Un salarié peut-il travailler pour une autre entreprise pendant son arrêt maladie ?

Un salarié peut-il travailler pour une autre entreprise pendant son arrêt maladie ?

 

La question touche à l’obligation de loyauté du salarié dans le cadre d’un contrat de travail.

 

L’article 1104 du Code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

 

L’article 1194 du Code civil ajoute en outre que :

 

« les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi ».

 

Ce principe de bonne foi est également repris dans l’article L. 1222-1 du Code du travail, qui établit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

 

Cela signifie que le salarié ne doit pas commettre d’agissements susceptibles de porter préjudice à son employeur.

 

La jurisprudence fait état dans de nombreux arrêts de cette notion et l’a au fur et à mesure des années étendue considérablement.

 

Par ailleurs, il est important de noter que les cadres sont soumis à une obligation de loyauté renforcée.

 

Donc, en cas de violation de l’obligation de loyauté l’employeur aura la possibilité de licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave ou lourde.

 

Le salarié peut-il exercer une seconde activité professionnelle en dépit de cette obligation de loyauté ?

 

La liberté du travail est consacrée par la Constitution.

 

Donc en vertu de ce principe la jurisprudence a pu considérer que le salarié qui souhaitait travailler pour le compte d’un autre employeur, avait la possibilité de le faire mais il devait dans ce cas veiller à respecter son obligation de loyauté à l’égard de son employeur initial.

 

Il était ainsi préférable de ne pas accepter un emploi chez un concurrent direct, ou encore de veiller à rester disponible pour l’emploi exercé.

 

De plus, il est nécessaire de s’intéresser à l’obligation de non-concurrence qui peut découler de l’obligation de bonne foi et de loyauté ou être introduite dans le contrat de travail par l’utilisation d’une clause.

 

Qu’en est-il de l’exercice d’une activité professionnelle pendant un arrêt maladie ?

 

L’arrêt maladie suspend le contrat de travail.

 

Autrement dit, il libère le salarié de l’obligation de travailler, mais il lui interdit également toute activité soit pour son propre compte, soit pour le compte d’autrui. Il peut seulement exercer une activité entrant dans le champ de sa vie personnelle.

 

L’employeur peut être condamné à indemniser le salarié, en se trouvant dans l’obligation de rembourser ses indemnités journalières de sécurité sociale s’il l’a laissé travailler pendant son arrêt maladie (Cass. soc., 21 nov. 2012, no 11-23.009).

 

La jurisprudence a admis en revanche, qu’une activité bénévole ou occasionnelle pouvait être envisagée.

 

Donc en principe, il n’est pas possible de travailler pour son employeur pendant un arrêt maladie mais quid d’un travail au sein d’une autre structure non-concurrente ?

 

Un arrêt de la chambre sociale en date du 26 février 2022 est venu préciser les conditions d’exercice d’une activité professionnelle pendant un arrêt maladie.  (Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-10.017, FS-P+B).

 

Dans le cas d’espèce une salariée a été placée en arrêt de travail puis licenciée par son employeur pour faute grave.

 

Elle a donc saisi la juridiction prud’homale afin de voir requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

La Cour d’appel afin de débouter la salariée de ses demandes retenait qu’elle exerçait une activité professionnelle avec une société qui n’était pas son employeur initial et qu’elle était en arrêt maladie.

 

De surcroit, la salariée continuait de percevoir un complément de salaire versé par son employeur initial pendant son arrêt de travail pour maladie.

 

La Cour d’appel a donc considéré que la salariée avait commis une faute, qui par la déloyauté qu’elle caractérisait était d’une gravité telle qu’elle faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail et elle estimait que l’employeur avait subi un préjudice du fait de cette activité professionnelle.

 

Cette jurisprudence était jusque là classique.

 

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation est venue casser l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs que :

 

« L’exercice d’une activité, pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise. »

 

Par conséquent, pendant un arrêt maladie un salarié a la possibilité de travailler pour une entreprise à la condition que celle ne soit pas concurrente, qu’elle ne cause pas de préjudice à l’employeur ou à l’entreprise et ce préjudice ne peut résulter du seul paiement par l’employeur des indemnités complémentaires aux allocations journalières.

 

Le préjudice doit donc résulter du caractère concurrentiel de l’activité concernée du salarié.

(Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-10.017, FS-P+B)

 

Attention toutefois, si l’employeur apprend que le salarié travaille alors qu’il assure un maintien de salaire pendant l’arrêt, il peut arrêter ce maintien sous réserve de faire réaliser une visite médicale par un médecin contrôleur.

 

Il peut également prévenir la Sécurité sociale qui reste seule décisionnaire de procéder ou non à la suspension du versement des indemnités journalières, mais il ne pourra pas sanctionner son salarié.