Retrogradation et modification du contrat de travail du salarié

LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

La modification du contrat de travail ne peut être opposée au salarié que s’il l’a acceptée et si cette acceptation ne résulte pas de la seule exécution du contrat aux conditions modifiées (Cass soc. 5 mai 2009, pourvoi n° 08-40397).

Une assistante devenue chef de produit marketing avait été licenciée pour manque de rigueur et de professionnalisme et défaut d’adaptation à l’évolution de ses fonctions. Contestant le bien fondé de son licenciement, elle avait saisi la juridiction prud’homale.

Pour les juges du fond,les fonctions de chef de produit marketing, occupées en dernier lieu par la salariée, constituaient un accroissement de son niveau de responsabilité par rapport à celles d’assistante pour lesquelles elle avait été engagée; les nouvelles tâches confiées réalisaient donc un changement de sa qualification professionnelle.

Dès lors, l’employeur avait procédé à une modification du contrat de travail.

La Cour de cassation confirme cette analyse: la modification du contrat de travail ne peut être opposée au salarié que s’il l’a acceptée et si cette acceptation ne résulte pas de la seule exécution du contrat aux conditions modifiées.

En l’absence d’accord exprès de la salariée, les juges du fond ont exactement décidé que l’employeur, qui lui faisait effectuer des tâches ne relevant pas de la qualification professionnelle pour laquelle elle avait été engagée, ne pouvait lui reprocher les erreurs, à les supposer établies, commises dans son travail.

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Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mardi 5 mai 2009
N° de pourvoi: 08-40397

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2007), que Mme X… a été engagée le 20 juillet 1998 par la société Ernst & Young Audit au droit de laquelle vient le GIE Ernst & Young en qualité d’assistante marketing et knowledge ; qu’elle occupait en dernier lieu le poste de chef de produit marketing ; qu’elle a été licenciée par lettre du 24 décembre 2003 pour manque de rigueur et de professionnalisme et défaut d’adaptation à l’évolution de ses fonctions ; que contestant le bien fondé de son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que le GIE Ernst & Young fait grief à l’arrêt d’avoir dit le licenciement de Mme X… dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l’avoir en conséquence condamné à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il appartient au salarié qui allègue une modification de son contrat de travail par une évolution de ses fonctions de rapporter la preuve que ses nouvelles fonctions ne correspondent pas à sa qualification professionnelle ; qu’en l’espèce, en dispensant Mme X… de rapporter cette preuve et en lui reprochant de ne pas démontrer que les dernières fonctions exercées par Mme X… ne modifiaient pas son niveau de responsabilité et qu’elles correspondaient à sa qualification, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

2°/ qu’en présence d’un salarié qui se prétend victime d’une modification de son contrat de travail par un changement de ses fonctions, il appartient au juge de procéder à l’analyse des éléments de preuve qui lui sont soumis afin de vérifier concrètement si les nouvelles fonctions données au salarié correspondent ou non à sa « qualification » ; qu’en l’espèce, en se bornant à déduire la prétendue modification du contrat de travail de Mme X… d’un simple changement de titre et de coefficient intervenu sur les fiches de paie de Mme X… à compter du 1er janvier 2003, la cour d’appel n’a caractérisé aucune modification du contrat de travail en violation des articles 1134 du code civil, L. 1221-1 (ancien article L. 121-1) du code du travail ;

3°/ que la volonté du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail peut se déduire d’un ensemble d’éléments distincts de la seule poursuite du contrat et notamment des appréciations portées par le salarié lui-même dans le cadre de ses évaluations annuelles; qu’en l’espèce, il résultait du procès-verbal de l’évaluation annuelle de Mme X… pour l’année 2003, que celle-ci avait déclaré : « Je suis contente de mon nouveau poste (…) J’espère continuer dans cette voie » ; qu’en décidant qu’il ne serait pas justifié d’un accord de la salariée concernant ses nouvelles fonctions, sans s’expliquer comme elle y était pourtant invitée sur cette pièce déterminante que la salariée avait elle-même versé aux débats, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1221-1 (ancien article L. 121-1) et L. 1222-1 (ancien article L. 120-4) du code du travail ;

4°/ que s’agissant de reprocher à une salariée son absence de professionnalisme (manque de rigueur, inattentions répétées, défaut d’organisation, fautes d’orthographe, de ponctuation ou de style) détachable de tout rapport direct avec les fonctions exercées, la cour d’appel ne pouvait refuser d’en vérifier le bien fondé au motif que les fonctions de l’intéressée auraient été modifiées, sans méconnaître les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, L. 1232-1 et L. 1235-1 (ancien article L. 122-14-3) du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que les fonctions de chef de produit marketing occupées en dernier lieu par la salariée constituaient un accroissement de son niveau de responsabilité par comparaison à celles d’assistante knowledge pour lesquelles elle avait été engagée, de sorte que les nouvelles tâches qui lui étaient confiées réalisaient un changement de sa qualification professionnelle, a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que l’employeur avait procédé à une modification du contrat de travail de l’intéressée ;

Et attendu qu’après avoir rappelé que la modification du contrat de travail ne peut être opposée au salarié que s’il l’a acceptée et que cette acceptation ne résulte pas de la seule exécution du contrat aux conditions modifiées, la cour d’appel, qui a constaté l’absence d’accord exprès de la salariée, a exactement décidé que l’employeur, qui lui faisait effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification professionnelle pour laquelle elle avait été engagée, ne pouvait lui reprocher les erreurs, à les supposer établies, commises dans son travail ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ernst & Young aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ernst & Young à payer à Mme X… la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour le GIE Ernst & Young.

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit le licenciement de Madame Sabine X… dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’avoir en conséquence condamné le GIE Ernst & Young à lui verser la somme de 21.000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs qu’ « il n’est pas contesté qu’à compter du 1er janvier 2003 Mme X… a occupé le poste de chef de produit marketing, coefficient 385, tels que figurant sur ses bulletins de paie ; qu’il n’est pas démontré que les dernières fonctions qu’elle a ainsi exercées étaient d’un même niveau de responsabilité que celles relatives au poste d’assistante et correspondaient à la même qualification ; qu’il s’ensuit que la décision de l’employeur a transformé les attributions de la salariée, en changeant sa qualification professionnelle, ce qui caractérisait une modification du contrat de travail ; que la preuve d’un accord sur la modification du contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite de l’exécution du contrat de travail et de l’acceptation sans réserve des bulletins de paye par la salariée ; qu’à supposer établie la réalité des griefs reprochés à Mme X…, ceux-ci ne sauraient fonder le licenciement dès lors qu’ils concernent de nouvelles fonctions confiées à l’intéressée sans qu’il soit justifié de l’accord de celle-ci à cet égard ; qu’en conséquence le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’il n’est pas contesté qu’il doit être fait application de l’article L.122-14-4 du Code du Travail compte tenu de l’effectif de l’entreprise au moment du licenciement et de l’ancienneté de la salariée ; que compte tenu des éléments de la cause, il y a lieu de fixer à 21.000 le montant de l’indemnité due à Mme X… en réparation du préjudice qu’elle a subi» ;

1/ Alors que, d’une part, il appartient au salarié qui allègue une modification de son contrat de travail par une évolution de ses fonctions, de rapporter la preuve que ses nouvelles fonctions ne correspondent pas à sa qualification professionnelle ; qu’en l’espèce, en dispensant Madame X… de rapporter cette preuve et en reprochant à l’employeur de ne pas démontrer que les dernières fonctions exercées par Madame X… ne modifiaient pas son niveau de responsabilité et qu’elles correspondaient à sa qualification (arrêt, p.5, al.5), la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code Civil et 9 du Code de Procédure Civile ;

2/ Alors que, d’autre part, en présence d’un salarié qui se prétend victime d’une modification de son contrat de travail par un changement de ses fonctions, il appartient au juge de procéder à l’analyse des éléments de preuve qui lui sont soumis afin de vérifier concrètement si les nouvelles fonctions données au salarié correspondent ou non à sa « qualification » ; qu’en l’espèce, en se bornant à déduire la prétendue modification du contrat de travail de Madame X… d’un simple changement de titre et de coefficient intervenu sur les fiches de paie de Madame X… à compter du 1er janvier 2003, la Cour d’appel n’a caractérisé aucune modification du contrat de travail en violation des articles 1134 du Code Civil, L.1221-1 (anc. L.121-1) du Code du Travail ;

3/ Alors que, de troisième part et subsidiairement, la volonté du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail peut se déduire d’un ensemble d’éléments distincts de la seule poursuite du contrat, et notamment des appréciations portées par le salarié lui-même dans le cadre de ses évaluations annuelles ; qu’en l’espèce, il résultait du procès verbal de l’évaluation annuelle de Madame X… pour l’année 2003, que celle-ci avait déclaré : « je suis contente de mon nouveau poste (…) j’espère continuer dans cette voie » ; qu’en décidant qu’il ne serait pas justifié d’un accord de la salariée concernant ses nouvelles fonctions, sans s’expliquer comme elle y était pourtant invitée (conclusions du GIE Ernst & Young, p.7, al. 7 à dernier) sur cette pièce déterminante que la salariée avait elle-même versé aux débats, la Cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L.1221-1 (anc. L.121-1) et L.1222-1 (anc. L.120-4) du Code du Travail ;

4/ Alors que, de quatrième part et de toute façon, s’agissant de reprocher à une salariée son absence de professionnalisme (manque de rigueur, inattentions répétées, défaut d’organisation, fautes d’orthographe, de ponctuation ou de style) détachable de tout rapport direct avec les fonctions exercées, la Cour d’appel ne pouvait refuser d’en vérifier le bien fondé au motif que les fonctions de l’intéressée auraient été modifiées, sans méconnaître les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile, L.1232-1 et L.1235-1 (anc. L.122-14-3) du Code du Travail.

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LA RETROGRADATION DE SON POSTE

La création d’un niveau intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n’entraîne pas en soi une rétrogradation (Cass soc. 5 mai 2009, pourvoi n° 07-44898).

Dans le cas d’espèce, un responsable commercial de zone, avait été licencié pour insubordination.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, il avait saisi les prud’hommes. Pour les juges du fond, le licenciement avait un motif réel et sérieux. Le salarié estimait, de son côté, que la suppression d’un poste salarié dans le nouvel organigramme de la société, fût-elle temporaire, confirmée par l’annonce claire et sans équivoque de son futur changement de fonctions, constituait la reconnaissance par l’employeur de ce changement de fonctions, emportant modification de son contrat de travail.

Selon la Haute Cour, la création d’un niveau intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n’entraîne pas en soi une rétrogradation.

En l’espèce, le fait que le salarié était appelé à exercer ses fonctions sous la direction d’un nouveau supérieur hiérarchique au niveau régional, compte tenu de la réorganisation de l’entreprise décidée par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de gestion et de direction, ne pouvait constituer une rétrogradation.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience 5 mai 2009
N° de pourvoi: 07-44898

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2007), que M. X…, engagé le 1er mars 1995 en qualité d’attaché commercial par la société Man camions et bus, et exerçant en dernier lieu la fonction de responsable commercial de zone, a été licencié le 3 novembre 2005 pour insubordination ; que contestant le bien-fondé du licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que le licenciement avait un motif réel et sérieux, alors, selon le moyen :

1°/ que la suppression d’un salarié dans le nouvel organigramme de la société, fût-elle temporaire, confirmée par l’annonce claire et sans équivoque de son futur changement de fonctions constitue la reconnaissance par l’employeur de la modification de ses fonctions emportant modification de son contrat de travail ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les lettres des 2 et 3 mai 2005 émanant de la société Man camions et bus adressées à M. X… n’emportaient pas une modification de ses fonctions, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil, et L. 122-4, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail ;

2°/ qu’à cet égard, en s’abstenant de répondre aux conclusions de M. X…, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que lorsqu’il s’accompagne d’une diminution des responsabilités, le changement de supérieur hiérarchique constitue une modification du contrat de travail du salarié, qui ne peut pas lui être imposée dans son accord ; que la modification entreprise s’apprécie au regard des fonctions réellement exercées par le salarié antérieurement et postérieurement au changement de poste ; que, pour décider que l’employeur n’avait pas modifié les fonctions de M. X…, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que l’employeur l’avait positionné sous la responsabilité du directeur régional tout en maintenant son emploi, ses prérogatives et sa rémunération et que le seul fait qu’il ne soit pas directement placé sous l’autorité du directeur national dans le nouvel organigramme ne constituait ni une modification de son contrat de travail, ni, a fortiori, une rétrogradation ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la charge de responsabilités avec M. Y…, nouveau directeur régional devenu son supérieur hiérarchique, n’emportait pas in concreto une diminution des responsabilités et des prérogatives de M. X…, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil, et L. 122-4, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail ;

4°/ que la modification du contrat de travail entreprise par l’employeur nécessite, pour quelque cause que ce soit, l’acceptation expresse du salarié ; qu’il ne peut être déduit de l’absence de protestation du salarié que celui-ci aurait accepté la modification de son contrat de travail ou que la mesure imposée par l’employeur relevait d’un simple changement de ses conditions de travail ; qu’en considérant pourtant qu’il ressortait des éléments du dossier que la mise en oeuvre de la réorganisation de l’entreprise, avec pour conséquence la réduction du nombre de régions et l’augmentation des responsabilités des directeurs régionaux, n’avaient fait l’objet, en son principe, d’aucune critique de la part de M. X…, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et, partant, a violé l’article 1134 du code civil ;

5°/ que M. X… faisait valoir qu’il n’avait jamais cessé de travailler, mais que, dès le début du mois de juillet 2005, il avait constaté que M. Y… occupait les fonctions qui étaient les siennes jusqu’alors, qu’il n’était plus convié aux réunions commerciales et qu’en septembre, à son retour de congés, plus aucune tâche ne lui avait été confiée (v. conclusions, p. 7 § 5 à 12) ; qu’il contestait donc s’être placé dans une attitude attentiste depuis juin 2005, date à laquelle l’employeur avait pris la décision de la maintenir dans ses fonctions ; qu’en considérant que M. X… ne contestait pas sérieusement qu’installé dans sa position de refus des propositions d’emploi faites par la direction, puis de maintien à son poste, il s’était placé dans une attitude attentiste et ne s’investissait plus dans l’exercice de ses fonctions depuis qu’en juin 2005, son employeur avait pris l’initiative de le maintenir dans ses fonctions, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de l’exposant, en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la création d’un niveau intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n’entraîne pas en soi une rétrogradation ;

Et attendu que la cour d’appel, répondant aux conclusions, s’est fondée sur les fonctions effectivement exercées par le salarié, et a constaté que celui-ci conservait ses prérogatives, son secteur et sa rémunération en tant directeur commercial de zone sans qu’il soit dépossédé de ses fonctions, même s’il était appelé à les exercer sous la direction d’un nouveau supérieur hiérarchique au niveau régional compte tenu de la réorganisation de l’entreprise décidée par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de gestion et de direction ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X….

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait dit que Monsieur X… avait été licencié pour un motif réel et sérieux.

AUX MOTIFS QU’aux termes de la lettre du 3 novembre 2005 qui fixe les limites du débat judiciaire, Monsieur X… a été licencié pour une insubordination constituée par son refus de travailler dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place par l’employeur ; qu’il est constant qu’en mai 2005, la Sté MAN CAMIONS ET BUS a décidé de se réorganiser à compter du 1er juillet suivant par le biais d’une refonte des régions auxquelles étaient confiés les services de la vente et de l’après-vente ; que dans le cadre de cette réorganisation, il a été proposé à Monsieur X… d’exercer les fonctions opérationnelles consistant soit dans la responsabilité de l’école de vente véhicules neufs, soit dans la responsabilité régionale des ventes grands comptes ; qu’à la suite du refus opposé à ces deux propositions, l’employeur lui en a formulé une troisième, à savoir le maintien de sa fonction actuelle de directeur commercial de zone sous la responsabilité de directeur régional vente et après vente ouest, ses conditions de rémunération, de statut et de résidence demeurant inchangées ; qu’après avoir refusé cette proposition au motif que son positionnement sous la responsabilité du directeur régional équivaudrait à une rétrogradation dans la mesure où dans le passé il travaillait sous la responsabilité directe du directeur national des ventes, Monsieur X… a été maintenu le 16 juin 2005 dans sa fonction actuelle sur son territoire actuel avec ses prérogatives actuelles et ce sous la responsabilité de Monsieur Y…, directeur régional ouest ; que c’est après avoir réitéré son refus d’occuper ce poste, pour les motifs qu’il avait exprimés à plusieurs reprises que la société MAN CAMIONS ET BUS a décidé de le licencier ; qu’il ressort des éléments du dossier que la mise en oeuvre de la réorganisation de l’entreprise, avec pour conséquence la réduction du nombre des régions et l’augmentation des responsabilités des directeurs régionaux, n’a fait l’objet, en son principe, d’aucune critique de la part du salarié ; que c’est dans le cadre de cette réorganisation, en exécution de son pouvoir de direction, que l’employeur a décidé de le positionner sous la responsabilité du directeur régional tout en maintenant son emploi, ses prérogatives et sa rémunération ; que le seul fait qu’il ne soit pas directement placé sous l’autorité du directeur national dans le nouvel organigramme ne constitue pour Monsieur X… ni la modification de son contrat de travail qu’il allègue ni, à fortiori, la rétrogradation dont il se prévaut ; que, pour démontrer qu’il aurait été dépossédé de ses fonctions au profit de Monsieur Y…, son supérieur, le salarié, qui justifie qu’il bénéficiait d’une délégation de signature en matière de réception des commandes de véhicules, verse au débat des accusés de réception desdites commandes, établis de juillet à septembre 2005, et signés du directeur régional et non de lui ; que de telles pièces ne sauraient justifier l’argumentation qu’il développe dans la mesure où il ne conteste pas sérieusement qu’installé dans sa position de refus des propositions d’emploi faites par la direction, puis de maintien à son poste, il s’est placé dans une attitude attentiste et ne s’investissait plus dans l’exercice de ses fonctions depuis qu’en juin 2005, son employeur avait pris la décision de le maintenir dans ses fonctions ; que le motif de son licenciement est parfaitement caractérisé et qu’il convient en confirmant le jugement déféré de le débouter de toutes ses demandes.

ALORS tout d’abord QUE la suppression d’un salarié dans le nouvel organigramme de la société, fût-elle temporaire, confirmée par l’annonce claire et sans équivoque de son futur changement de fonctions constitue la reconnaissance par l’employeur de la modification de ses fonctions emportant modification de son contrat de travail ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les lettres des 2 et 3 mai 2005 émanant de la société MAN CAMIONS ET BUS adressées à Monsieur X… n’emportaient pas une modification de ses fonctions, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil, et L.122-4, L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail.

QU’à tout le moins à cet égard, en s’abstenant de répondre aux conclusions de Monsieur X…, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile.

ALORS encore QUE lorsqu’il s’accompagne d’une diminution des responsabilités, le changement de supérieur hiérarchique constitue une modification du contrat de travail du salarié, qui ne peut pas lui être imposée dans son accord ; que la modification entreprise s’apprécie au regard des fonctions réellement exercées par le salarié antérieurement et postérieurement au changement de poste ; que, pour décider que l’employeur n’avait pas modifié les fonctions de Monsieur X…, la Cour d’appel s’est bornée à affirmer que l’employeur l’avait positionné sous la responsabilité du directeur régional tout en maintenant son emploi, ses prérogatives et sa rémunération et que le seul fait qu’il ne soit pas directement placé sous l’autorité du directeur national dans le nouvel organigramme ne constituait ni une modification de son contrat de travail, ni, a fortiori, une rétrogradation ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la charge de responsabilités avec Monsieur Y…, nouveau directeur régional devenu son supérieur hiérarchique, n’emportait pas in concreto une diminution des responsabilités et des prérogatives de Monsieur X…, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil, et L.122-4, L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail.

ALORS en outre QUE la modification du contrat de travail entreprise par l’employeur nécessite, pour quelque cause que ce soit, l’acceptation expresse du salarié ; qu’il ne peut être déduit de l’absence de protestation du salarié que celuici aurait accepté la modification de son contrat de travail ou que la mesure imposée par l’employeur relevait d’un simple changement de ses conditions de travail ; qu’en considérant pourtant qu’il ressortait des éléments du dossier que la mise en oeuvre de la réorganisation de l’entreprise, avec pour conséquence la réduction du nombre de régions et l’augmentation des responsabilités des directeurs régionaux, n’avaient fait l’objet, en son principe, d’aucune critique de la part de Monsieur X…, la Cour d’appel a statué par un motif inopérant, et, partant, a violé l’article 1134 du Code civil.

ALORS enfin QUE Monsieur X… faisait valoir qu’il n’avait jamais cessé de travailler, mais que, dès le début du mois de juillet 2005, il avait constaté que Monsieur Y… occupait les fonctions qui étaient les siennes jusqu’alors, qu’il n’était plus convié aux réunions commerciales et qu’en septembre, à son retour de congés, plus aucune tâche ne lui avait été confiée (v. conclusions, p. 7 § 5 à 12) ; qu’il contestait donc s’être placé dans une attitude attentiste depuis juin 2005, date à laquelle l’employeur avait pris la décision de la maintenir dans ses fonctions ; qu’en considérant que Monsieur X… ne contestait pas sérieusement qu’installé dans sa position de refus des propositions d’emploi faites par la direction, puis de maintien à son poste, il s’était placé dans une attitude attentiste et ne s’investissait plus dans l’exercice de ses fonctions depuis qu’en juin 2005, son employeur avait pris l’initiative de le maintenir dans ses fonctions, la Cour d’appel a dénaturé les conclusions de l’exposant, en violation de l’article 4 du nouveau Code de procédure civile.