Licenciement abusif et application du barème Macron

 

L’article 1235-1 du code du travail prévoit, qu’en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à :

 

« une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau »

 

Ce tableau encadre le montant minimum et maximum qu’un salarié peut toucher au titre des dommages-intérêts.

 

Il varie en fonction de l’ancienneté du salarié licencié abusivement et du nombre de salariés qu’emploie habituellement l’entreprise.

 

Ce nouvel article L.1235-3 du Code du travail s’applique pour tous les licenciements notifiés dès le 24 septembre 2017.

 

Saisi de la question, le Conseil constitutionnel a reconnu conformes à la Constitution, les dispositions de l’article susvisé, ces dernières ne méconnaissant, selon lui, « pas la garantie des droits ni aucune autre exigence constitutionnelle ». (Décision n° 2018-761 DC, 21 mars 2018).

 

Toutefois, l’application de ce barème reste encore aléatoire auprès des Cour d’appel et des Conseils des prud’hommes.

 

Plusieurs Conseils de Prud’hommes ont écarté l’application du barème fixé par l’article L. 1235-3 du Code du travail.

 

Ainsi :

 

  • Le Conseil de Prud’hommes de Troyes dans une décision du 13 décembre 2018 juge que les dispositions de cet article violent à la fois la Charte Sociale Européenne et la Convention n°158 de l’OIT.   ( CPH de Troyes – Jugement du 13 décembre 2018, RG n°18/00036)

 

  • Le Conseil de Prud’hommes d’Amiens (jugement du 19 décembre 2018) fonde sa décision au regard du seul article 10 de la Convention 158 de l’OIT qui suppose le versement d’une « indemnité adéquate » si le licenciement est injustifié. ( CPH d’Amiens- Jugement du 19 décembre 2018, RG n°18/00040)

 

  • Le Conseil de Prud’hommes de Lyon (jugement du 21 décembre 2018) semble s’appuyer uniquement sur l’article 24 de la Charte Sociale Européenne qui prévoit lui aussi l’octroie d’une « indemnité adéquate ou une réparation appropriée ». (CPH de Lyon- Jugement du 21 décembre 2018 RG n°18/01238)

 

  • Aussi, le Conseil de prud’hommes de Lyon a écarté l’application du barème alors même qu’aucune des parties n’avaient soulevé l’application de cet article. Le Conseil juge à ce titre « la nécessité d’une indemnisation intégrale des préjudices subis par le salarié ». (CPH de Lyon- Jugement du 7 janvier 2019 – RG n°15/01398)

 

Toutefois, les Conseils de prud’hommes qui écartent ce barème n’indemnisent pas de la même manière les salariés victimes.

 

Il est étonnant de voir que sur ces quatre décisions, trois d’entre elles accordent une indemnisation conforme ou proche des planchers et plafonds de l’article L. 1235-3 du Code du travail.

 

Plus récent, la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 16 mars 2021 a elle aussi jugé que le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permettrait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

 

Dans cette affaire, la salariée licenciée était âgée de 53 ans au moment de la rupture et son ancienneté était de moins de 4 ans. Compte tenu de sa rémunération d’environ 4 400 € elle devait obtenir entre 13 000 et 17 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

 

Mais la salariée justifiait que cette somme somme représentait moins de la moitié de sa perte de revenu depuis le licenciement.

 

La Cour a par conséquent écarté l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail.

 

La Cour d’appel de Grenoble a aussi décidé d’écarter le barème macron dans un arrêt du 30 septembre 2021 ( 20/02512)

 

A contrario, certains Conseils de Prud’hommes jugent valable le barème.

 

A ce titre,  le Conseil de Prud’hommes du Mans a jugé que les dispositions de l’article L.1235-3 du Code du Travail n’étaient pas contraires à l’article 10 de la convention OIT n°158.

 

La Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 9 septembre 2021 a elle aussi appliqué le barème sans appréciation.

 

Au regard de ces disparités, il convient désormais d’attendre la décision de la Cour de cassation qui tranchera définitivement l’application ou non de ce barème.