Licenciement justifié par un abus de la liberté d’expression
Dans un arrêt en date du 21 septembre 2011, la cour de cassation a jugé qu’abuse de sa liberté d’expression le salarié qui, dans une lettre adressée à un ancien mandataire social en litige avec le représentant de la société, avait mis en cause la moralité de ce dernier dans des actes relevant de sa vie privée.
Cour de cassation
chambre sociale
21 septembre 2011
N° de pourvoi: 09-72054
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé le 1er février 2002 par la société Château Lapoujade en qualité de gardien et employé de maison, a été licencié le 27 avril 2007 ; Sur le premier moyen : Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que l’exercice de la liberté d’expression ne peut donc constituer une faute qu’à la condition d’avoir dégénéré en abus ; que la cour d’appel, qui s’est bornée à relever que l’employeur était fondé à reprocher au salarié « d’avoir manqué à son obligation de loyauté et de discrétion à l’égard de son représentant légal et d’avoir divulgué auprès d’un ancien mandataire récemment révoqué des informations désobligeantes susceptibles de lui être dommageables », ce dont il ne ressortait pas que M. X… ait injurié l’employeur ni qu’il ait été animé d’une intention malveillante, n’a pas caractérisé l’abus de la liberté d’expression et a violé l’article L. 1121-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant constaté que dans une lettre adressée à un ancien mandataire social en litige avec le représentant de la société, le salarié avait mis en cause la moralité de ce dernier dans des actes relevant de sa vie privée, la cour d’appel a fait ressortir qu’il avait ainsi abusé de sa liberté d’expression ; que le moyen n’est pas fondé ; Mais sur le second moyen, qui est recevable :
Vu l’article R. 3243-1 du code du travail ; Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d’un complément d’indemnité de licenciement, l’arrêt retient que si M. X… a exercé les mêmes fonctions du 1er octobre 1989 au 31 janvier 2001 pour le compte de M. Y…, il n’a pas continué à travailler entre le 31 janvier 2001 et le 1er février 2002, date à laquelle il a été engagé par la société La Poujade, et que son contrat de travail ne contenait aucun engagement de l’employeur de reprendre au titre de l’ancienneté les années de travail effectuées au profit de M. Y… ; Qu’en se déterminant ainsi, alors que la date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire, la cour d’appel, qui n’a pas recherché comme il lui était demandé si des mentions figurant dans les bulletins de paie ne faisaient pas présumer l’ancienneté revendiquée par le salarié, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE