L’éxécution d’un préavis est sans incidence sur la prise d’acte de rupture du contrat

Un arrêt du 2 juin 2010 sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail doit retenir l’attention.

En l’espèce, un « directeur commercial prennait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur dès lors qu’il considéré avoir été dépossédé progressivement de ses taches et de ses responsabilités et consistait ainsi la modification du contrat de travail sans son accord.

Le salarié demandait néanmoins à son employeur d’effectuer ses deux mois de préavis ce qui éatiat immédiatement refusé par ce dernier.

Le salarié confirmait sa prise d’acte et cessait son activité un mois plus tard.

Il était alors convoqué à un entretien préalable et est licencié pour faute lourde en suivant.

L’employeur contestait la légitimité de la prise d’acte de la salariée non seulement sur le fond mais aussi en s’appuyant sur la décision du salarié d’effectuer volontairement une partie de son préavis.

Le salarié faisait valoir que l’exécution volontaire du préavis devait être analysée comme une reconnaissance du fait que les manquements que le salarié reprochait à son employeur n’étaient pas d’une gravité suffisante pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

EN DROIT :

Selon la construction jurisprudentielle amorcée en 2003, la prise d’acte de la rupture suppose, de la part de l’employeur, un ou plusieurs manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail .

Dès lors, on pouvait se demander si le fait pour le salarié d’indiquer, dans la lettre par laquelle il prend acte, qu’il effectuera un préavis n’est pas incompatible avec la prise d’acte , car de nature à établir que ses griefs ne sont pas suffisamment graves pour la justifier, à l’instar de la solution applicable au licenciement pour faute grave.

Dans son arrêt du 2 juin 2010, la Cour de cassation tranche cette question en décidant que l’exécution d’un préavis à la demande du salarié est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements reprochés à l’employeur .

Une prise d’acte intervenant dans de telles conditions peut donc parfaitement produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Cass. soc., 2 juin 2010, n°09-40.215

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 20 novembre 2008), que M. X… a été engagé par la société Sermat le 12 octobre 1981 en qualité de « responsable commercial », niveau VI, échelon 1, coefficient 410 ; qu’après avoir été confirmé dans sa fonction de responsable commercial, il a régulièrement progressé dans la classification puis, le 3 mai 1989, a été promu à la fonction de « directeur », classé niveau VII, échelon 2, coefficient 700, sa fiche de mission lui conférant la qualité de « directeur commercial-responsable de l’exploitation » ; qu’estimant avoir été progressivement dépouillé de ses fonctions et responsabilités, M. X… a, par lettre recommandée du 27 février 2006, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur, offrant d’effectuer deux mois de préavis ; qu’après un courrier du 9 mars 2006 par lequel l’employeur lui ordonnait de « cesser toute activité commerciale et tout contact avec la clientèle » et exigeait de lui le respect d’un préavis de trois mois, M. X… a confirmé sa prise d’acte intervenue le 27 février 2006 ainsi que son départ définitif pour le 30 avril 2006, date à partir de laquelle il ne s’est plus présenté sur le lieu de travail ; que par courrier du 4 mai 2006, il a été convoqué à un entretien préalable qui a abouti à la notification, le 2 juin 2006, de son licenciement pour faute lourde ; qu’il a saisi, dès le 12 mai 2006, la juridiction prud’homale de diverses demandes tendant à faire produire à sa prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sermat fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamnée à payer diverses sommes à ce titre à M. X…, alors, selon le moyen :

1°/ que seuls les faits rendant impossible la poursuite des relations contractuelles justifie que le salarié prenne acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ; que tel n’est pas le cas, lorsque le salarié poursuit volontairement l’exécution de son contrat de travail postérieurement à sa prise d’acte de la rupture ; qu’en retenant que les faits invoqués par M. X… étaient d’une gravité suffisante pour que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse tout en constatant que le salarié avait volontairement continué à exécuter son contrat de travail au-delà de la date de sa prise d’acte, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-14-3 devenus L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ que la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il exécutait antérieurement dès l’instant où elle correspond à sa qualification ne caractérise pas une modification de son contrat de travail ; qu’en se bornant à retenir que les différentes tâches confiées à M. X… constituaient autant de modifications de son contrat de travail unilatéralement imposées par l’employeur sans rechercher si ces tâches correspondaient à sa qualification, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 122-4 et L. 122-14-3 devenus L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ que le retrait de certaines attributions dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise ne constitue pas une modification du contrat de travail dès lors qu’il n’est porté atteinte ni aux fonctions essentielles, ni au niveau hiérarchique, ni à la rémunération du salarié ; qu’en se bornant à déduire du seul fait que certaines des attributions confiées à M. X… aient été confiées à d’autres salariés une modification de son contrat de travail sans constater que la nature de ses fonctions, son pouvoir de direction et sa rémunération avaient été modifiés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 122-4 et L. 122-14-3 devenus L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

4°/ qu’en retenant qu’il résultait de la lettre de mission du 25 janvier 2006 que le chef d’entreprise avait, de fait, assigné unilatéralement à M. X… une fonction de commercial sur le terrain quand cette lettre ne constituait nullement une lettre de mission mais la notification d’un avertissement qui indiquait que « si de tels incidents devaient se reproduire, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave », la cour d’appel a dénaturé ce courrier en violation de l’article 1134 du code civil ;

5°/ que l’arrêt attaqué a retenu, par motifs éventuellement adoptés, qu’à la réception d’une lettre de M. X… datée du 4 septembre 2005 dans laquelle il aurait indiqué refusé d’exercer une fonction de commercial de terrain, la société Sermat n’avait ni renoncé à la modification envisagée, ni engagé une procédure de licenciement ; qu’en se déterminant ainsi sans rechercher d’une part, si l’employeur avait formulé une telle proposition et d’autre part, si le salarié avait effectivement exercé cette fonction à compter de 2005, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 122-4 et L. 122-14-3 devenus L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, que si la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis, la circonstance que l’intéressé a spontanément accompli ou offert d’accomplir celui-ci est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que depuis 2001, M. X… avait été successivement dessaisi de ses attributions de directeur commercial, de directeur du développement, de responsable de l’exploitation puis, après un retour dans des fonctions de directeur commercial, qu’il s’était vu à nouveau retirer cette responsabilité au profit d’un nouveau recrutement ; qu’elle en a exactement déduit qu’il s’agissait de modifications du contrat de travail lesquelles, intervenues sans l’accord exprès du salarié, devaient faire produire à sa prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Sermat fait grief à l’arrêt d’avoir alloué à M. X… une certaine somme à titre d’indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen, que la société Sermat faisait valoir dans ses conclusions d’appel que M. X… n’avait droit à aucune indemnité compensatrice de préavis dans la mesure où l’inexécution d’une partie du préavis lui était exclusivement imputable, le salarié ayant toujours refusé d’exécuter le troisième mois de préavis auquel il était contractuellement tenu ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant décidé que la prise d’acte du salarié, fondée sur la modification unilatérale de son contrat de travail, produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel, qui a condamné l’employeur à verser au salarié une indemnité compensatrice correspondant au solde du préavis non exécuté, n’encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Me JALAIN

Avocat au Barreau de Bordeaux

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