Licencié pour inaptitude, peut-on me priver d’indemnité de licenciement ?

Dans un arrêt rendu le 8 octobre 2014, la Cour de cassation jugeait nulle et discriminatoire une disposition conventionnelle prévoyant le non versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement pour tout salarié licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie ou un accident d’origine non professionnelle.

Etait, en l’espèce, visé, l’article 36 de la convention collective de la mutualité sociale agricole dans sa rédaction du 22 décembre 1999.

En effet, cette disposition créait nécessairement une discrimination injustifiée entre les salariés en situation d’inaptitude d’origine professionnelle et ceux en situation d’inaptitude d’origine non professionnelle.

Une telle discrimination fondée sur l’état de santé du salarié ne peut qu’être jugée nulle en l’absence d’élement objectif et pertinent la justifiant.

En conséquence, ladite disposition ne devait pas être appliquée si bien que la salariée devait bénéficier de l’indemnité conventionnelle de licenciement au même titre que les salariés en situation d’inaptitude consécutive à un accident ou une maladie d’origine professionnelle.


Maître JALAIN – Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux

PLUS D’INFOS : www.avocat-jalain.fr

Contact : contact@avocat-jalain.fr

Adresse : 197 rue des orangers BORDEAUX (33 200)

Cass. soc. 8 octobre 2014, n°13-11789 :

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes,11 décembre 2012), que Mme X…, engagée le 3 juin 1965 par la Fédération des caisses de mutualité sociale agricole du Languedoc, devenue mutualité sociale agricole du Languedoc, a été licenciée le 21 novembre 2005 pour cause d’inaptitude physique médicalement constatée consécutive à une maladie ; qu’elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes en invoquant, en cause d’appel, une discrimination créée par l’article 36 de la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole dans sa rédaction du 22 décembre 1999 alors applicable prévoyant une exclusion de l’indemnité conventionnelle de licenciement en cas d’inaptitude physique consécutive à une maladie ou à un accident de la vie privée ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que la rupture du contrat de travail d’un salarié pour inaptitude s’analyse en un licenciement qui ouvre droit à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable au salarié et si les clauses de la convention collective ne l’excluent pas ; que l’article 36 de la convention collective du personnel de la MSA qui dispose que « 1 – Licenciement : Lorsque le licenciement d’un salarié est prononcé avec indemnité, celle-ci est égale à un demi mois de salaire par année d’ancienneté, pour les six premières années, un mois de salaire par année d’ancienneté, pour les années suivantes. Toutefois, l’indemnité ne pourra, en aucun cas, être supérieure à vingt-quatre mois de salaire. 2 – Licenciement pour inaptitude physique : En cas de rupture du contrat de travail du salarié pour cause d’inaptitude physique médicalement constatée, consécutive à une maladie ou un accident de la vie privée, le versement de l’indemnité de licenciement visée au 1° du présent article est exclu. Seule est due une indemnité égale à l’indemnité légalisée de licenciement prévue à l’article 5 de l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, majorée de 50 % », exclut expressément les salariés licenciés pour inaptitude d’origine non professionnelle du bénéfice de l’indemnité conventionnelle visée à l’article 36 1° ; qu’en allouant à Mme X… qui avait été licenciée pour inaptitude physique d’origine non professionnelle l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l’article 36 1° de la convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole, la cour d’appel a violé l’article 36 1° de ladite convention collective par fausse application et son article 36 2° par refus d’application ;

2°/ que le licenciement valablement prononcé pour inaptitude ne constitue pas un licenciement discriminatoire fondé sur l’état de santé ; que dès lors, n’instaure pas une mesure discriminatoire en raison de l’état de santé la convention collective qui traite différemment les salariés licenciés pour inaptitude et les salariés licenciés pour un autre motif ; qu’en jugeant que l’article 36 de la convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole introduisait une discrimination en raison de l’état de santé dès lors que l’indemnité de licenciement versée aux salariés licenciés pour inaptitude en raison d’une maladie ou d’un accident non professionnel est moindre que celle versée aux salariés licenciés pour une autre cause que l’inaptitude médicalement constatée, la cour d’appel a violé l’article L. 1132-1 du code du travail, ensemble l’article 36 de la convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole ;

Mais attendu qu’en l’absence d’élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de santé du salarié, la disposition d’une convention collective excluant les salariés licenciés pour cause d’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel du bénéfice de l’indemnité de licenciement qu’elle institue ; qu’il en résulte que la cour d’appel a exactement décidé que les dispositions illicites du 2° de l’article 36 de la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole devaient être écartées au profit de celles du 1° de cet article et que la salariée devait percevoir l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la mutualité sociale agricole du Languedoc aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X… ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze. »