Principe de l’unicité de l’instance et recevabilité des demandes nouvelles en matière prud’homale

 

Le Conseil de Prud’hommes est compétent pour régler les litiges, entre salariés et employeurs, qui surviennent durant la relation de travail et notamment les conflits en matière de salaire, licenciement, congés payés, harcèlement…

 

Le dépôt d’une requête devant le Conseil de prud’hommes permet en ce sens à un salarié de saisir le Conseil de prud’hommes (CPH) en cas de litige avec son employeur.

 

Cette saisine peut directement être faite par le salarié lui-même sur un document CERFA prévu à cet effet ( cerfa n° 15586*09 ) et ensuite déposé au greffe du Conseil de prud’hommes compétent.

 

Toutefois, le principe dit de l’unicité de l’instance vient grandement atténuer cette liberté du salarié qui, s’il ne souhaite pas faire d’erreur dans sa saisine, aurait grandement intérêt à prendre conseil auprès d’un avocat référent en la matière.

 

En effet, l’article R. 1452-2 du code du travail dispose que la requête introductive d’instance doit expressément contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de celle-ci.

 

Toute prétention nouvelle, non mentionnée dans la requête initiale, est ainsi par principe irrecevable en cours d’instance prud’homale.

 

Ainsi en vertu du principe de l’unicité de l’instance prud’homale, le demandeur qui souhaite formuler une demande nouvelle par rapport à sa saisine initiale doit saisir à nouveau le Conseil de prud’hommes.

 

Là apparait tout l’intérêt d’être bien conseillé avant de saisir le Conseil de prud’hommes d’autant plus que pour rappel, des délais limitent la possibilité de déposer une requête devant le CPH : pour exemple, les demandes en contestation de la rupture d’un contrat de travail sont possibles dans la limite d’un an à compter de la notification de cette rupture.

 

Au-delà, la rupture du contrat de travail salarié ne pourra plus être contestée.

 

Toutefois, ce principe d’unicité de l’instance est atténué par les règles de droit commun de la procédure civile.

 

En première instance, les demandes dites incidentes, au sens de l’article 63 du code de procédure civile, demeurent recevables dans la même instance si elles se rattachent aux prétentions originaires par un « lien suffisant »selon l’article 70 du code de procédure civile.

 

Les demandes incidentes sont définies comme étant la demande reconventionnelle, la demande additionnelle et l’intervention en vertu de l’article 63 dudit code.

 

Ainsi, une nouvelle demande est formulable après le dépôt de la requête initiale si cette nouvelle demande présente un lien dit suffisant avec celle précisée initialement dans la saisine faite du Conseil de Prud’hommes.

 

Conformément à l’article 4 du Code de procédure civile, les prétentions originaires sont bien celles fixées dans l’acte introductif d’instance, soit la requête prud’homale adressée par le demandeur.

 

Dans ce cadre, en première instance, si le demandeur peut « modifier ses prétentions antérieures » par une demande dite incidente additionnelle ( art 65 CPC) encore faut-il que les prétentions modifiées présentent un lien suffisant avec les prétentions originaires.

 

A défaut de lien suffisant, la prétention nouvelle doit être jugée irrecevable.

 

Ainsi, cette notion de lien suffisant est une notion clé en matière prud’homale bien qu’elle n’a jamais été définie de manière précise par le législateur.

 

La Cour de cassation juge à ce titre de manière quasi constante que le lien suffisant est souverainement apprécié par les juges du fond, ce qui lui évite de devoir en fournir une définition précise (Civ. 2ème, 12 avril 2018, 17-14.779).

 

Ainsi, plusieurs arrêts ont déclaré recevables les demandes additionnelles du salarié :

 

 

  • Cour d’appel, Reims, Chambre sociale, 27 Novembre 2019 – n° 18/02387 : une demande de dommages et intérêts se rattache aux demandes initiales de contestation du licenciement et demande de réintégration

 

 

  • Cour d’appel de Besançon, 5 Mars 2019, n° 18/00758 : les demandes additionnelles consistant dans la requalification du contrat à durée déterminée, aux indemnités de préavis et de non-respect de procédure présentent un lien suffisant avec les demandes initiales de rupture illicite et prématurée du contrat à durée déterminée dès lors qu’elles étaient fondées sur le même contrat de travail pour une durée déterminée

 

 

  •  Cour d’appel de Montpellier, 4e chambre sociale, 27 février 2019, n° 18/00934 : présente un lien suffisant avec une demande de paiement de rappel de salaire et de communication de documents salariaux une demande additionnelle de remise de ses documents salariaux sous astreinte et une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’absence de paiement des garanties.

 

 

  • Cour d’appel de Chambery, chambre sociale, 9 Mai 2019 n° 18/00485 : présente un lien suffisant avec la demande de reconnaissance de la rupture abusive du contrat de travail, de paiement d’heures supplémentaires et  de jours de repos la demande ultérieure de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et un rappel de salaire pour une période de travail non déclarée.

 

 

Ainsi, en conclusion :

 

– Le lien suffisant est exclu lorsque les demandes additionnelles tendent à instaurer un litige susceptible d’être considéré comme nouveau par rapport aux prétentions originaires ;

 

– Le lien est suffisant lorsque les demandes additionnelles ne font que prolonger et compléter les prétentions originaires, en tendant aux mêmes fins.