Passe sanitaire en entreprise : les questions qui se posent après l’adoption de la loi

Alors que le projet de loi sur le asse sanitaire entreprise a été en grande partie validé par le Conseil constitutionnel, celle-ci vient d’etre promulguée.

 

Le Conseil a toutefois censuré certaines dispositions prévues pour les employés récalcitrants. Ainsi, les salariés en CDD ou en intérim obligés de présenter un passe sanitaire à leur employeur pour travailler ne pourront pas voir leur contrat être rompu de façon anticipé car , cela aurait entraîné une rupture d’égalité avec les salariés en CDI qui, eux, ne sont menacés que d’une suspension de leur contrat de travail.

 

Si dans le texte seuls les salariés   concernés sont ceux  des établissements recevant du public, l’application de la loi en entreprise ne manquera pas de soulever un certain nombre de difficultés d’interprétation et donc des contentieux en droit du travail.

 

Voici les principales questions et difficultés  que soulèvent la loi, sur la plan juridique uniquement.

 

 

  • Quels travailleurs seront concernés par le passe à la rentrée ?

 

4,5 millions de salariés sont concernés par le passe sanitaire.

 

Dès le 30 août  2021 , le salarié  qui travaille dans un lieu ou établissement recevant du public devra être en mesure de présenter un passe sanitaire valide   : il peut s’agir  une preuve de vaccination complète, un test PCR négatif ou un certificat d’immunité.

 

En l’absence de passe sanitaire et s’il ne peut être mis sur un poste sans contact avec le public, l’employé pourra utiliser ses jours de congés, le temps de se mettre en conformité. Sinon, son contrat sera suspendu, sans rémunération. Il aura alors deux mois pour présenter son passe.

 

Qui contrôlera le passe sanitaire ?

 

C’est à l’employeur , débiteur d’une obligation de sécurité et potentiel responsable en cas de contamination dans l’entreprise à qui il reviendra  de veiller au respect des obligations et ce par  le biais du passe sanitaire valide.

 

En l’absence de contrôle de sa part, l’employeur risque une mise en demeure, une fermeture administrative de sept jours, puis un emprisonnement d’un an et une amende grimpant jusqu’à 9 000 euros en cas de récidive….

 

Autant dire que l’employeur et les services RH en particulier vont avoir de nouvelles préoccupations et cas à gérer dès la rentrée  !

 

 

  • Que risque un salarié sans passe sanitaire ?

 

Si un salarié soumis à l’obligation ne présente pas de passe sanitaire valide, il peut poser des jours de congé ou des RTT avec l’accord de son employeur. Dans le cas contraire, il se verra notifié par ce dernier de la suspension de son contrat de travail, accompagnée de l’interruption du versement de sa rémunération, jusqu’à la production des justificatifs requis.

 

Pour ce faire, la loi prévoit une autorisation d’absence pour les salariés souhaitant se faire vacciner.

 

Si la suspension dure plus de trois jours, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation : outre la prise de congés, le salarié peut être reclassé temporairement sur un poste qui ne soit pas en contact avec le public, ou sur un poste qui peut être exercé en télétravail.

 

Le gouvernement souhaitait introduire un motif spécial de licenciement au bout de deux mois de suspension, mais l’amendement concerné n’a pas été validé par les sénateurs.

 

Si aucune solution n’est trouvée et que le salarié ne se fait pas vacciné , la suspension se poursuit donc en théorie jusqu’à  la fin de la période d’obligation du passe sanitaire soit jusqu’au 15 novembre 2021 … mais nul doute que ce passe pourra etre reconduit comme cela a été le cas pour l’état d’urgence sanitaire.

 

Le recours au télétravail est envisageable  même si pas explicitement cité dans le texte de  loi.

 

Il est   dit qu’on laisse la possibilité à l’employeur  d’aménager l’organisation du travail du salarié concerné.

 

Donc le personnel soignant  des établissements qui accueillent des  malades auront l’obligation  d’être vaccinés, mais on peut imaginer qu’un salarié qui travaille   dans un service administratif  d’un hôpital  demande à passer à  100 % en télétravail, par exemple.

 

A noter à ce titre que les représentants du personnel devront  être consultés en cas de modification importante de l’organisation du travail, des conditions de travail et d’emploi.

 

La loi prévoit, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, une information sans délai du CSE par l’employeur des mesures de contrôle du passe sanitaire.

 

L’avis du CSE pourra intervenir après que l’employeur ait mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication des informations.

 

 

  • Sur la possibilité de licencier un salarié pour “trouble objectif” à l’entreprise ?

 

Le Sénat avait refusé de prévoir qu’on puisse être licencié pour un refus de vaccination.

 

Toutefois une disposition du code du travail prevoit que l’on puisse licencié le salarié dont l’absence prolongée désorganise l’entreprise  

 

Le  licenciement d’un salarié en raison de son état de santé est  interdit car vu alors comme une mesure discriminatoire.

 

Les  juges ont cependant admis depusi longtemps  le fait que l’employeur puisse décider de  licencier un salarié en absence prolongée ou ayant des absences  fréquentes et répétées pour maladie. Mais c’est à la condition que  celles-ci perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et rendent  nécessaire le remplacement définitif du salarié.

 

Dans le le cas de non présentation du  passe sanitaire, l’employeur ne pourrait donc opposer une faute , soit un motif disciplinaire, mais pourrait utiliser cette notion bien connue de la jurisprudence de droit du travail  de “trouble objectif caractérisé” .

 

Si un chef cuisinier  soumis à l’obligation de  presenter un passe sanitaire ne le fait pas  pendant  la periode de suspension du contrat de travail , il pourra donc lui être opposé le trouble, le dysfonctionnement du service  causé par son absence et la nécessité de le remplacer définitivement…. en passant par ce motif de licenciement.

 

Attention toutefois , les juges sont vigilants sur ce type de licenciement et l’employeur devra démontrer que cette absence perturbe réellement  l’activité de l’entreprise et qu’il n’a pu  pallier à cette absence du salarié en CDI en  faisant  appel à des CDD de remplacement.

 

Donc ce motif qui  pourrait être valable pour un chef étoilé dans un grand restaurant ne le sera pas pour un cuisinier lambda à moins pour  l’employeur de rapporter la preuve de la difficulté à le remplacer son  cuisinier par des CDD de remplacement.

 

Les conseils de prud’hommes risquent donc d’être saisis de cas litigieux lorsque l’employeur décidera de licencier apres la suspension de son contrat et une mise en demeure de présenter son passe sanitaire.

 

 

L’employeur pourra-t-il obliger ses salariés à être vaccinés ?

 

Non plus, la loi ne l y  autorise pas. C’est la raison pour laquelle le port du masque reste obligatoire dans le milieu professionnel, de même que les gestes barrières et les protocoles sanitaires déjà en vigueur.

 

 

  • Quid des soignants ?

 

Les salariés ou agents publics du secteur de la santé sont, eux, soumis à l’obligation vaccinale à partir du 15 septembre.

 

A compter de cette date, un test PCR négatif seul ne sera plus suffisant : les soignants qui n’auront pas commencé leur schéma vaccinal pourront être suspendus, et ceux n’ayant reçu qu’une dose devront effectuer des tests.

 

Pour éviter une suspension, la prise de congés et la réaffectation seront également la priorité et compte tenu des difficultés de recrutement dans ce secteur ou la question des démissions engendrés par l’obligation du passe sanitaire  pourrait être  un sujet de préoccupation majeur des employeurs publics et des autorités sanitaires…