sont versées à l’occasion de la rupture du contrat dans la limité de deux fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale défini à l’article L. 241-3 du Code de sécurité sociale,
  • Si elles sont versées en complément d’une indemnité qui fait l’objet d’une exonération des cotisations sociales.

 

Il convient de distinguer deux cas s’agissant du versement d’une indemnité transactionnelle :

  • L’indemnité transactionnelle vise à réparer les conséquences de la rupture du contrat de travail
  • L’indemnité transactionnelle vise à réparer un préjudice subi par le salarié au cours de l’exécution de son contrat de travail, indépendamment de la rupture

 

Dans le premier cas, la jurisprudence a jugé qu’il fallait globaliser l’ensemble des sommes versées au titre de la rupture du contrat de travail et les comparer au plafond d’exonération applicable selon la nature de la rupture (Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-10.325 et n° 16-16.683).

 

Dans le second cas, par un arrêt en date du 30 janvier 2025 (n° 22-18.333), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser les contours du régime social applicable.

 

Dans cette affaire, un salarié licencié pour cause réelle et sérieuse avait conclu une transaction avec son employeur prévoyant le versement d’une indemnité transactionnelle.

 

Cependant, l’employeur avait appliqué une retenue pour cotisations sociales, considérant que cette somme entrait dans l’assiette des cotisations sociales en vertu de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.

 

La Cour de cassation rappelle que les cotisations sociales ne sont dues que sur les sommes versées en contrepartie d’un travail ou à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

 

Néanmoins, elle constate que l’indemnité en cause ne constituait pas un élément de rémunération dû à l’occasion du licenciement mais avait une finalité indemnitaire visant à compenser un préjudice moral et professionnel.

 

Or, les sommes ayant une nature exclusivement indemnitaire visant à réparer un préjudice subi ne sont pas soumises aux cotisations sociales et n’entrent pas dans le champ d’application de l’article précité.

 

Ainsi, l’employeur ne pouvait pas appliquer de retenue au titre des cotisations sociales sur cette somme.

 

Par conséquent, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et confirme la décision de la cour d’appel qui n’avait pas à appliquer le plafond en application du paiement des cotisations sociales.

 

Il est donc recommandé de soigner la rédaction de la transaction en précisant que les indemnités versées ont pour seul objet la réparation de préjudices subis pendant l’exécution du contrat de travail.

 

 

L’introduction d’un différé spécifique d’indemnisation pour les indemnités transactionnelles versées lors de la rupture du contrat de travail

 

La circulaire Unédic n°2025-03 du 1ᵉʳ avril 2025 modifie l’interprétation jusque-là admise du différé spécifique d’indemnisation applicable par France Travail en intégrant dans l’assiette de ce différé les indemnités transactionnelles versées à l’occasion ou postérieurement à la rupture du contrat, y compris celles liées à l’exécution du contrat de travail.

 

Le différé spécifique d’indemnisation est défini par l’article 21 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024 :

 

« La prise en charge est reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature. »

 

Ce différé est calculé en divisant le montant total des sommes concernées par 107,9 (valeur indexée sur le plafond annuel de la Sécurité sociale), dans la limite de :

  • 150 jours calendaires en cas de rupture hors motif économique ;
  • 75 jours en cas de rupture pour motif économique.

 

Sont incluses dans l’assiette du différé les indemnités inhérentes à la rupture du contrat dont le montant ou les modalités de calcul ne résultent pas d’une disposition légale et qui n’ont pas été allouées par le juge, soit :

  • L’indemnité supra-légale de licenciement,
  • Le montant supra-légal d’une rupture conventionnelle,
  • Les indemnités transactionnelles liées à la rupture du contrat,
  • La contrepartie d’une clause de non-concurrence.

 

La circulaire du 1er avril 2025 opère un revirement en disposant que désormais toute indemnité transactionnelle versée à l’occasion ou après la rupture du contrat, y compris si elle se rattache à l’exécution du contrat, est incluse dans le différé, sauf à ce qu’elle figure sur un bulletin de paie en cours de contrat.

 

 

Quelle est la bonne stratégie à adopter pour éviter le différé France Travail ?

 

Pour éviter que l’indemnité ne soit considérée comme versée « à l’occasion de la rupture », il est impératif de conclure la transaction pendant l’exécution du contrat de travail et de la faire figurer sur un bulletin de salaire.

 

Cela permet d’exclure la somme de l’assiette du différé spécifique car elle est versée alors que le contrat est toujours en cours et qu’elle se rattache à un préjudice distinct de la rupture.

 

Il est également possible d’envisager une conciliation devant le Conseil de prud’hommes dans les conditions prévues par l’article D.1235-21 du Code du travail.

 

Cette voie présente deux atouts majeurs :

  • Une exonération de CSG/CRDS dans les limites du barème fixé par décret,
  • Une absence de différé d’indemnisation par France Travail.

 

Enfin, en cas d’application du différé à une indemnité manifestement étrangère à la rupture, le salarié pourra saisir le pôle social du Tribunal judiciaire afin de tenter de faire annuler la décision rendue par France Travail.

 

Il est vivement conseillé sur ce point de se faire assister de son avocat en droit du travail afin d’éviter toute mauvaise surprise lors de l’inscription à France Travail.