L’accord du salarié est-il nécessaire lorsque son contrat de travail est transféré à une autre entreprise ?

L’accord du salarié est-il nécessaire lorsque son contrat de travail est transféré à une autre entreprise ?

 

Le transfert est automatique sans l’accord du salarié lorsque survient une des conditions de l’article
L. 1224-1 du Code du travail, à savoir :

-une transmission du fonds de commerce

-une fusion

-une transformation du fonds

-une mise en société de l’entreprise

 

A l’inverse, lorsque les conditions de l’article L. 1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d’un salarié d’une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail.

 

L’article L. 1224-1 du Code du travail dispose que :

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

 

Pour qu’un transfert de contrat soit valide, il doit répondre à plusieurs conditions :

-Il doit y avoir un acte de transfert de l’entreprise

-L’entreprise doit être pérenne, l’activité doit impérativement être poursuivie après la cession par un repreneur à qui est transféré le contrat de travail.

 

La succession des employeurs entraine le maintien des contrats de travail du salarié ainsi que l’inefficacité de tout licenciement lié au transfert.

 

En dehors de ce cas légal de l’article L. 1224-1 du Code du travail, l’accord du salarié doit toujours être sollicité pour que son contrat soit transféré y compris dans une entreprise du même groupe.

 

Dans le cas d’espèce, le salarié avait été engagé en mai 2004 par la Société Services pétroliers Schlumberger (SPS). Il a par la suite travaillé aux Etats-Unis après avoir signé une lettre d’engagement le 1er septembre 2014. Cette société a mis fin à son contrat le 25 juin 2015.

 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du premier employeur. Il fait alors valoir qu’il n’avait pas donné son accord exprès au changement d’employeur.

 

La cour d’appel n’avait pas caractérisé cet accord exprès du salarié au changement d’employeurs et avait considéré que le contrat de travail de la société américaine s’était substitué au contrat de travail avec la société française.

 

Est cassé l’arrêt d’appel qui retient que le contrat de travail avec une société américaine s’est substitué au contrat de travail avec la société française, et ce, sans caractériser que le salarié avait donné son accord au changement d’employeur.

 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 avril 2009, n°08-41.046, avait déjà posé comme principe que « le changement d’employeur qui constitue une novation du contrat de travail ne peut, sauf dispositions législatives contraires, résulter que d’une acceptation expresse du salarié ».

 

La Cour de cassation rappelle cette règle dans sa décision de 2023 et se fonde sur l’article L. 1224-1 du Code du travail pour justifier sa décision : « Lorsque les conditions de cet article L. 1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, le transfert de contrat de travail d’un salarié d’une entreprise à une autre constitue une modification du contrat qui ne peut intervenir sans un accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail ».

 

La difficulté pratique résidera dans la forme que droit revêtir le consentement exprès du salarié.

 

Sur le point de la mobilité intra-groupe, la Cour de cassation s’est déjà prononcée et considère qu’une convention tripartite doit être signée entre le salarié et ses employeurs successifs et non pas par des accords séparés avec les différents employeurs concernés.

(Cass, Soc, 26 octobre 2022, n°21-10.495)

 

A défaut d’accord exprès, il s’agit de considérer que le contrat de travail avec la société française a simplement été suspendu durant l’exécution de son second contrat de travail avec la société américaine. Ce premier contrat pourrait alors être l’objet d’une résiliation judiciaire à condition d’apporter la preuve d’un manquement suffisamment grave la justifiant.

 

La sanction du défaut d’accord exprès du salarié pour son transfert est la requalification de la rupture du contrat intervenue en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif donnant droit à une indemnisation du salarié.

 

24 mai 2023, n°21-12.066

https://www.courdecassation.fr/decision/646dab52682126d0f8fac9b6

 

Pour aller plus loin :