Un licenciement verbal peut-il être valable ?

Le fait pour  l’employeur d’annoncer publiquement et verbalement le licenciement d’un salarié avant la tenue de l’entretien préalable au licenciement, ou qui, au tout début de l’entretien, annonce que sa décision est prise, rend son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

Dans cette affaire le salarié avait été convoqué à un entretien préalable prévu le 5 janvier 2009.

 

L’information avait filtré dans l’entreprise et les salariés s’étaient spontanément manifestés et avaient demandé une réunion à la direction générale.

 

Celle-ci s’était tenue le jour même et l’employeur avait alors annoncé sa décision irrévocable de licencier le salarié selon les termes du compte-rendu qui avait ensuite été rédigé.

 

L’entretien s’était tenu l’après-midi même et le salarié avait été licencié pour faute grave, il s’agissait donc d’un licenciement verbal.

 

Le salarié estimait que son licenciement avait été décidé avant la tenue de l’entretien préalable, puisque la décision était annoncée lors de la réunion du personnel tenue juste avant l’entretien.

 

L’employeur prétendait au contraire que le compte-rendu de la réunion était contestable, et qu’il y avait annoncé que le licenciement était en cours et non irrévocable.

 

En vain, les juges maintiennent ici une jurisprudence constante (cass. soc. 28 mai 2008, n° 07-41735 D ; cass. soc. 6 février 2013, n° 11-23738, BC V n° 31).

 

Ainsi en annonçant publiquement avant la tenue de l’entretien préalable, sa décision irrévocable de licencier le salarié, l’employeur avait prononcé oralement le licenciement ce qui le rendait sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il ne soit possible de régulariser la situation a posteriori en tenant l’entretien.

 

Par conséquent, l’employeur est condamné à verser au salarié les indemnités de licenciement, de préavis et des dommages-intérêts.

 

Ainsi, dans l’hypothèse où l’employeur envisage de mettre un terme au contrat de travail d’un salarié à l’issue de sa période d’essai, il doit impérativement engager une procédure de licenciement à son encontre, dont les modalités peuvent varier selon le motif du licenciement ou, encore, selon que le salarié bénéficie ou non d’une protection en raison d’un mandat par exemple.

 

Néanmoins, quel que soit le motif du licenciement (personnel – disciplinaire ou non – ou économique), l’ancienneté du salarié ou encore la taille de l’entreprise, l’employeur a toujours l’obligation de mentionner dans la lettre de licenciement les motifs du licenciement, conformément à l’article L. 1232-6 du Code du travail qui dispose : « Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur […] ». Des dispositions contractuelles, conventionnelles ou statutaires ne peuvent pas en dispenser l’employeur (Cass. soc., 12 janv. 2001, no 09-41.904).

 

En l’occurrence, la lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs énoncés dans la lettre que s’apprécie le bien-fondé de la mesure (Cass. soc., 4 juill. 2012, no 11-17.469).

 

Dès lors, le défaut total d’énonciation des motifs ou l’imprécision des motifs invoqués équivaut à une absence de motif de licenciement (Cass. soc., 29 nov. 1990, no 88-44.308). Autrement dit, la motivation doit être précise et vérifiable par le juge. Ainsi, l’imputation au salarié d’une faute sans caractériser cette dernière ne constitue pas un motif matériellement vérifiable ( jurisprudence ancienne Cass. soc., 11 janv. 2006, no 04-14.954).

 

Cass. soc. 23 octobre 2019

 

« Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2017), que M. I…, engagé le 15 février 1971 par la société Elmo, aux droits de laquelle est venue la société Cegelec Elmo, a été convoqué le 24 décembre 2008 à un entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 5 janvier 2009 et s’est vu notifier son licenciement pour faute grave le 8 janvier 2009 ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de juger que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au versement de diverses sommes alors, selon le moyen :

 

1°/ que ne constitue pas un licenciement verbal la prétendue annonce par l’employeur, qui a convoqué le salarié à un entretien préalable, de ce que sa décision était « irrévocable », faute d’avoir porté atteinte au contrat de travail ou interrompu celui-ci avant la notification du licenciement ; que la cour d’appel en retenant en l’espèce un licenciement verbal inexistant, a violé les dispositions des articles L. 1232-2 et suivants du code du travail ;

 

2°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, il résulte du compte rendu de réunion du 5 janvier 2009, dont la cour d’appel a relevé expressément les termes, que l’employeur, acculé par les représentants du personnel informés de la procédure de licenciement en cours, s’est borné à affirmer que sa « démarche » était irrévocable, confirmant ainsi sa décision de poursuivre la procédure de licenciement engagée, sans présager toutefois de sa décision ultime à la suite de l’entretien préalable ; en affirmant au contraire que la décision de licencier M. I… résultait du compte rendu de réunion du 5 janvier 2009, la cour d’appel a dénaturé les termes de celui-ci, violant le principe susvisé ainsi que les dispositions de l’article 1134 du code civil ;

 

Mais attendu que c’est par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, du compte-rendu de la réunion du personnel, que la cour d’appel a retenu que l’employeur avait annoncé publiquement, avant la tenue de l’entretien préalable, sa décision irrévocable de licencier le salarié ; qu’elle en a exactement déduit l’existence d’un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;