Sanction modifiant le contrat : obligation d’information sur la faculté de refus du salarié
Dans deux arrêts en date du 28 avril 2011, la Cour de Cassation a jugé que:
– Lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail, il doit informer l’intéressé de sa faculté d’accepter ou refuser cette modification (1er arrêt).
Une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne pouvant être imposée au salarié et la rétrogradation lui ayant été notifié avec effet définitif celui-ci est fondé à prendre acte de la rupture.
– Lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de la prescription de deux mois prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail. Le refus du salarié interrompt ce délai (2ème arrêt).
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Soc., 28 avril 2011, n°09-70.619, FS-P+B
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 3 septembre 2009), que Mme X… a été engagée par la société Chabé limousines le 17 septembre 2001 en qualité d’assistante commerciale, statut employé; qu’elle a été promue au poste de responsable de réservation, position assimilée cadre, à compter du 1er mars 2005 ; que par lettre recommandée du 16 novembre 2005, la société Chabé limousines a notifié à la salariée une mesure de rétrogradation au poste d’agent de réservation avec une baisse de rémunération ; que par lettre du 9 décembre 2005, cette dernière a pris acte de la rupture de son contrat de travail puis a saisi la juridiction prud’homale le 23 décembre suivant, aux fins de voir juger que cette prise d’acte avait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que par lettre du 6 mars 2006, l’employeur a avisé Mme X… qu’il transformait la sanction en avertissement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Chabé limousines fait grief à l’arrêt de dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser à Mme X… diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que par lettre du 9 décembre 2005, Mme X… avait écrit à son employeur «par courrier recommandé AR du 16 novembre 2005, vous m’avez notifié, suite à l’entretien préalable du 7 novembre dernier, une mesure de rétrogradation à compter du 1er décembre 2005 au poste d’agent de réservation, me précisant qu’à compter de cette date, mon salaire serait réduit à la somme de 2 270 euros brut par mois représentant le salaire maximum de la catégorie «agent de réservation». Or, en application d’une jurisprudence constante, la rétrogradation/sanction ne peut être imposée au salarié. Elle doit lui être proposée et recueillir son accord express. De manière constante, la chambre sociale de la Cour de cassation, depuis un arrêt de principe du 16 juin 1998, considère qu’une notification directe de rétrogradation sans acceptation préalable de sa part permet au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Tel est le cas en l’espèce. Dans ces conditions, je vous prie de bien vouloir noter que je prends acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et vous informe que je saisis le conseil de prud’hommes» ; qu’en affirmant que Mme X… avait refusé par ce courrier la sanction notifiée par son employeur, quand il ne contenait pas un tel refus, mais une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre en violation du principe susvisé ;
2°/ que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ; qu’en affirmant en l’espèce, que suite au courrier de la salariée du 9 décembre 2009, l’employeur pouvait encore dans le délai de deux mois de la prescription des faits fautifs, prononcer une autre sanction ou renoncer à toute sanction, après avoir elle-même constaté que Mme X… avait pris acte de la rupture de son contrat de travail à réception de la sanction prononcée à son encontre par la société Chabé limousines le 16 novembre 2005, la cour d’appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
3°/ que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne peut produire les effets d’un licenciement lorsque les faits reprochés à l’employeur ne sont pas établis ; qu’en affirmant en l’espèce que malgré le refus de la salariée, la société Chabé limousines avait laissé s’appliquer la rétrogradation et imposé à Mme X… une modification de son contrat de travail, manquant ainsi à ses obligations contractuelles, quand il était constant que, la salariée étant absente pour maladie depuis le 13 novembre 2005 puis en congé maternité, la rétrogradation litigieuse n’avait jamais été mise en oeuvre, l’employeur ayant, avant la fin de son congé, transformé la rétrogradation en avertissement, ce dont il résultait que les faits reprochés par la salariée au soutien de sa prise d’acte n’étaient pas établis, la cour d’appel a derechef violé les articles L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent pas méconnaître les termes du litige tels qu’ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, la salariée n’a jamais contesté la réalité des griefs formulés par son employeur pour justifier la sanction prononcée le 16 novembre 2005, mais se réservait tout au plus la faculté de le faire «en tant que de besoin, ultérieurement» ; qu’en jugeant néanmoins fondée la prise d’acte de la salariée au prétexte que la sanction prononcée contre elle était injustifiée, les juges du fond ont violé l’article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail, il doit informer l’intéressé de sa faculté d’accepter ou refuser cette modification ;
Et attendu, qu’abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu l’objet du litige, après avoir exactement rappelé qu’une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne pouvait être imposée à la salariée, a constaté que la rétrogradation avait été notifiée avec effet définitif et en a déduit que Mme X… avait été fondée à prendre acte de la rupture ;
D’où il suit, que le moyen irrecevable en sa première branche comme contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond, n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Chabé limousines fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à Mme X… des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, que l’assimilation des agents de maîtrise aux cadres au sens de la convention collective nationale du 14 mars 1947 pour les régimes de retraite n’emporte pas attribution du statut de cadre et qu’il convient dès lors, pour ces salariés, de faire application des dispositions conventionnelles applicables aux non cadres, notamment pour l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement ; qu’en affirmant que Mme X… avait le statut de cadre au sens de l’article 36 de la convention collective depuis le 1er mars 2005 pour en déduire qu’il convenait de lui appliquer les indemnités conventionnelles en fonction de ce statut, la cour d’appel a manifestement violé, les dispositions de l’article 36 de l’annexe I de la convention collective nationale du 14 mars 1947 et par refus d’application, les articles 17 et 18 de l’annexe III de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ;
Mais attendu qu’il ne résulte ni des conclusions ni des débats que la société ait soutenu devant les juges du fond que la salariée n’avait pas la qualité de cadre ; que ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit est partant irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;