Convention de forfait-jours et conditions de validité : panorama des décisions récentes

 

Le contentieux des conventions de forfait irrégulières, nulles ou rendues inopposables à l’entreprise ne cesse de se développer. Dans ce contexte, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions durant l’année 2021 venant encadrer le régime des conventions de forfait.

 

 

  • Définition de la convention de forfait-jours

 

Pour rappel, la convention de forfait en jours permet de rémunérer certains salariés sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement, sans décompte précis du temps de travail. Les salariés, souvent cadres, disposent d’une grande liberté pour organiser leur emploi du temps.

 

Pour qu’une entreprise puisse recourir à la formule du forfait jours, deux conditions doivent être réunies :

 

  • Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (à défaut de branche) doit autoriser le recours à ce type de forfait (C. trav., art. L. 3121-63) ;

 

  • Chaque salarié concerné doit donner son accord individuel matérialisé par écrit (C. trav., art. L. 3121-55).

 

Depuis un arrêt du 29 juin 2011 de nombreuses conventions individuelles de forfaits jours ont été considérées comme inopérantes, car conclues sur la base d’accords collectifs ne garantissant pas suffisamment le droit des salariés à la santé et au repos.

 

Tirant les conséquences de cette jurisprudence, la loi du 8 août 2016 a renforcé le cadre juridique du forfait en jours pour garantir ce droit et est venue notamment renforcé le nombre de clauses obligatoires devant figurer dans l’accord collective venant institué le forfait comme le reprend l’article L3121-64 du code du travail.

 

A ce titre, le suivi de la convention peut consister dans la mise en place d’un système auto-déclaratif, à condition qu’un contrôle effectif soit opéré par le supérieur hiérarchique du salarié sur  sa charge de travail.

 

L’inopposabilité de la convention de forfait présente un intérêt  pour le salarié qui  peut obtenir le paiement des heures supplémentaires réalisées.

 

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts venant préciser le cadre de mise en place des conventions de forfaits-jours.

 

 

 

 

  • Décisions récentes sur les conventions de forfaits jours

 

 

  • Arrêt du 6 janvier 2021 n°17-28.234 : Convention de forfait jours privée d’effet et  remboursement des RTT

 

Une convention de forfaits en jour privée d’effets rend indu le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention.

L’employeur est alors en droit d’en réclamer le remboursement au salarié.

 

 

  • Arrêt du 17 février 2021 n°19-15.215 : Paiement d’heures supplémentaires, faute d’entretien d’évaluation

 

Dès lors qu’un salarié en forfait annuel en jours n’a pas bénéficié de l’entretien annuel d’évaluation prévu par l’accord collectif, l’employeur a manqué à ses obligations légales et conventionnelles pour s’assurer, de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par le salarié. La convention de forfait est privée d’effet et le salarié peut alors prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

 

Le juge rappelle également que la preuve du contrôle de la charge de travail repose sur l’employeur.

 

 

  • Arrêt du 24 mars 2021, n°19-12.208 ou encore du 17 novembre 2021, n° 19-16.756 : Nullité d’une convention de forfait jours pour défaut de suivi effectif et régulier du temps de travail

 

Un accord de réduction du temps de travail qui « n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé » entraîne la nullité de la convention de forfait jours.

 

En effet, le contrôle de la charge de travail n’est pas suffisamment effectif et régulier pour garantir la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

 

 

  • Arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 17 février 2021, n°18/04396 : Convention de forfait jours illicite et prise d’acte de la rupture du contrat de travail

 

La Cour d’appel de Versailles annule le forfait jours d’une salariée, faute d’évaluation de la charge de travail dans l’accord collectif. Elle valide aussi la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, caractérisées par une surcharge générale de travail, le non-paiement d’heures supplémentaires et la violation du repos dominical.

 

  • Arrêt du 16 juin 2021 n°20-13.127 ; n°20-13.129 : Nullité de la convention de forfait et devoir du juge dans le paiement des heures supplémentaires

 

Il appartient désormais au juge de vérifier, en présence d’une convention de forfait irrégulière, si la perception d’un salaire supérieur au minimum conventionnel n’a pas entraîné le paiement, au moins en partie, des heures supplémentaires.

 

Cette dernière décision apparait comme un assouplissement des effets de l’inopposabilité de la convention de forfaits pour l’employeur.

 

  • Enfin, dans un arrêt du 13 octobre 2021 n° 19-20.561  la Cour de cassation est venue rappeler la nullité du forfait jours en cas d’insuffisance des modalités de suivi de la charge de travail

 

En l’occurrence, la convention collective prévoyait que :

Le nombre de jours travaillés dans l’année était d’au plus 205 jours pour un droit complet à congés payés ;

Un suivi hebdomadaire s’assurait du le respect des règles légales et conventionnelles en matière de temps de travail, notamment le respect du repos quotidien de 11 heures ;

Un bilan annuel permettait d’effectuer le contrôle des jours travaillés et des jours de repos.

 

Or, pour la Cour de cassation, la convention collective n’instituait pas un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

 

Pour ces motifs, la convention de forfait-jours a été annulée.

 

Le salarié peut donc demander le paiement d’heures supplémentaires dont le juge devra vérifier l’existence et le nombre (en ce sens notamment arrêt du 4 février 2015). L’employeur pourra, de son côté, réclamer le remboursement des jours de repos octroyés au salarié en application de la convention nulle (en ce sens notamment arrêt du 4 décembre 2019).

 

Pour rappel, l’employeur peut désormais pallier l’absence de telles dispositions dans un accord collectif antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 en établissant un document de contrôle de la durée du travail, en s’assurant que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et en organisant un entretien annuel avec le salarié pour évoquer notamment sa charge de travail (article L.3121-65 du code du travail).

 

 

Pour plus d’informations sur un dossier : www.avocat-jalain.fr