Un employeur peut-il licencié un salarié qui menace d’agir en justice contre lui ?

 

Dans deux arrêts récents, la Cour de cassation confirme que le licenciement prononcé à cause de l’action en justice d’un salarié contre son employeur est nul, car il méconnaît la liberté fondamentale d’agir en justice, constitutionnellement garantie (Cass. soc. 16-3-2016 n° 14-23.589 FS-PBR).

 

Il en est de même du licenciement motivé par le témoignage en justice d’un salarié en faveur d’un ancien collègue (Cass. soc. 29-10-2013 n° 12-22.447 FS-PB).

 

Peu importe que l’action en justice soit seulement envisagée ou la demande du salarié non fondée.

 

Dans la première affaire (n° 17-11.122), le salarié avait menacé l’employeur dans une lettre d’entamer une procédure à l’encontre de la société pour faire valoir ses droits, en réponse à une proposition de l’employeur portant sur la reconduction de son contrat d’expatriation. Le salarié a été licencié notamment pour cette raison.

 

C’est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser qu’est également nul le licenciement prononcé en raison d’une action en justice susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de l’employeur, et non pas seulement en raison de celle déjà engagée.

 

En l’espèce, la lettre de licenciement faisait état de cette menace de saisir le conseil de prud’hommes.

 

La Cour de cassation appliquant sa jurisprudence constante  approuve la cour d’appel qui en a déduit que cette seule référence dans la lettre de rupture de la procédure contentieuse envisagée par le salarié entraîne à elle seule la nullité de la rupture, peu important les autres griefs.

 

Dans la deuxième affaire (n° 17-17.687), le salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle peu de temps après avoir saisi le conseil de prud’hommes de demandes au titre d’une inégalité de traitement et d’une discrimination.

 

La cour de casation indique à cette occasion que le licenciement prononcé en raison d’une action en justice est nul, peu importe que la demande du salarié ne soit pas fondée.

 

Lien de causalité entre l’action en justice et le licenciement : quelles règles de preuve ?

Concernant le lien de causalité entre l’action en justice et le licenciement du salarié, il est moins facile à établir lorsque la lettre de licenciement n’invoque pas ce grief, comme dans la deuxième espèce.

 

La cour d’appel a ici retenu l’existence d’un tel lien après avoir, d’une part, constaté que le licenciement faisait suite au dépôt par le salarié d’une requête devant le conseil de prud’hommes tendant à voir reconnaître une discrimination (le licenciement a été notifié moins de 2 mois après la saisine du juge) et, d’autre part, retenu que l’insuffisance professionnelle invoquée à l’appui du licenciement n’était pas établie.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’en avoir déduit qu’il appartenait dès lors à l’employeur d’établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice par le salarié de son droit d’agir en justice.