Liberté d’expression du salarié : peut-on tout dire sur les réseaux sociaux ?

 

De plus en plus de salariés s’expriment librement sur les réseaux sociaux au sujet de leur entreprise, leurs collègues de travail ou leur supérieur hiérarchique.

Si les propos tenus se rapportent dans l’esprit du salarié à la sphère privée, il peut arriver que des propos excessifs soient considérés comme fautifs par l’employeur.

Mais l’employeur peut-il vraiment sanctionner ces propos lorsque le salarié brandit son droit à la liberté d’expression ?

La réponse sera nuancée.

Les salariés bénéficient, certes, d’un droit à la liberté d’expression applicable quel que soit le support des propos tenus.

La liberté d’expression est un droit fondamental, prévu à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Elle est reprise par le Code du travail prévoit notamment, à l’article L. 2281-3, qui indique « Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement ».

Donc en principe, tant que les propos tenus par le salarié au sujet de l’entreprise sur un réseau social (ex. : Facebook, Twitter, Periscope) demeurent privés, ils ne peuvent pas lui être reprochés, quelle que soit leur teneur.

Mais lorsque les propos du salarié deviennent publics, tout dépendra du paramétrage du compte sur le réseau social.

Si les propos en question sont accessibles aux seules personnes agréées par l’intéressé, en nombre très restreint et formant ainsi une communauté d’intérêts, ces propos n’ont pas de caractère public.

Dans ce cas, l’employeur ne peut pas les lui reprocher comme cela a été jugé dans un arret de la chambre civile du 10 avril 2013.( casation).

Attention également si les propos sont tenus sur un compte « ouvert au public » l’employeur retrouve son droit de réprimer des propos excessifs ou injurieux.

Ainsi, les salariés doivent faire attention à leurs propos, car cette liberté d’expression a une limite : l’abus de cette liberté et la Cour de cassation juge ainsi régulièrement que « sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression » (cf. Cass. soc. 27 mars 2013 n°11-19.734).

Cet abus est constitué lorsque les propos comportent des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Le salarié doit également respecter une obligation de discrétion vis-à-vis des informations confidentielles concernant l’entreprise (cass. soc. 30 juin 1982, BC V n° 425).

En cas d’irrespect de ces obligations, des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement sont possibles (cass. soc. 14 décembre 1999, BC V n° 488).

  • C’est à l’employeur de prouver le caractère public des propos

L’employeur doit démontrer le caractère public des propos en cause.

Si les propos du salarié sont diffusés sur son compte Facebook et ne sont accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressé, l’employeur ne peut pas s’en servir pour prouver la faute.

À l’inverse, si le profil du salarié est public, ses publications peuvent être utilisées contre lui (cass. soc. 20 décembre 2017).

  • Quelle sanction peut prendre l’employeur ?

Lorsque la faute du salarié est avérée, l’employeur peut entamer une procédure disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave dans le respect des règles applicables : agir dans les deux mois de la connaissance de la faute, choisir la sanction en fonction du règlement intérieur, respecter la procédure disciplinaire, etc.

En plus ou indépendamment d’une procédure disciplinaire, l’employeur peut réagir aux propos tenus par un salarié sur les réseaux sociaux en demandant sa condamnation pour injures publiques (amende et dommages-intérêts) (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, art. 29 et 33).

Encore faut-il que les termes employés soient outrageants, méprisants, violents ou injurieux, et que les propos en cause soient publics.

EN SAVOIR PLUS : www.avocat-jalain.fr