L’OBLIGATION DE SECURITE DE L’EMPLOYEUR DANS LE CADRE DU HARCELEMENT AU TRAVAIL

L’article L. 4121-1 du Code du travail rappelle l’obligation de sécurité de l’employeur en indiquant que :

 

« l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

 

C’est en s’appuyant sur cette règle que les juges ont pu systématiquement sanctionner l’employeur en cas d’atteinte à la santé d’un salarié.

 

L’article L. 4121-2 du Code du travail quant à lui énumère les principes généraux de prévention que l’employeur doit mettre en œuvre pour satisfaire son obligation de sécurité.

 

Cet article dispose que l’employeur doit « éviter les risques » et les « combattre à la source », de même qu’il doit « évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ».

 

Des dispositions spécifiques existent pour les faits de harcèlement moral, contre lesquelles l’employeur doit prendre des mesures de prévention mentionnés à l’article L. 1152-4 du Code du travail.

« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Les personnes mentionnées à l’article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33-2 du code pénal. »

 

Initialement en matière de harcèlement, la chambre sociale de la Cour de cassation avait précisé que l’absence de faute de l’employeur n’avait pas pour effet de l’exonérer de sa responsabilité (Cass. soc., 21 juin 2006, no 53-43.914).

 

Elle mentionnait également que le manquement à l’obligation de sécurité de résultat était également établi alors même que l’employeur avait pris toutes les mesures pour faire cesser le harcèlement dès qu’il en avait eu connaissance (Cass. soc., 3 févr. 2010, no 08-44.019 ; Cass. soc., 11 mars 2015, no 13-18.603).

 

Puis, au fur et à mesure de sa jurisprudence, elle a permis à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité en indiquant qu’il ne méconnaissait pas son obligation légale de sécurité en matière de harcèlement moral s’il justifiait avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par le Code du travail, ainsi que celles nécessaires pour faire cesser ce harcèlement. (Cass. soc., 1er juin 2016, no 14-19.702, FS-P+B+R+I)

 

Récemment, la chambre sociale est venue apporter une précision supplémentaire en indiquant que l’employeur respecte son obligation de sécurité en cas de harcèlement au travail lorsqu’il a :

 

  • Organisé immédiatement une réunion avec le/la salarié(e) concerné(e)

 

  • Fait une proposition de changement de poste

 

  • Fait procéder à une enquête du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail)

 

(7 décembre 2022, Cour de cassation, Pourvoi n° 21-18.114)

 

«

  • « Ayant constaté que la directrice du magasin n’a été informée par la salariée des agissements de sa supérieure hiérarchique que le 9 juin 2017, que le même jour, une réunion a eu lieu entre la directrice, la salariée et un délégué du personnel pour évoquer les faits dénoncés par la salariée et lui proposer de changer de secteur, que le 14 juin, la salariée s’est entretenue avec le responsable des ressources humaines et que les 19 et 20 juin, une enquête a été menée par des représentants du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

 

(…)

 

  • La salariée fait grief à l’arrêt de constater l’absence de harcèlement moral, de juger qu’il n’y a pas lieu à procéder à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de juger que son licenciement pour inaptitude n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité spéciale de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors « que l’employeur est tenu de répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés et que l’absence de faute de sa part ou du salarié exerçant l’autorité ne peut l’exonérer de sa responsabilité ; que la cour d’appel a constaté que la salariée avait été régulièrement confrontée aux critiques et dénigrements de sa supérieure hiérarchique, y compris en présence de tiers, qui l’avait mise à l’écart de réunions et avait réduit le périmètre de ses attributions et que  »ces éléments caractérisent un harcèlement moral » ; qu’en la déboutant néanmoins de ses demandes, au motif que la directrice du magasin n’aurait pas été  »l’instigatrice, la complice, voire l’organisatrice des faits fautifs susvisés » et que le harcèlement moral ne lui était pas  »directement imputable », quand la responsabilité de l’employeur était engagée dès qu’étaient constatés des agissements de harcèlement moral commis par des personnes exerçant une autorité sur les salariés, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause. »

 

(…)

 

  • L’arrêt estime que trois attestations établissent que la salariée a été régulièrement confrontée aux critiques et dénigrements, y compris en présence de tiers, de la part de sa supérieure hiérarchique responsable du rayon livre, qui, par ailleurs, l’a abusivement mise à l’écart de réunions concernant ses fonctions et a réduit le périmètre de ses attributions. Il en déduit que ces éléments caractérisent un harcèlement moral.

 

  • Toutefois, pour juger que la salariée est mal fondée à invoquer un harcèlement moral à l’encontre de l’employeur, l’arrêt retient que ni les conclusions de l’enquête diligentée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les 19 et 20 juin 2017, ni l’ensemble des témoignages versés aux débats par la salariée ne révèlent que cette dernière aurait été victime d’un harcèlement moral directement imputable à la directrice du magasin et qu’il n’est pas davantage démontré, au vu de ces pièces, que la directrice aurait été l’instigatrice, la complice, voire l’organisatrice des faits fautifs susvisés. »

 

On comprend à la lecture de cet arrêt que pour pouvoir s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, l’employeur doit démontrer avoir pris des mesures rapides et efficaces pour protéger immédiatement le salarié des effets de ce harcèlement.

 

Il doit ainsi mettre en évidence les causes du harcèlement et les auteurs puis, protéger la victime pour qu’elle ne soit plus en lien et au contact du harceleur.

 

Cela passe soit par une modification du poste du ou de la salarié(e) mais également par une sanction définitive à l’égard de l’auteur du harcèlement qui peut être le licenciement.

 

Pour aller plus loin :