Se procurer de façon illicite des documents de l’entreprise pour se défendre en justice

Prendre des documents de l’entreprise n’est pas voler si c’est dans le but de se défendre en justice.


La chambre criminele avait deja jugé qu’un salarié peut appréhender ou reproduire des documents appartenant à l’entreprise, sans son autorisation, dès lors qu’il les a obtenus dans le cadre de ses fonctions et que leur production est nécessaire à l’exercice de sa défense devant la juridiction prud’homale.


Toutefois l’apport de cettte nouvelle decision est d’appliquer ce principe dans un cas où la procédure prud’homale n’etait pas encore engagée et le licenciement même pas prononcé.


En l’espèce, le salarié qui savait son licenciement proche avait transféré des documents professionnels sur sa messagerie personnelle.


Pour la haute juridiction, il n’y avait pas lieu à poursuite dès lors que le salarié a eu connaissance des documents en cause dans le cadre de ses fonctions, et que leur production était nécessaire à sa défense dans la procédure prud’homale engagée.


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Maître JALAIN

Avocat en droit du travail

Barreau de Bordeaux

Cass. crim., 16 juin 2011, n° 10-85.079

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– La société Centre spécialités pharmaceutiques, partie civile,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 3e section, en date du 7 mai 2010, qui, dans l’information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs de vol et abus de confiance, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 26 mai 2011 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Chanet, MM. Blondet, Palisse, Mme Koering-Joulin, MM. Dulin, Pometan, Mmes Ract-Madoux, Radenne, MM. Straehli, Castel, Pers conseillers de la chambre, MM. Roth, Laurent, Mme Moreau, M. Maziau conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Sassoust ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général SASSOUST ;

Vu les mémoires produits ;

Sur la recevabilité du mémoire de M. Jean-François X…, témoin assisté :

Attendu que le témoin assisté peut déposer un mémoire devant la Cour de cassation saisie d’un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction, la décision à intervenir étant susceptible de lui faire grief ;

Que, dès lors, le mémoire produit est recevable ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 314-1 du code pénal, 211, 591 et 593 du code procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a prononcé un non-lieu des chefs de vol et d’abus de confiance ;

« aux motifs que M. X… soutient que les documents en cause, détenus par lui au sein de l’entreprise au titre des fonctions qu’il a occupées, ont été transférés sur son ordinateur personnel dans le but de préparer sa défense dans le cadre d’une instance prud’homale et non afin de transmettre ces informations à une entreprise concurrente ; qu’il indique que la nature et la portée des documents qu’il a ainsi transférés étaient motivées par la nécessité pour lui de pouvoir notamment démontrer que la réelle cause de son éviction était la détérioration des résultats de l’entreprise et qu’il n’était pour rien dans cette détérioration ; qu’il est avéré que la lettre de licenciement qui lui a été adressée le 17 mars 2006 fait référence à l’examen de la possibilité de son départ en raison de son activité quantitativement insuffisante ; que les qualifications visées de vol et d’abus de confiance intéressent le transfert de documents par M. X… de l’entreprise vers son adresse e-mail personnelle ; qu’il en résulte que les investigations faites par rapport à la sortie de ces documents en direction de l’adresse e-mail personnelle de ce dernier correspondaient, compte tenu des pièces versées au dossier de l’enquête préliminaire ayant fait l’objet d’un classement sans suite, aux investigations requises au titre de l’instruction ouverte sur ces qualifications ; que M. X… s’est expliqué à diverses reprises sur l’utilité pour sa défense des différents documents transférés et qu’un mémoire détaillé a été versé en son nom à la procédure à ce propos ; que M. Y… a été informé, lors de son audition par les gendarmes le 18 décembre 2009, des termes de la commission rogatoire délivrée le 9 octobre 2008 donnant mission aux enquêteurs de solliciter auprès de la partie civile la communication détaillée de la liste des documents détournés par M. X… faisant grief à la société CSP et de demander à celle-ci de préciser en quoi chaque document pouvait être utilisé par M. X… au préjudice de la société CSP et d’indiquer quelle pouvait être les conséquences précises de cette utilisation sur l’activité de la société ; qu’en exécution de cette mission, il est résulté de l’audition de M. Y… que celui-ci s’en est tenu à remettre aux enquêteurs : « un document complet, contenant la liste des documents détournés par M. X…, faisant grief à la société CSP », ajoutant : « dans ce mémo, il est précisé les conséquences de l’utilisation de ces documents, et le préjudice subi par la société CSP» ; qu’il est effectif qu’une procédure prud’homale a été engagée entre M. X… et la société CSP SA, cette dernière étant de surcroît toujours pendante, et qu’il ne ressort pas des éléments versés au dossier l’établissement que la transmission de documents faite par celui-ci de l’entreprise vers son adresse e-mail personnelle ait eu d’autre finalité que le soutien de sa défense dans son conflit avec son employeur relativement à son éviction ; qu’il ne résulte pas de l’information de charges suffisantes contre M. X… et contre quiconque d’avoir commis les délits de vol et d’abus de confiance qui sont visés au dossier ;

« 1) alors que l’appropriation par un salarié de documents appartenant à son employeur n’est exclusive d’une soustraction frauduleuse que si elle répond exclusivement à la nécessité pour ce salarié d’assurer sa défense dans le cadre d’un litige prud’homal l’opposant à son employeur ; que la chambre de l’instruction qui a relevé que M. X… avait indiqué aux enquêteurs avoir opéré le transfert des documents « afin de pouvoir négocier son départ dans de meilleures conditions », n’a pas légalement justifié sa décision faute de constater que cette appropriation avait pour finalité de permettre à M. X… d’assurer sa défense vis-à-vis de son employeur et qu’elle présentait ainsi un caractère nécessaire ;

« 2) alors que le fait justificatif fondé sur les droits de la défense du salarié suppose un litige prud’homal existant au moment de l’appropriation par le salarié de documents appartenant à son employeur ; qu’en l’état de ces énonciations qui n’établissent aucunement l’existence d’une procédure de licenciement engagée à l’encontre de M. X… au moment du transfert par celui-ci de documents appartenant à son employeur, la société CSP, ni par conséquent l’existence d’un litige prud’homal en cours, la chambre de l’instruction n’a pas caractérisé l’existence du fait justificatif tenant à l’exercice des droits de la défense, privant ainsi sa décision de base légale ;

« 3) alors qu’en refusant de s’assurer comme le lui demandait la partie civile dans son mémoire, de l’absence de transfert des documents appréhendés par M. X… vers d’autres ordinateurs, élément de nature à exclure le fait justificatif fondé sur les droits de la défense, la chambre de l’instruction a, derechef, privé sa décision de base légale » ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 314-1 du code pénal, 211, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base illégale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a prononcé un non-lieu des chefs de vol et d’abus de confiance ;

« aux motifs que M. X… soutient que les documents en cause, détenus par lui au sein de l’entreprise au titre des fonctions qu’il a occupées, ont été transférés sur son ordinateur personnel dans le but de préparer sa défense dans le cadre d’une instance prud’homale et non afin de transmettre ces informations à une entreprise concurrente ; qu’il indique que la nature et la portée des documents qu’il a ainsi transférés étaient motivées par la nécessité pour lui de pouvoir notamment démontrer que la réelle cause de son éviction était la détérioration des résultats de l’entreprise et qu’il n’était pour rien dans cette détérioration ; qu’il est avéré que la lettre de licenciement qui lui a été adressée le 17 mars 2006 fait référence à l’examen de la possibilité de son départ en raison de son activité quantitativement insuffisante ; que les qualifications visées de vol et d’abus de confiance intéressent le transfert de documents par M. X… de l’entreprise vers son adresse e-mail personnelle ; qu’il en résulte que les investigations faites par rapport à la sortie de ces documents en direction de l’adresse e-mail personnelle de ce dernier correspondaient, compte tenu des pièces versées au dossier de l’enquête préliminaire ayant fait l’objet d’un classement sans suite, aux investigations requises au titre de l’instruction ouverte sur ces qualifications ; que M. X… s’est expliqué à diverses reprises sur l’utilité pour sa défense des différents documents transférés et qu’un mémoire détaillé a été versé en son nom à la procédure à ce propos ; que M. Y… a été informé, lors de son audition par les gendarmes le 18 décembre 2009, des termes de la commission rogatoire délivrée le 9 octobre 2008 donnant mission aux enquêteurs de solliciter auprès de la partie civile la communication détaillée de la liste des documents détournés par M. X… faisant grief à la société CSP et de demander à celle-ci de préciser en quoi chaque document pouvait être utilisé par M. X… au préjudice de la société CSP et d’indiquer quelle pouvaient être les conséquences précises de cette utilisation sur l’activité de la société ; qu’en exécution de cette mission, il est résulté de l’audition de M. Y… que celui-ci s’en est tenu à remettre aux enquêteurs : « un document complet, contenant la liste des documents détournés par M. X…, faisant grief à la société CSP », ajoutant : « dans ce mémo, il est précisé les conséquences de l’utilisation de ces documents, et le préjudice subi par la société CSP» ; qu’il est effectif qu’une procédure prud’homale a été engagée entre M. X… et la société CSP SA, cette dernière étant de surcroît toujours pendante, et qu’il ne ressort pas des éléments versés au dossier l’établissement que la transmission de documents faite par celui-ci de l’entreprise vers son adresse e-mail personnelle ait eu d’autre finalité que le soutien de sa défense dans son conflit avec son employeur relativement à son éviction ; qu’il ne résulte pas de l’information charges suffisantes contre M. X… et contre quiconque d’avoir commis les délits de vol et d’abus de confiance qui sont visés au dossier ;