Le juge prud’homal n’est pas lié aux décisions de la sécurité sociale quant à la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie.

Selon une jurisprudence constante de la chambre sociale, les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie professionnelle et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

 

Cass.soc 9 mai 1995 (n°91-44.918) Cass.soc 10 juillet 2002 (n° 00-40436) Cass.soc 23 septembre 2009 (n°08-41685) Cass.soc 29 juin 2011 (n° 10-11699) Cass.soc 12 octobre 2011 (n°10-24025)

 

 

Il en ressort donc que deux conditions sont nécessaires :

 

  • un lien causal au moins partiel entre l’accident ou la maladie d’origine professionnelle et l’inaptitude constatée ;

 

 

  • la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de la maladie au moment du licenciement.

 

 

La jurisprudence est venue préciser qu’il suffisait que l’employeur ait connaissance de la simple volonté de déclarer le caractère professionnel de la maladie.

 

« Viole les dispositions du Code du travail l’employeur qui savait, au moment du licenciement, qu’une procédure avait été engagée par le salarié pour faire reconnaitre le caractère professionnel de son accident ou de sa maladie. »

 

Cass. Soc. 3 mars 1994 (n°89-44.974) Cass. Soc. 4 décembre 1996 (n°93-45.020) Cass. Soc. 10 juillet 2002 (n°00-44.796)

 

 

« Manque de base légale l’arrêt de la cour d’appel qui exclut le caractère professionnel de la rechute du salarié en raison de la seule absence de mention de l’accident du travail sur les avis du médecin du travail et les derniers arrêts de travail du salarié alors qu’elle avait constaté que l’employeur était informé de la demande du salarié en reconnaissance du caractère professionnel de son accident avant le licenciement. »

 

Cass. soc. 26-9-2007 (n° 06-44.701)

 

Par ailleurs, l’application de l’article L. 1226-10 du code du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance-maladie du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude.

 

Cass.soc 22 février 2003 (n°04-44.957) Cass.soc 9 juin 2010 (n° 09-41.04)

 

La mise en œuvre du régime protecteur est seulement subordonnée à l’origine professionnelle de l’accident et à sa connaissance par l’employeur.

 

La chambre en tire comme conséquence que le juge prud’homal doit rechercher lui-même le lien de causalité entre l’accident du travail ou la maladie professionnelle et l’inaptitude du salarié.

Cass.soc,9 mai 1995 (n°91-44.918)

 

Il en est ainsi, alors même qu’au jour du licenciement, l’employeur était informé d’un refus de prise en charge par la sécurité sociale au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

Cass.soc, 29 juin 2011 (n° 10-11699)

 

La Cour de cassation rappelle que les juges ne doivent pas se limiter à l’avis d’inaptitude du Médecin du Travail, quand bien même ce dernier exclurait-il tout lien entre l’inaptitude et l’accident du travail.

 

Les juges du fond peuvent ainsi se baser sur tout autre élément de preuve dont ils disposent pour estimer que l’inaptitude est, au moins partiellement, liée à l’accident et dès lors accorder au salarié le bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement

 

Cass.soc 21 novembre 2007 (n°06.44627)

 

Ainsi, la juridiction prud’homale n’est pas liée par la qualification retenue par la CPAM, lorsque celle-ci s’est prononcée sur le caractère professionnel de la maladie ou de l’accident.

 

Il suffit que le juge dispose d’éléments de fait et puisse considérer que l’employeur avait connaissance d’une origine professionnelle, même partielle, pour qu’il puisse se prononcer sur le caractère professionnel de l’inaptitude.

 

 

 

Ainsi jugé récemment par la Cour de Bordeaux dans une affaire où la salariée, partie au litige, était représentée par notre conseil :

 

«Attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie professionnelle et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ;

 

Attendu que sans qu’il y ait besoin d’ordonner une mesure d’instruction il ressort de ces pièces que la tendinite de Quervain du poignet gauche développée dès avant sa déclaration de consolidation pour ses maladies professionnelles de la main droite est partiellement d’origine professionnelle dans la mesure où des mécanismes de compensation, médicalement constatés dès mars 2013, ont atteint par ricochet le poignet gauche sur-stimulé du fait des immobilisations puis des séquelles sur le membre droit ;

 

Attendu que peu importe que le médecin du travail ait coché dans ses avis d’inaptitude définitive la case “maladie ou accident non professionnel” et qu’il est confirmé ce point par une attestation de 2017 ;

 

Attendu que l’employeur a bien eu connaissance de l’origine professionnelle de ses arrêts de travail pour tendinite de Quervain dès le mois de mai 2013 dans la mesure où celui-ci ainsi que ceux délivrés postérieurement mentionnent explicitement maladie professionnelle ;

 

Que Madame X a d’ailleurs écrit au directeur des ressources humaines le 20 janvier 2016, soit avant même son licenciement pour se voir reconnaître le caractère professionnel de son inaptitude ;

 

Attendu que compte tenu de l’ensemble de ces éléments il y a lieu d’appliquer à Madame X les règles protectrices applicables aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;

 

Que le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux en date du 2 mars 2018 sera donc infirmé sur ce point »

 

CA Bordeaux, 23 juin 2021,1801696