Mise à pied conservatoire et licenciement

La mise à pied disciplinaire est une sanction disciplinaire comptant parmi les plus lourdes, puisqu’elle a un impact direct sur la rémunération du salarié sanctionné.

Cette mesure disciplinaire ne peut être décidée par l’employeur qu’à l’issue d’une procédure disciplinaire : convocation du salarié à un entretien préalable, respect du délai de prévenance, entretien, délai de réflexion et notification de la sanction.

Pour pouvoir être appliquée, la mise à pied doit être prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise. Elle ne sera alors licite que si ce règlement en précise la durée maximale et que si elle ne dépasse pas la durée maximale fixée par la convention collective pour les mesures de suspension du contrat de travail.

À défaut, le salarié peut en demander l’annulation, à charge alors à l’employeur de rembourser les salariés non perçus pendant la mise à pied.

La mise à pied conservatoire est en revanche une mesure prise par l’employeur avant de décider d’une éventuelle sanction.

En général, face à une situation de « désordre » dans l’entreprise causée par le salarié, l’employeur décide de le renvoyer chez lui en attendant de mettre en place une procédure de licenciement. Le salarié n’est pas encore sanctionné, à ce stade. Pour décider d’une mise à pied conservatoire, les faits fautifs doivent être suffisamment graves pour que le maintien du salarié dans l’entreprise risque d’entraîner des perturbations dans l’entreprise.

Dans la pratique, la mise à pied conservatoire est décidée le plus souvent lors des faits fautifs, le salarié étant prié de quitter l’entreprise par son supérieur hiérarchique. L’employeur précisera alors dans le courrier de convocation à l’entretien préalable que depuis telle date, le salarié a été placé en mise à pied à titre conservatoire par son supérieur.

Cependant, la mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire ce qui laisse la place par exemple à un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Dans un arrêt du 13 decembre 2011, la cour de cassation a jugé que le prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement décidé ensuite présente un caractère disciplinaire (Cass soc. 13 décembre 2011, pourvoi n° 10-20503).

En l’espece, une salariée avait été convoquée le 29 mai 2006 en vue d’un entretien préalable au licenciement fixé au 8 juin suivant.

Par lettre du 14 juin, la société lui avait fait part de sa décision de la dispenser de toute activité professionnelle avec maintien de sa rémunération et ce, jusqu’à la décision définitive à intervenir après l’entretien. Le salarié avait finalement été licencié le 28 juin.

Pour la Cour de cassation, la dispense d’activité s’analysait en une mise à pied conservatoire et le prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement décidé ultérieurement présente un caractère disciplinaire.

Lorsque la procédure de licenciement n’ a pas été engagée immédiatement mais sept jours après la mise à pied, celle-ci revet alors un caractère disciplinaire (Cass soc. 1 décembre 2011, pourvoi n° 09-72.958).

Dans le cas d’espece, un employeur avait mis à pied à titre conservatoire un salarié le 25 octobre, cessant de le rémunérer à cette date, et n’avait engagé la procédure de licenciement pour faute grave que sept jours plus tard. Pour la Cour de cassation, c’est trop tard. L’employeur aurait dû engager «immédiatement la procédure de licenciement». Ce simple délai de sept jours suffit pour que le juge puisse requalifier la mise à pied de disciplinaire et ôter à l’employeur toute possibilité de licenciement pour les mêmes faits.

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Cour de cassation

chambre sociale

13 décembre 2011



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2010), que Mme X…, engagée le 26 avril 2004 par la société Innothera services au sein de laquelle elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur des affaires réglementaires et pharmaceutiques, a été convoquée le 29 mai 2006 en vue d’un entretien préalable au licenciement fixé au 8 juin suivant ; que, par lettre du 14 juin, la société lui a fait part de sa décision de la dispenser de toute activité professionnelle avec maintien de sa rémunération et ce, jusqu’à la décision définitive à intervenir après l’entretien ; que le licenciement est intervenu le 28 juin 2006 ;


Sur le premier moyen :


Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande d’indemnisation pour préjudice moral, alors, selon le moyen :


1°/ que la mise à pied présente un caractère conservatoire lorsqu’elle est prononcée dans le même temps que la procédure de licenciement est engagée ; que la cour d’appel, qui a constaté, d’une part, que Mme X… avait été convoquée à un entretien préalable à son licenciement par une lettre du 29 mai 2006 et, d’autre part, qu’elle avait été dispensée de toute activité dans l’entreprise par une lettre du 14 juin 2006, ne pouvait énoncer que ce courrier était contemporain du déclenchement de la procédure de licenciement par sa convocation à un entretien préalable pour en déduire le caractère conservatoire de la mise à pied ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1231-1 et L. 1332-3 du code du travail ;


2°/ que le juge doit rechercher si le motif invoqué dans la lettre de licenciement en constitue non seulement une cause sérieuse, mais encore la cause réelle ; que la salariée exposait, dans ses conclusions d’appel, que la cause de son licenciement avait résidé dans la lettre adressée le 27 avril 2006 à l’employeur par M. Y…, délégué du personnel, qui entendait par là exercer son droit d’alerte, dans des conditions d’ailleurs critiquées par la salariée ; que la cour d’appel, en s’abstenant d’effectuer la recherche réclamée et de répondre à l’exposante sur ce point, a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;


3°/ que l’exercice du droit d’alerte, qui suppose une atteinte aux droits des personnes, à leur santé, ou aux libertés individuelles dans l’entreprise, doit conduire l’employeur à procéder sans délai à une enquête et à prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation ; qu’en omettant de rechercher, ainsi que le lui demandait pourtant la salariée, si le délai ayant séparé le courrier adressé par le délégué du personnel à l’employeur, le 27 avril 2006, de la convocation de Mme X… à un entretien préalable, le 8 juin 2006 et du licenciement finalement notifié le 28 juin suivant, après une dispense d’activité intervenue le 14 juin, n’était pas exclusif de tout caractère d’urgence et de nature, en conséquence, à entacher d’irrégularité la procédure d’alerte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2313-2 du code du travail ;


Mais attendu, d’abord, qu’ayant relevé que la lettre de l’employeur du 14 juin 2006 dispensait la salariée d’activité dans l’attente de la décision à intervenir suite à sa convocation préalable à un entretien préalable au licenciement, la cour d’appel a pu en déduire que la dispense d’activité s’analysait en une mise à pied conservatoire ;


Attendu, ensuite, que, répondant aux conclusions, la cour d’appel, qui a constaté que la cause de licenciement énoncée dans la lettre de licenciement était établie, n’avait pas à procéder à la recherche prétendument délaissée ;


D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le second moyen :


Attendu que la salariée fait encore grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de dommages-et-intérêts, alors, selon le moyen, que la mise à pied conservatoire ne peut se justifier que par une faute grave reprochée au salarié, incompatible avec sa présence dans l’entreprise, ce dont il résulte que le recours à une telle mesure en l’absence de faute grave ouvre droit à réparation au profit du salarié qui en a fait l’objet ; que la cour d’appel, qui a débouté Mme X… de sa demande tendant à obtenir réparation de son préjudice moral, sans rechercher si une faute grave lui était imputable et avait justifié sa mise à pied, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-2 et L. 1332-3 du code du travail ;


Mais attendu que le prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire ; qu’il s’ensuit que le moyen manque en fait ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE



REJETTE le pourvoi ;




Cass soc. 1 décembre 2011, pourvoi n° 09-72.958


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 octobre 2009), que M. X…, engagé par la société Transports Y… (la société) en qualité de chauffeur routier à compter du 17 avril 2007, a été licencié pour faute grave, le 29 novembre 2007 ;


Sur le premier moyen :


Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement est abusif et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :


1°/ que dans ses conclusions d’appel, la société Transports Y… faisait valoir que M. X… n’avait pas été mis à pied le 25 octobre 2007, mais que c’était en réalité lui qui avait décidé de son propre chef de ne plus se présenter sur son lieu de travail à compter de cette date ; qu’en jugeant le contraire, au seul motif que la lettre de licenciement contenait la phrase selon laquelle « la période non travaillée du 25 octobre 2007 au 4 décembre 2007 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée », cependant que cette phrase n’établit nullement que la société Transports Y… avait mis à pied M. X… à la date du 25 octobre 2007, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence de cette prétendue mesure de mise à pied, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-2 et L. 1332-3 du code du travail ;


2°/ que la mise à pied prononcée à titre conservatoire ne constitue pas une sanction disciplinaire, dès lors que la procédure de licenciement est ensuite « rapidement engagée » ; qu’en estimant que la prétendue mise à pied prononcée le 25 octobre 2007 avait nécessairement une nature disciplinaire, dès lors que « la SARL Transports Y… n’a pas engagé la procédure de licenciement immédiatement après avoir mis à pied M. Sébastien X… », cependant que l’immédiateté de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ne constitue pas un critère pertinent pour qualifier la mesure de mise à pied, la cour d’appel a violé les articles L. 1332-2 et L. 1332-3 du code du travail ;


Mais attendu qu’ayant relevé qu’il résultait des termes de la lettre de licenciement que le salarié avait cessé d’être rémunéré dès le 25 octobre 2007 et qu’il avait été mis à pied à cette date, la cour d’appel qui a constaté que l’employeur n’avait pas engagé immédiatement la procédure de licenciement mais sept jours plus tard, a pu en déduire que la mise à pied avait un caractère disciplinaire ; que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le second moyen :


Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer des sommes à titre de rappel de salaire et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors, selon le moyen que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; qu’en estimant que les temps de chargement et de déchargement des marchandises devaient être pris en compte au titre du temps de travail effectif, sans constater que M. X… procédait lui-même à ces opérations ou qu’il les surveillait, ou encore qu’il lui était interdit de vaquer librement à ses occupations durant ces opérations, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-1 du code du travail ;


Mais attendu qu’appréciant les éléments fournis par l’une et l’autre des parties, la cour d’appel a estimé, sans encourir le grief du moyen, qu’il était établi que le salarié avait effectué un certain nombre d’heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été réglées ; que le moyen n’est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;