Levée tardive de la clause de non concurrence : il faudra payer !

La clause de non concurrence se définit comme celle qui, après la rupture de la relation de travail et sous certaines limitations, va interdire au salarié d’exercer une activité préjudiciable aux intérêts de l’entreprise et notamment une activité salariée dans une entreprise concurrente.

Dans la mesure où ce type de clause contractuelle est mise en place dans l’intérêt de l’entreprise, l’employeur peut renoncer à la clause de non concurrence de manière expresse, mais dans un délai maximal souvent prévue par la convention collective applicable.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 septembre 2005 (pourvoi n°02-46.795), précisait les conséquences de la renonciation tardive de l’employeur à la clause de non concurrence qui viennet d’être encore alourdies par un un dernier arrêt du 12 avril 2012.

Ainsi, la Cour de cassation décidait jusqu’alors que la renonciation tardive de l’employeur à la clause de non concurrence, la rendait inopérante et qu’on ne pouvait reprocher au salarié d’avoir accepté un emploi chez un concurrent de son ancien employeur. L’employeur devait verser au salarié la contrepartie pécuniaire due au salarié mais, à la différence de la Cour d’appel qui avait accordé l’intégralité de l’indemnité, elle précisait que l’employeur n’y etait tenu que pour la période pendant laquelle le salarié avait respecté son obligation de non concurrence.

Or, la cour de cassation opère un revirement de sa jurisprudence avec cet arrêt du 12 avril 2012 puisqu’elle decide que lorsque l’employeur lève la clause après le délai prévu pour le faire, cette renonciation doit être considérée comme tardive, de sorte que la contrepartie financière est due pour toute sa durée si elle est respectée par le salarié.

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Soc. 12 avril 2012 n° 12-27075

 » LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a signé, le 26 août 2005, avec la société Agence 2000- La Valentinoise (l’agence) un contrat d’agent commercial ; que, suivant contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2008, il a été engagé par cette même agence en qualité de représentant négociateur exclusif échelon 1, pour une durée de 35 heures hebdomadaires ; qu’il a été licencié, par lettre du 30 décembre 2008, pour motif économique ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2009, l’agence lui a notifié la levée de la clause de non-concurrence figurant à son contrat ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l’agence :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de M. X… :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de requalification du contrat d’agent commercial mandataire en contrat de travail, quelle qu’en soit la qualification, négociateur ou VRP, et de le débouter de ses demandes de rappels de congés payés, solde de préavis et les congés payés afférents, ainsi que de remise des documents sociaux, alors, selon le moyen :

1°/ qu’aux termes de l’article L. 134-1 du code de commerce, l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux ; que le juge étant tenu de restituer aux faits et actes invoqués par les parties leur exacte qualification, l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée ; qu’en qualifiant le contrat signé le 26 août 2005 de contrat d’agent commercial aux motifs d’une part que, dans le cas présent, il est constant que M. X… a signé le 26 août 2005 un contrat d’agent commercial mandataire et d’autre part qu’il est bien expressément mentionné à l’article 2 de ce contrat : « les parties conviennent expressément en conséquence d’appliquer conventionnellement les dispositions de ce texte en organisant librement leur relation contractuelle », la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article 12 du code de procédure civile ;

2°/ qu’aux termes de l’article L. 134-1 du code de commerce, l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux ; que le juge étant tenu de restituer aux faits et actes invoqués par les parties leur exacte qualification, l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée ; qu’en se bornant, pour retenir sa qualité d’agent commercial mandataire, à retenir le fait que M. X… était rémunéré sous forme de commissions, qu’il était immatriculé au registre spécial des agents commerciaux, qu’il a demandé son inscription à la Chambre nationale syndicale des intermédiaires et mandataires, qu’il était affilié à l’URSSAF en qualité de travailleur indépendant, qu’il a enfin procédé au dépôt de déclarations fiscales et de TVA en qualité d’agent commercial, sans s’attacher aux conditions de son exercice professionnel, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 134-1 du code de commerce ;

3°/ que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; qu’en se bornant à relever que M. X… n’apporte pas d’éléments probants permettant d’établir de façon incontestable que la direction de l’entreprise exerçait un contrôle étroit de son activité et qu’il devait rendre des comptes-rendus périodiques de celle-ci alors que le salarié apportait de tels éléments concernant l’obligation qui pesait sur lui d’être présent à des réunions, d’assurer des permanences à l’agence et de respecter les consignes indiquées par l’agence pour chaque affaire, tous éléments de nature à caractériser l’existence de directives de la part de l’agence immobilière et d’un contrôle du respect de ces directives, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en refusant de requalifier en contrat de travail le contrat d’agent commercial de M. X… sans examiner le moyen avancé par ce dernier selon lequel il était intégré à un service organisé, et sans examiner tous les éléments qu’il avançait pour établir l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’appréciant souverainement la portée des éléments de preuve et répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d’appel, qui a constaté que M. X… exerçait son activité en toute indépendance et n’établissait pas qu’il était dans un lien de subordination à l’égard de la société, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’application du statut de VRP, et de le débouter de ses demandes de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, rappels de congés payés et indemnité de clientèle ainsi que de remise des documents sociaux, alors, selon le moyen :

1°/ que la mention au contrat de travail d’une durée hebdomadaire de travail n’est pas exclusive de la qualification de VRP ; qu’en lui refusant le statut de VRP aux motifs que le négociateur, statut VRP, n’est pas soumis à l’application des règles légales sur la durée du travail, son activité n’étant pas en effet quantifiable en terme de durée, et que M. X… expressément embauché pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures ne saurait donc bénéficier du statut de VRP, la cour d’appel a violé l’article L. 7311-3 du code du travail ;

2°/ que le constat de l’existence d’un secteur de prospection géographique suffit à qualifier le salarié de VRP, alors même que le contrat prévoit la faculté, pour l’employeur, de modifier l’affectation du salarié ; qu’en se bornant à constater que le contrat stipule que M. X… est affecté dans les points de vente de la société sans rechercher, comme elle y était invitée si le salarié ne prospectait pas dans un secteur déterminé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7311-3 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que le contrat de négociateur immobilier ne mentionnait pas une zone fixe de prospection avec un contour défini et que le salarié était affecté dans les points de vente de la société suivant les instructions de la direction, d’autre part, que, alors que le négociateur immobilier VRP ne relève pas de la réglementation de la durée du travail, l’intéressé avait été embauché pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures, la cour d’appel a pu en déduire que l’intéressé ne pouvait prétendre au statut de VRP ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ensemble l’article 9 de l’avenant n° 31 du 15 juin 2006 relatif au nouveau statut du négociateur immobilier annexé à la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988 ;

Attendu qu’il résulte du second de ces textes que, lorsque le contrat de travail du négociateur immobilier contient une clause de non-concurrence, en contrepartie de cette clause le négociateur percevra, chaque mois, à compter de la cessation effective de son activité, et pendant toute la durée de l’interdiction, dans la mesure où celle-ci est respectée, une indemnité spéciale forfaitaire égale à 15 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par lui au cours des trois derniers mois d’activité passés dans l’entreprise, étant entendu que les primes exceptionnelles de toute nature, de même que les frais professionnels en sont exclus ; que l’employeur peut néanmoins, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la rupture du contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception renoncer à l’application de la clause, en portant sa décision par écrit à la connaissance du salarié ;

Attendu que pour condamner l’agence à payer au salarié la somme de 532,10 euros correspondant à la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des trois derniers mois d’activité, à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, la cour d’appel retient, par motifs propres et adoptés, que la date de cessation d’activité prévue par le contrat de travail constitue le point de départ de cette clause, et que la date de la rupture est le 30 janvier 2009 et la date de la levée de la clause de non-concurrence le 3 mars 2009 ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le contrat avait été rompu, le 30 décembre 2008, ce dont il résultait que la renonciation de l’employeur à l’application de la clause était tardive et que la contrepartie financière était due pour toute sa durée si elle avait été respectée par le salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE