Nature de l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement d’un salarié victime d’un AT

L’indemnité au paiement de laquelle l’employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis nous dit la cour de cassation.

À la suite d’un accident du travail, un salarié avait été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. Il avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes dont le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis. La Cour d’appel de Limoges avait donné gain de cause au salarié sur ce dernier point.

L’arrêt du du 10 mai 2012

La Chambre sociale censure cette position en des termes particulièrement clairs : « l’indemnité prévue à l’article L. 1226-14 du Code du travail, au paiement de laquelle l’employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-5 du Code du travail, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis ».
Le principe est connu : dans le cadre de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, lorsque le licenciement pour inaptitude est justifié par l’impossibilité de reclassement ou le refus par le salarié de l’emploi proposé, le salarié peut prétendre « à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis » ainsi qu’à une indemnité de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement prévue par l’article L. 1234-9 du Code du travail (C. trav., art. L. 1226-14).


La cour de cassation juge ainsi que « le paiement de cette indemnité par l’employeur n’a pas pour effet de reculer la date de la cessation du contrat de travail » (Cass. soc., 15 juin 1999, no 97-15.328). Qui plus est, la référence à l’article L. 1234-5 du Code du travail « pour le calcul du montant de l’indemnité compensatrice exclut des dispositions conventionnelles plus favorables » (Cass. soc., 12 juill. 1999, no 97-43.641). Enfin, le paiement de cette indemnité ne donne pas droit au salarié à l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis (Cass. soc., 4 déc. 2001, no 99-44.677 ; Cass. soc., 12 oct. 2011, no 10-18.904 ; v. également le présent arrêt du 10 mai 2012).


Cass. soc., 10 mai 2012, pourvoi no 10-27.775, arrêt no 1123 F-D

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’engagé le 5 octobre 1989 par la société Froid Maison, aux droits de laquelle est venue la société Equip’Mat, M. X… a été victime d’un accident du travail, le 12 août 2005 ; qu’à compter du 16 avril 2007, il s’est trouvé en arrêt de travail pour maladie, puis a été déclaré par le médecin du travail, les 3 et 17 décembre 2007, inapte à son poste de travail ; que le salarié a été licencié le 10 janvier 2008 au motif de cette inaptitude et du refus de la proposition de reclassement ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, de violation de la loi et de défaut de réponse aux conclusions, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, de l’ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle ;

Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

que la motivation hypothétique ou dubitative équivaut à un défaut de motivation ; qu’en l’espèce, la société Equip’Mat faisait valoir que, comme il ressortait du registre unique du personnel, l’entreprise comptait en décembre 2007 quatre salariés, soit deux monteurs-dépanneurs et deux commerciaux ; qu’un de ces commerciaux ayant démissionné le 5 décembre 2007, l’employeur avait proposé à M. X… le poste de ce dernier ; que M. X… l’avait refusé le 19 décembre 2007 ; que le poste d’attaché commercial pour lequel M. Y… avait été recruté le 21 janvier 2008 était donc le poste refusé par M. X… ; que le conseil de prud’hommes avait ainsi jugé que dès lors que l’entreprise ne comptabilisait que quatre salariés dont deux commerciaux et que l’un d’entre eux avait démissionné en décembre 2007, cela suffisait à démontrer que le poste qui avait été pourvu le 21 janvier 2008 était bien celui qu’avait refusé M. X… ; que la cour d’appel, sans nullement inviter comme elle le pouvait l’employeur à produire le contrat de travail de M. Y… pour constater que les conditions de recrutement étaient similaires, s’est bornée, pour imputer à l’employeur un manquement à son obligation de reclassement, à affirmer qu’il était surprenant que la société Equip’Mat n’ait produit ni le contrat de travail du VRP démissionnaire ni celui de l’attaché commercial engagé finalement sur son poste le 21 janvier 2008 ; qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a statué par un motif dubitatif, et a partant violé l’article 455 du code de procédure civile ;
que la motivation hypothétique ou dubitative équivaut à un défaut de motivation ; qu’en relevant, pour imputer à l’employeur un manquement à son obligation de reclassement, qu’il appartenait à l’employeur de faire une nouvelle proposition à M. X… s’il a modifié les conditions de l’emploi, ce que laisse supposer l’abandon du statut de VRP, la cour d’appel a statué par un motif hypothétique, et a derechef violé l’article 455 du code de procédure civile ;
que l’employeur n’a l’obligation de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé que les postes disponibles dans l’entreprise avant le prononcé de son licenciement ; qu’en l’espèce, en retenant une méconnaissance par l’employeur de son obligation de reclassement, motif pris de ce qu’il devait faire une nouvelle proposition à M. X… s’il avait modifié les conditions d’emploi, sans prendre en considération le fait que l’abandon du statut de VRP était postérieur au licenciement de M. X…, et n’avait dû être mis en œuvre par l’employeur que pour embaucher comme attaché commercial une personne qui était en contrat de professionnalisation, précisément en raison du refus de M. X… du poste en cause, par ailleurs inchangé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 1226-10 et suivants du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant, par des motifs non dubitatifs, ni hypothétiques, constaté que l’employeur ne justifiait pas avoir proposé au salarié un poste disponible au moment du licenciement et pourvu juste après cette rupture, pour des fonctions distinctes de celles proposées à ce salarié, la cour d’appel a, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision ;


Mais sur le deuxième moyen :
Vu l’article L. 1226-14 du code du travail ;
Attendu qu’après avoir admis l’origine professionnelle de l’inaptitude du salarié, la cour d’appel a condamné l’employeur à payer l’indemnité compensatrice prévue à l’article susvisé, majorée de l’indemnité compensatrice de congés payés ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnité prévue à l’article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l’employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-5 du code du travail, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que conformément à l’article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE