Le droit de retrait du salarié en question face au COVID

 

Le code du travail prévoit pour le salarié  droit de se retirer d’une « situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » (C. trav., art. L. 4131-1).

 

Dans un tel contexte, les travailleurs ont le droit de se retirer de leur lieu de travail.

 

  • Nature du danger selon la jurisprudence

 

La loi vise le danger imminent menaçant la vie ou la santé du salarié. Par imminence il faut entendre un danger susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché.

 

Au-delà du risque d’accident et de maladie professionnelle, le danger concernant la santé englobe les effets des nuisances tenant aux conditions de travail  dès lors que ces nuisances prennent un caractère aigu créant un danger imminent. Le danger peut émaner d’une machine, d’une ambiance de travail, d’un processus de fabrication … ou désormais d’une pandémie non maitrisée.

 

La faculté donnée au salarié de se retirer de son poste de travail doit être entendue comme un recours exceptionnel lorsqu’en face d’une menace de danger grave et très proche il n’y a pas d’autre moyen d’agir pour échapper au danger.

 

Par danger grave, il faut entendre « un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » (Cir. DRT no 93/15, 25 mars 1993, BO Trav. 93/10, p. 99).

 

 

Un salarié ne saurait soutenir qu’il s’est retiré d’une situation de danger alors qu’au moment où il prétend faire usage de son droit de retrait, il se trouvait déjà hors de danger puisqu’il était en arrêt maladie (Cass. soc., 9 oct. 2013, no 12-22.288, Bull. civ. V, no 227, JSL, no 354-3).

 

Le danger doit apparaître comme se situant donc  au-delà du risque qui s’attache à l’exercice normal d’un travail qui peut impliquer, en soi, certaines servitudes ou un certain risque.

 

Si vous pensez remplir ces conditions, avertissez votre employeur. Il n’y a pas de formalisme : ça peut être verbal ou par écrit.

 

A l’oral avec un témoin, par SMS, e-mail… Le format est libre, même s’il est mieux d’avoir une trace. En cas de contentieux, il est vrai qu’il faudra une preuve de la demande , donc l’écrit est très recommandé.

 

  • Absence de risque pour les tiers

 

Dans chaque situation de travail, le salarié doit tenir compte de son environnement de travail.

 

En ce sens, il ne saurait se retirer de son poste sans mesurer préalablement les conséquences qu’un tel retrait peut entraîner par rapport à la situation de ses collègues de travail ou des tiers.

 

L’article L. 4132-1 du Code du travail précise ainsi explicitement que le droit de retrait doit être exercé de telle manière « qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent ».

 

Cette notion « d’absence de risque pour les tiers » est toutefois assez difficile à appréhender, le critère essentiel devant rester l’étude des mesures mises en œuvre par l’employeur pour répondre à la situation de danger pour le salarié.

 

  • Conséquences de l’exercice du droit de retrait sur le contrat de travail

 

Lorsque le droit de retrait est utilisé légitimement, l’employeur ne peut amputer la rémunération correspondant au temps de retrait du poste de travail (C. trav., art. L. 4131-3). Le salarié aura le droit de percevoir sa rémunération tant que l’employeur n’aura pas pris les mesures nécessaires pour remédier au risque.

 

De même, le salarié ne peut faire l’objet d’aucune sanction du fait d’avoir utilisé ce droit, et s’il est licencié, il pourra demander réparation de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse.

 

La Cour de cassation a par ailleurs décidé que compte tenu de l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur, le licenciement d’un salarié ayant légitimement usé de son droit de retrait pouvait être considéré comme nul (Cass. soc., 28 janv. 2009, no 07-44.556, Bull. civ. V, no 24) :

 

  • Droit de retrait dans le cadre d’une pandémie

 

Attention toutefois, car ce droit ne doit pas s’exercer à la légère et toutes les situations ne le justifient pas.

 

Lorsque les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié commet un abus de droit et s’expose alors à une retenue sur salaire, à une sanction disciplinaire voire, à un licenciement.

 

Dans des situations telles que des pandémies, le droit de retrait ne s’applique pas systématiquement car il vise une situation particulière de travail et non la situation générale de pandémie.

 

C’est pourquoi, à partir du moment où l’entreprise a mis en œuvre l’ensemble des mesures prévues par le code du travail (garantir l’obligation de sécurité des salariés notamment par la mise à disposition de gel hydro-alcoolique, de masques, de réorganisation du travail afin que les salariés soient le moins en contact possible, etc.) et par les recommandations nationales pour assurer la protection de la santé des travailleurs, le gouvernement considère à priori que l’existence même du virus ne suffit pas à elle-seule à justifier l’exercice du droit de retrait.

 

Mais, c’est un droit subjectif dont l’opportunité est appréciée au cas par cas et qui relève, en cas de litige, de l’appréciation souveraine des tribunaux.

 

Donc, il faut manier l’exercice de ce droit avec beaucoup de précaution et prendre conseil auprès d’un avocat en droit du travail avant d’actionner ce droit qui peut avoir des conséquences sur la poursuite du contrat de travail.

A ce titre, l’avis du médecin du travail peut être déterminant même si en pratique, il peur s’avérer difficile de le joindre rapidement.

 

 

Il pourrait être convenu qu’à partir du moment où l’employeur permet à ses salariés de respecter les gestes barrières, comme disposer d’un masque de protection, se laver les mains et garder une distance respectable avec les clients, le droit de retrait ne peut théoriquement pas être invoqué, quel que soit le secteur.

 

Le port du masque reste  à ce titre une vraie difficulté à appréhender compte tenu de la pénurie de masques qui ne sont  pas  disponibles pour le moment  dans les entreprises hors secteur du soin, ces masques étant réservés d’abord aux professionnels de santé.

 

 

A l’inverse, si l’employeur ne met rien en place pour protéger ses salariés en contact direct avec le public alors,  après une simple mise en demeure  préalable qu’il faut conseiller au salarié,  celui-ci doit être considéré dans une situation légitime de droit de retrait et ce tout particulièrement lorsque le cas d’un collègue de travail  testé positif est connu.

 

 

  • Le Ministère du Travail réservé sur le droit de retrait

 

Dans les « Questions-Réponses Covid-19 » du 28 février 2020, le Ministère du Travail est bien plus timoré dans son analyse du droit de retrait dans le cadre de cette pandémie car le Ministère ne souhaite pas que le droit de retrait se répande chez les salariés.

 

Un travailleur ne peut se retirer d’une situation de travail que s’il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Les recommandations du gouvernement, sont disponibles et actualisées sur la page suivante : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus .

 

Si ces recommandations ne sont pas suivies, et sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, un salarié peut exercer son droit de retrait.

 

Face à un collègue qui revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée, les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, dès lors que l’employeur met en œuvre les recommandations du gouvernement, disponibles et actualisées sur la page suivante : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.

Si ces recommandations sont bien suivies, le risque pour les autres salariés est limité puisque, d’après les données épidémiologiques disponibles à ce jour, seul un contact rapproché et prolongé avec des personnes présentant des symptômes pourrait les contaminer.

 

  • Le Juge prud’homal dira le droit en cas de contentieux sur le droit de retrait

 

En cas de contentieux, lorsque l’employeur va sanctionner un salarié qui aura fait l’exercice de son droit de retrait, ce sera au juge prud’homal d’apprécier le litige au cas par cas pour dire si eu égard aux mesures prises par l’employeur et au risque d’exposition du virus, le salarié était ou non dans son bon droit.

 

Maître JALAIN

Avocat en Droit du travail

www.avocat-jalain.fr