Rupture conventionnelle : l’employeur doit-il obligatoirement remettre un exemplaire au salarié ?

Dans un arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de cassation rappelle l’obligation pour l’employeur de remettre un exemplaire de la rupture conventionnelle au salarié, le jour de sa signature.

 

L’article L1237-14 du code du travail évoque que :

« A l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande. »

 

La Cour va venir rappeler les deux raisons pour laquelle la remise d’un exemplaire au salarié est obligatoire.

 

Cette remise :

 

  • Permet au salarié de demander l’homologation de la convention (si l’employeur ne l’a pas déjà fait)
  • Permet au salarié de garantir la liberté de son consentement. En effet, le salarié dispose d’un délai de rétractation de 15 jours à compter du lendemain de la signature de la rupture conventionnelle, un exemplaire de ce qu’il a signé est alors nécessaire s’il souhaite étudier en détail la rupture conventionnelle.

 

Un arrêt du 6 février 2013 de la Cour de cassation était déjà allé en ce sens. (Cass. soc. 6-2-2013 n° 11-27.000 FS-PBR ; Cass. soc. 3-7-2019 n° 17-14.232 FS-PB)

 

Ainsi, une rupture conventionnelle encourt la nullité lorsqu’un exemplaire du salarié n’a pas été remis au salarié. En effet, cette absence de remise constitue une violation du consentement du salarié. (Cass. soc., 6 février 2013 n°11-27.000).

 

Il en est de même si la convention est adressée à un proche du salarié et pas à lui directement. (Cass. soc., 7 mars 2018, n° 17-10.963.)

 

De même, l’employeur ne peut conserver l’exemplaire et le remettre au salarié en même temps que son reçu pour solde de tout compte, c’est-à-dire postérieurement à la rupture (Cass. soc., 26 septembre 2018, n°17-19.860.)

 

Pour rappel malgré le respect de cette formalité envers le salarié, il est toujours possible que son consentement à la rupture ait été vicié par erreur, violence ou dol. Ce vice affectera de nullité la rupture conventionnelle au même titre que l’absence de remise d’un exemplaire au salarié.

 

Dans les faits de l’espèce, l’employeur reprochait à la Cour d’appel d’avoir constaté l’absence de preuve quant à la remise du formulaire sans chercher si ce manque avait vicié le consentement du salarié et son droit à la rétractation.

 

La Cour de cassation va rejeter cet argument et  constater l’inexistence de cette preuve quant à la remise du document  dès lors « qu’aucune mention de la remise d’un exemplaire de la convention n’avait été portée sur le formulaire ».

 

 

Ainsi, la remise au salarié de l’exemplaire ne se présume pas.

 

Dans son arrêt de 2020, la cour rappelle que « la charge de la preuve pèse sur la partie qui invoque la remise ».

 

Preuve pouvant, cependant, être rapportée par tout moyen. ( CA Reims, 27 mai 2020, n°19/01078.)

 

Il a notamment été jugé que :

« la mention d’une remise du formulaire Cerfa en deux exemplaires ne peut suffire à prouver cette remise : il convient de s’assurer de la réception effective par les parties d’un original au moment de la signature de la convention de rupture »  Cass. soc., 3 juillet 2019, n°17-14.232.

 

Aussi, mentionner le nombre d’exemplaires remis lors de la signature de la rupture conventionnelle ne saurait établir la preuve de la remise.

 

Ainsi, l’employeur devra rapporter la preuve de cette affirmation.

 

A ce titre, selon la jurisprudence le fait que la DIRECCTE ait homologué une rupture conventionnelle, ce qui fait présumer qu’elle a reçu un document signé par les deux parties, ne suffit pas pour autant à établir que l’employeur a effectivement remis au salarié un exemplaire de la convention. (CA Lyon, 26 juin 2020, n°18/02191.)

 

Il conviendrait alors de conseiller à l’employeur, d’obtenir lors de la signature de la convention de rupture par le salarié, la signature simultanée de la convention et d’un document annexe  afin d’écarter tout risque de contestation ultérieure.

 

 

Cour de cassation arrêt du 23 septembre 2020 (18-25.770)

Réponse de la Cour :

« 5. En premier lieu, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.

  1. En second lieu, en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve
  2. La cour d’appel, qui a constaté qu’aucune mention de la remise d’un exemplaire de la convention n’avait été portée sur le formulaire, et qui a retenu que l’employeur n’apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence de cette remise, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que la convention de rupture était nulle. »