Le licenciement d’un salarié absent pour maladie, est-il discriminatoire et atteint de nullité ?

Pour rappel, l’article L.1132-1 du Code du travail interdit toute mesure prise en raison de l’état de santé ou du handicap du salarié. Celui-ci ne peut donc être licencié pour cette raison, sauf dans deux cas.
Tout d’abord lorsque le licenciement résulte d’une inaptitude médicalement constatée (article L.1133-3 du Code du travail). Ensuite, lorsque les absences du salarié perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et que, de ce fait, l’employeur doit procéder à son remplacement définitif, ce que le juge doit vérifier .

Dans un arret cour de cassation du 27 janvier 2016, il est jugé que les absences prolongées ou répétées d’un salarié pour cause de maladie si elles peuvent perturber le fonctionnement de l’entreprise justifient le licenciement du salarié. à conditions que ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif.

Si ces deux conditions ne sont pas remplies, le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse sans pouvoir faire présumer l’existence d’une discrimination à raison de l’état de santé du salarié.

Dans ce dossier, une salariée, responsable administrative, affectée à une station-service autoroutière, a été licenciée à la suite de plusieurs arrêts de travail, au motif que son absence provoquait un dysfonctionnement majeur au sein de l’entreprise.
La salariée avait décidé de contester son licenciement, qu’elle estimait discriminatoire et don nul car fondé sur son état de santé puisqu’en réalité, la société n’a pas procédé à son remplacement.
Déboutée de ses demandes en appel, les juges du fond ayant simplement décidé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, tout en écartant la discrimination (et donc la nullité).
La salariée a formé un pourvoi contre cette décision pour faire reconnaître le caractère discriminatoire de son licenciement.
La Hcour de cassation rejette le pourvoi au motif que la cour d’appel, qui a constaté que l’employeur n’avait pas procédé au remplacement, « en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse » et a bien « procédé à la recherche prétendument omise en relevant l’absence d’un élément de nature à laisser présumer l’existence d’une discrimination. »
Autrement dit, l’absence de remplacement ne suffit pas à caractériser un licenciement discriminatoire car prononcé en raison de l’état de santé.
Dès lors le licenciement sera jugé sans cause reelle et serieuse.

A ce titre, de nombreuses conventions collectives prévoient que le licenciement du salarié du fait de son absence pour maladie est impossible avant un certain délai. Il s’agit de périodes de garantie d’emploi.

En présence d’une telle clause, l’employeur doit vérifier avant d’entamer la procédure de licenciement que les conditions posées par ladite convention sont bien remplies.

La clause de garantie d’emploi s’applique en cas de maladie prolongée et d’absences répétées pour maladie, sauf disposition expresse contraire.

Ainsi, c’est donc à tort qu’une cour d’appel refuse de faire profiter une salariée souvent absente de la clause de garantie d’emploi (Cass. soc., 20 nov. 1991, nº 90-41.699 ; Cass. soc., 18 nov. 1997, nº 95-43.395 ; Cass. soc., 12 déc. 2000, nº 98-46.376).

De la même manière est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’une salariée alors que son absence était de moins de 6 mois consécutifs, et que la convention collective applicable prévoyait une garantie d’emploi de 6 mois (Cass. soc., 11 oct. 2000, nº 98-42.316).

A la fin de la période de protection conventionnelle, l’employeur retrouve la possibilité de licencier le salarié absent pour maladie s’il invoque une cause réelle et sérieuse à l’appui de son projet (Cass. soc., 21 sept. 2005, no 04-45.552)
Toutefois, la fin de la période de protection n’est pas en elle-même un motif qui permet de légitimer le licenciement puisque l’employeur devra justifier d’une perturbation du bon fonctionnement de l’entreprise et de la nécessité de procéder au remplacement du salarié (Cass. soc., 7 mai 2002, no 99-42.657
Il est toutefois exclu que le remplacement définitif se réalise durant la période de garantie car le licenciement, même prononcé à l’issue de cette période, serait déclaré sans cause réelle et sérieuse.
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Arrêt n° 218 du 27 janvier 2016 (14-10.084) – Cour de cassation – Chambre sociale


Demandeur(s) : Mme Béatrice X…

Défendeur(s) : la société Dyneff, et autres


Dit n’y avoir lieu d’écarter les observations du défenseur des droits ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 6 novembre 2013), que Mme X… a été engagée par la société Dyneff (la société), en qualité de responsable administrative, agent de maîtrise, et affectée à la station service autoroutière des Herbiers (Vendée) puis promue adjointe au responsable de cette station ; qu’à la suite de plusieurs arrêts de travail, elle a été licenciée le 17 mai 2010 au motif que son absence provoquait un dysfonctionnement majeur au sein de l’entreprise, contrainte de recruter un salarié sous contrat de travail à durée indéterminée pour pourvoir à son remplacement définitif ;
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir constater la nullité de son licenciement, ordonner sa réintégration, condamner la société au paiement des salaires jusqu’à sa réintégration effective et subsidiairement au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen :
1°/ qu’est nul le licenciement prononcé en raison de l’état de santé du salarié ; que si l’article L. 1132-1 du code du travail ne s’oppose pas au licenciement motivé, non pas par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif ; que dans le cas contraire, l’état de santé du salarié ne justifie pas le licenciement, qui, fondé sur le seul état de santé, est entaché de nullité ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que l’employeur n’établissait ni la perturbation alléguée ni la nécessité de remplacer définitivement la salariée dont le retour était au demeurant imminent et connu de l’employeur, ce dont il se déduisait que le licenciement n’avait d’autre cause que l’état de santé de la salariée ; qu’en déboutant néanmoins la salariée de sa demande tendant à voir constater la nullité de son licenciement et de ses demandes consécutives, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article L. 1132-1 du code du travail ;
2°/ qu’en l’état d’un licenciement fondé sur l’état de santé du salarié, il appartient au juge de rechercher si ce licenciement est justifié par une cause objective, indépendante de la prise en considération de l’état de santé du salarié ; qu’en se contentant d’affirmer abstraitement que l’absence de cause réelle et sérieuse ne peut laisser à elle seule supposer l’existence d’une discrimination et automatiquement être assimilée à une discrimination fondée sur son état de santé entraînant la nullité du licenciement, et ce au regard des règles de preuve spécifiques en la matière prévues par l’article L. 1134-1 du code du travail sans rechercher quelle était la cause du licenciement et s’il était justifié par une cause objective, indépendante de l’état de santé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions ;
Mais attendu que la cour d’appel qui, ayant constaté que l’employeur n’avait pas procédé au remplacement définitif de Mme Raud, en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a procédé à la recherche prétendument omise en relevant l’absence d’un élément de nature à laisser présumer l’existence d’une discrimination ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;