Le barème Macron confirmé par la cour d’appel de Reims…pas completement.

Depuis les ordonnances réformant le code du travail fin 2017, les dommages-intérêts sont plafonnés entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté et de la taille de l’entreprise. Le plafonnement reste contesté par plusieurs conseils de prud’hommes depuis des mois.

 

La cour d’appel de Reims était la première juridiction du second degré à être saisie.

 

Les juges ont estimé le dispositif Macron conforme aux normes internationales ratifiées par la France. Sur ce point, la décision s’inscrit dans le sens de l’avis de la Cour de cassation qui avait estimé ce barème « compatible » à la Convention OIT.

 

La cour d’appel de Reims a été saisie suite à un jugement du conseil de prud’hommes (CPH) de Troyes du 13 décembre 2018, qui écartait l’application du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la Charte sociale européenne, qui prévoient le droit à une « indemnité adéquate » ou tout autre « réparation appropriée ».

 

Dans des avis de juillet 2019, la Cour de cassation a estimé que le barème respecte les principes de la convention 158 de l’OIT. Mais elle a écarté la Charte sociale européenne qui n’a pas d’effet direct en droit interne, selon elle (cass. avis 17 juillet 2019, n° 19-70010 PBRI et n° 19-70011 PBRI ; voir RF Social, Revue 199, p. 14).

 

Décision de la cour d’appel de Reims. – La cour d’appel de Reims admet que les parties peuvent invoquer la Charte sociale européenne car elle considère que ce texte a un effet direct. Surtout, elle retient la « conventionnalité » du barème Macron, c’est-à-dire sa conformité à ces deux textes (CA de Reims, 25 septembre 2019, n° RG 19/0000). Mais elle se prononce pour une conventionnalité « in abstracto » du barème, c’est-à-dire de façon « objective et abstraite ». Pour elle, « pris dans sa globalité et non tranche par tranche », sans considérer la situation concrète du salarié, le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en particulier le plafonnement qu’il impose, ne porte pas atteinte en lui-même de façon disproportionnée aux droits fondamentaux.

 

  • Barème pouvant être écarté selon la cour d’appel

 

Pour la cour d’appel de Reims, à côté du contrôle de conventionnalité « in abstracto » de la règle de droit, il faut contrôler « in concreto » son application aux circonstances de chaque espèce.

 

Elle précise que « le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné, en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché ».

 

Ce contrôle « in concreto » peut donc conduire à écarter la règle de droit jugée conventionnelle si elle affecte de manière disproportionnée les droits du salarié. Pour cela, il faut que celui-ci ait demandé ce contrôle « in concreto », le juge ne pouvant exercer celui-ci d’office.

 

En l’espèce la salariée n’ayant demandé qu’un contrôle « in abstracto » du barème, la cour d’appel a appliqué le barème Macron, jugé conforme « in abstracto ».

 

L’employeur a donc été condamné à 1 mois de salaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au lieu des 6 mois de salaire accordés par le CPH de Troyes (la fourchette du barème Macron applicable à la salariée allait de 0,5 à 2 mois de salaire).

 

Prochain épisode attendu : la décision de la cour d’appel de Paris qui, prévue pour le 25 septembre 2019, a été mise en délibéré au 30 octobre 2019.