Preuve des heues supplementaires: la cour de cassation allège la charge de la preuve pour le salarié

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. (Soc. 24 nov. 2010, n° 09-40.928)

En cas de litige sur la durée du travail, le régime probatoire aménagé en 1992 était assez neutre, puisqu’il ne fait peser la charge de la preuve sur aucune des parties en particulier.

Ce régime de neutralité est repris dans l’article 3171-4 du code du travail « l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » (C. trav., art. L. 3171-4).

Le présent arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser un peu plus l’obligation des parties quant à la charge de la preuve des heures supplémentaires.

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait jugé, d’une part, que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et, d’autre part, que le juge ne pouvait, pour rejeter la demande d’heures complémentaires ou supplémentaires, se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié (Soc. 3 juill. 1996, Bull. civ. V, n° 261 ; JCP 1996).

Il était en outre demandé au salarié qui souhaite faire reconnaître l’existence d’heures de travail de fournir préalablement au juge « des éléments de nature à étayer sa demande » (Soc. 25 févr. 2004, Bull. civ. V, n° 62 ; D. 2004. IR 926).

La Cour semble, à première lecture, alourdir la part de charge de la preuve qui pèse sur le salarié en demandant au salarié d’étayer sa demande « par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ».

Toutefois, une lecture attentive des motifs de l’arrêt permet d’en douter…

Dans cette affaire, la cour d’appel avait considéré qu’un décompte établi au crayon par le salarié, calculé mois par mois, sans autre explication, ni indication complémentaire, n’était pas suffisant pour étayer la demande. Les Hauts magistrats ont censuré cette appréciation, en estimant que le salarié avait par là même produit un décompte des heures qu’il prétendait avoir réalisées et auquel l’employeur pouvait répondre.

Les hauts magistrats ont donc considéré que salarié pouvait donc se contenter d’apporter aux débats un décompte manuscrit établi par ses soins, remetant en cause ici l’adage selon lequel le justiciable ne saurait se constititer une preuve à lui-même et regime probatoire classique.

La solution allège de manière incontestable les éléments probatoires qui doivent être apportés par les salarié tout en l’obligeant désormais à prévoir le décompte des heures de travail à l’avance et selon une certaine fréquence.

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« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… engagée le 2 septembre 1996 par la société Maison familiale Saint-Joseph absorbée par la suite par la société Résidence les Serpolets, en qualité de veilleuse de nuit dans une maison de retraite pour personnes dépendantes, a été licenciée pour faute grave le 12 août 2005 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

Attendu que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, après avoir constaté que le grief selon lequel la salariée, veilleuse de nuit, avait administré à des pensionnaires des médicaments sans prescription médicale, était établi, l’arrêt retient que l’employeur a été informé des faits reprochés à la salariée entre le 16 juin et le 7 juillet 2005 soit à l’intérieur du délai de prescription de deux mois précédant le début de la procédure disciplinaire ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si la procédure de rupture avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en paiement d’heures complémentaires, l’arrêt retient que Mme X… ne produit pas d’éléments de nature à étayer sa demande lorsqu’elle verse aux débats un décompte établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit un décompte des heures qu’elle prétendait avoir réalisées auquel l’employeur pouvait répondre, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit le licenciement justifié par une faute grave et en ce qu’il déboute Mme X… de sa demande en paiement d’heures complémentaires, l’arrêt rendu le 16 janvier 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne la société Résidence Les Serpolets aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Résidence Les Serpolets à payer à Mme X… une somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille dix.