Non paiement des heures supplémentaires : la charge de la preuve en faveur du salarié

En cas d’horaires individualisés, la durée du travail doit être décomptée par l’employeur de manière quotidienne et mensuelle.


Ce contrôle peut prendre la forme d’un enregistrement automatique ou d’une simple déclaration manuscrite du salarié . Il permet à l’employeur de vérifier la réalisation des temps de travai, de décompter les jours d’absence, de RTT etc, mais aussi les heures supplémentaires.


Cet impératif devra surtout prémunir l’employeur contre une éventuelle demande de paiement d’heures supplémentaires car dans le cas contraire un salarié peut accumuler des heures supplémentaires à l’insu de l’employeur, sans que celui-ci n’ait formulé ni autorisation ni demande expresse.


Le mode de preuve de ces heures supplémentaires est en effet devenu au fil de la jurisprudnce incontestablement favorable au salarié.


Selon la jurisprudence constante, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés.


Ainsi déjà dans un arrêt récent , la cour de cassation avait considéré qu’un décompte établi au crayon par le salarié, calculé mois par mois, sans autre explication, ni indication complémentaire, était suffisant pour étayer la demande. Les Hauts magistrats estimaient que le salarié avait par là même produit un décompte des heures qu’il prétendait avoir réalisées et auquel l’employeur pouvait répondre. (Soc. 24 nov. 2010, n° 09-40.928)


La solution allégeait de manière importante les éléments probatoires qui doivent être apportés par les salarié tout en obligeant désormais l’employeur à prévoir le décompte des heures de travail à l’avance.


En cas de refus de paiement de ces heures, un salarié peut espérer obtenir une décision judiciaire en fournissant au juge, par exemple, à l’exclusion de tout autre élément, un simple décompte d’heures (dactylographié et non circonstancié) établi par le salarié lui-même, sans qu’il soit besoin qu’il soit contresigné par l’employeur.


C’est le sens d’un nouvel arrêt en date du 15 décembre 2010 aux termes duquel la cour de cassation a jugé que concernant le litige sur le nombre d’heures réalisées, l’employeur doit pouvoir répondre à un document dactylographié non circonstancié sans quoi sa demande est recevable.


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Cass. soc., 15 décembre 2010, n°08-45.242


« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 novembre 2008) que M. X… a été engagé, le 20 octobre 2005, par la société Le Domaine de Valmont, suivant un  » contrat nouvelles embauches « , en qualité de  » responsable maintenance  » ; que son employeur ayant rompu, sans motivation, son contrat par lettre du 14 avril 2006, il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l’employeur :

Attendu que la société le Domaine de Valmont fait grief à l’arrêt de la condamner à payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le principe général de sécurité juridique s’oppose à ce que la constatation, par le juge, de la non-conformité d’une loi interne à l’ordre international permette rétroactivement la remise en cause de relations contractuelles établies, exécutées et définitivement rompues de bonne foi ; qu’en l’espèce, elle a conclu le 20 octobre 2005 avec M. X…, un contrat nouvelles embauches dans les conditions autorisées par l’article 2 de l’ordonnance n° 2005–893 du 2 août 2005 ; que ce contrat a été rompu, dans les conditions également prévues par cette ordonnance, alors en vigueur, le 14 avril 2006 ; que par arrêt du 29 mars 2006, soit postérieurement à la conclusion du contrat considéré, la Cour de cassation a déclaré la Convention OIT n° 158 directement applicable devant les juridictions nationales ; qu’aux termes d’un second arrêt du 1er juillet 2008, postérieur à la rupture, elle a, contredisant la décision du Conseil d’Etat du 19 octobre 2005, déclaré non conforme aux exigences de cette convention l’article 2 de l’ordonnance du 2 août 2005  » en ce qu’il écarte les dispositions générales relatives à la protection préalable de licenciement, à l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, à son énonciation et à son contrôle  » ; qu’en remettant en cause, par application rétroactive de cette jurisprudence, la rupture du contrat nouvelles embauches conclu, exécuté et résilié avant son intervention, la cour d’appel qui a permis la remise en cause rétroactive de relations juridiques établies et résiliées de bonne foi, a violé les principes de sécurité juridique et de confiance légitime et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu d’abord, que les arrêts rendus les 29 mars 2006 et 1er juillet 2008 par la Cour de cassation, chambre sociale, n’ont pas opéré de revirement de jurisprudence ;

Attendu ensuite, que la bonne foi des contractants n’est pas de nature à faire échec à l’application des normes régissant légalement leurs relations ; que selon l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958,  » les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois  » ; qu’en écartant l’article 2 de l’ordonnance du 2 août 2005 instituant le contrat nouvelles embauches comme contraire aux dispositions de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990, la cour d’appel n’a fait qu’appliquer exactement au litige les normes en vigueur et n’a dès lors pas méconnu le principe de sécurité juridique et l’article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde et des libertés fondamentales ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Vu l’article L. 3171-4 du code du travail ;


Attendu qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ;


Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt retient que le document récapitulatif dactylographié non circonstancié produit, alors que des heures supplémentaires figurent sur les bulletins de salaire, n’est pas de nature à étayer la demande ;


Qu’en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit un décompte des heures qu’il prétendait avoir réalisées auquel l’employeur pouvait répondre, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté M. X… de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt rendu le 6 novembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée ; »



Maître JALAIN

Avocat en Droit du Travail

Barreau de Bordeaux