Le salarié inapte peut-il être interrogé sur ses vœux de reclassement ?

Il est de jurisprudence constante que le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse si l’employeur ne prouve pas qu’il a satisfait à son obligation de recherche de reclassement dans le périmètre défini par les préconisations du médecin du travail.

La question posée de longue date était de savoir si l’employeur pouvait orienter ses recherches en fonctions des souhaits sollicités auprès du salarié.

Dans un premier temps la cour de cassation lui imposait de proposer au salarié tous les emplois susceptibles de convenir pour un reclassement, y compris ceux pour lesquels l’intéressé avait fait savoir qu’il ne donnerait pas suite ( cf Cass. soc. 10-3-2004 n° 03-42.744 FS-PB ).

Puis, vrai assouplisssment de la jurisprudence en 2017 puisque desormais il est jugé que l’employeur est en droit de tenir compte de la volonté du salarié sur son reclassement, en particulier au niveau de la zone geographique de reclasssement (Cass. soc. 11-5-2017 n° 15-23.339 F-D).

Ce nouvel arret du 22 mars 2018 réaffirme ce principe mais attention il rappelle que dès lors qu’il a sollicité l’avis du salarié sur son reclassement, l’employeur doit en tenir compte.

Dans cettet affaire, l’employeur avait soumis un questionnaire de reclassement à sa salariée qui avait don emis des souhaits precis.

La salariée ne souhaitait pas de modification de la durée de son travail ou de sa rémunération, ni de mobilité géographique, ni de poste qualification inférieure, ni d’aucun emploi au sein de l’une des filiales du groupe.

L’employeur avait alors conclu à l’impossibilité de reclassement et prononcé un licenciement, sans pousser ses recherches.

Devant la Cour d’appel puis la cour de cassation, il soutenait que le refus par la salariée de toute mobilité rendait impossible un reclasssment en l’etat de l’avis du médecin du travail qui excluait son maintien dans l’etablissemen du magasin de Salon-de-Provence et ce alors que la salariée avait fait état de son impossibilité à poursuivre toute collaboration avec l’enseigne de distribution compte tenu de pressions morales.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : l’employeur ne prouvait pas avoir rechercher un poste de reclassement dans le périmètre défini, d’une part, par les préconisations du médecin du travail et, d’autre part, par les souhaits émis par le salarié dans le questionnaire qui lui avait été remis.

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Cass. soc., 22 mars 2018, n° 16-24.482.
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juillet 2016), que Mme X…, a été engagée le 5 mai 1997 par la société Continent, devenue CSF France, en qualité de responsable de service administratif ; qu’ayant été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l’issue de deux examens des 4 et 19 février 2013, elle a été licenciée, le 30 juillet suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que l’employeur peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte dans ses recherches de reclassement ; qu’en l’espèce, il résulte de l’arrêt que dans le second avis d’inaptitude, le médecin du travail a indiqué que « suite à l’étude de poste et enquête sur solutions potentielles de reclassement effectuées le 11/02/2013 avec le DRH-Salon, il convient d’envisager un transfert-reclassement de Mme X… sur une autre entité du groupe Carrefour, en dehors de l’établissement SAS CSF de Salon-de-Provence » ;

que la cour d’appel a également constaté que l’employeur avait proposé à la salariée, le 7 juin 2013, cinq postes de reclassement tant au sein de la société CSF qu’à l’intérieur d’autres entreprises du groupe Carrefour, que la salariée avait refusé ces propositions de poste en l’état de leur éloignement géographique, que l’employeur lui avait alors demandé, le 26 juin 2013, de lui faire connaître ses souhaits concernant les éventuels postes de reclassement, que le 4 juillet 2013, la salariée avait rempli le questionnaire que lui avait remis son employeur en indiquant ne pas vouloir de modification de la durée de son travail ou de sa rémunération, ni de mobilité géographique, ni de poste qualification inférieures, ni aucun emploi au sein de Carrefour Market ; que dans le jugement dont l’employeur s’était approprié les motifs en demandant sa confirmation, le conseil de prud’hommes a plus précisément relevé que Mme X… avait indiqué dans ce questionnaire qu’« à l’examen des faits antérieurs ; le peu de soin que Carrefour Market a pris à considérer mes diverses sollicitations, le silence et la détresse morale dans lesquels vous m’avez laissée, vous comprendrez que je ne souhaite pas poursuivre ma collaboration avec Carrefour Market » ;
que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que faute de produire les registres d’entrées et de sorties du personnel, l’employeur ne rapportait pas la preuve qu’il a satisfait à son obligation de recherche de reclassement ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher si le refus par la salariée de toute mobilité ne rendait pas impossible son reclassement en l’état de l’avis du médecin du travail excluant son maintien dans l’établissement de Salon-de-Provence et si la salariée n’avait pas, par ce refus ainsi que par celui de toute collaboration avec Carrefour Market, manifesté la volonté de ne pas être reclassée dans l’entreprise et le groupe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1226-2 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant fait ressortir que l’employeur ne prouvait pas qu’il avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement dans le périmètre défini par les préconisations du médecin du travail et les souhaits émis par la salariée dans le questionnaire qui lui avait été remis, la cour d’appel a, sans être tenue de procéder à une autre recherche, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;