Requalification d’un contrat à temps partiel en temps plein : quelles règles s’appliquent ?

 

Dans un arrêt du 15 septembre 2021 la Cour de cassation est venue préciser que la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein s’impose dès lors que le salarié travaille au moins 35 heures dans une semaine, peu important que le contrat de travail ait fixé la durée du travail sur une période mensuelle.

 

Cette requalification s’impose à compter du premier dépassement constaté (23 janvier 2019, n° 17-19.393FS-PB). 

 

Pour rappel, en vertu de l’article L 3121-27 du code du travail, la durée légale du travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

 

En deca, le salarié effectue un travail dit à temps partiel. Pour les salariés à temps partiel on ne parle plus d’heures supplémentaires mais d’heures complémentaires.

 

Ces heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peuvent pas avoir pour effet de porter sa durée de travail au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement (C. trav. art. L 3123-9 )

 

Dans un arrêt du 15 septembre 2021, la Cour de cassation précise pour la première fois , ce que recouvre la notion de durée légale du travail pour un salarié à temps partiel dont la durée du travail est fixée mensuellement.

 

Dans les faits, un agent de sécurité est engagé à temps partiel pour une durée de travail de 140 heures par mois, ramenées à 50 heures par mois en novembre 2014.

 

Ayant accompli 36,75 heures de travail au cours de la première semaine du mois de février 2015, il saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir, à compter de ce mois, la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet.

 

La Cour d’appel va rejeter sa demande au titre que, dès lors que la durée du travail du salarié était fixée mensuellement, la réalisation, durant une semaine, d’un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire, alors que l’horaire mensuel demeurait inchangé, ne pouvait pas entraîner la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein.

 

Il revenait à se demander si, lorsque la durée de travail du salarié à temps partiel est fixée mensuellement, le cadre du dépassement prévu par l’article L 3123-9 du Code du travail doit il être apprécié sur le mois ou sur la semaine ?

 

Le débat était sujet à interprétations diverses car même les articles du code du travail se contredisent : les articles L 3121-27 et L 3123-1 prévoient une appréciation de la durée légale du travail sur la semaine alors que l’article L 3123-6 du Code du travail prévoit que le contrat de travail doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue.

 

Censurant la décision des juges du fond, la Cour de cassation juge que la durée légale du travail doit s’apprécier dans un cadre hebdomadaire.

 

Ainsi, le salarié ayant accompli une semaine de 36,75 heures de travail, soit une durée supérieure à la durée légale du travail, la Cour d’appel aurait dû en déduire que le contrat de travail à temps partiel devait, à compter de cette date, être requalifié à temps complet.

 

La Cour de cassation avait déjà posé la règle selon laquelle si les heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel ont pour effet de porter, fût-ce pour une période limitée à un mois, la durée de travail de l’intéressé au-delà de la durée légale, la requalification de son contrat en un contrat à temps plein est justifiée et doit intervenir à compter de la première irrégularité (Cass. soc. 12-3-2014 n° 12-15.014  ; Cass. soc. 16-12-2015 n° 14-16.530; Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-20.627  ; Cass. soc. 27-9-2017 n° 16-13.926 ).

 

 

Cass. Soc., 15 septembre 2021, n° 19-19.563

 

 

«  Vu les articles L. 3121-10 et L. 3123-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Selon le premier de ces textes, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

6. Selon le second, le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat. Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

7. Pour débouter le salarié de ses demandes, l’arrêt retient que, dès lors que la durée de travail était fixée mensuellement, la réalisation, durant une semaine, d’un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire, alors que l’horaire mensuel demeurait inchangé, ne saurait entraîner la requalification de ce contrat à temps partiel en contrat de travail à temps plein. Il ajoute que le rejet de la demande de requalification conduit au rejet de la demande tendant au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé.

 

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié avait accompli 1,75 heure complémentaire au mois de février 2015 et qu’au cours de la première semaine de ce mois, le salarié avait effectué 36,75 heures de travail en sorte que l’accomplissement d’heures complémentaires avait eu pour effet de porter la durée du travail accomplie par le salarié à un niveau supérieur à la durée légale du travail, ce dont elle aurait dû déduire que le contrat de travail à temps partiel devait, à compter de ce dépassement, être requalifié en contrat de travail à temps complet, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

 

Voir aussi https://www.avocat-jalain.fr/requalification-du-contrat-a-temps-partiel-en-temps-plein-quelle-prescription/