La rupture conventionnelle est jugée nulle lorsque l’employeur a fait pression sur le salarié
La rupture conventionnelle est un contrat entre deux parties qui s’entendent d’un commun accord pour mettre fin au contrat de travail.
Comme pour tout contrat, le consentement doit être libre et éclairé.
Ainsi, le contrat peut être annulé si le consentement est vicié.
Le Code civil prévoit ainsi en son article 1130 que :
« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. »
C’est dans ce cadre que la cour de cassation a jugé que consentement d’un salarié à la rupture conventionnelle est vicié lorsque celle-ci est signée à la suite de 2 avertissements successifs et injustifiés ayant dévalorisé l’intéressé et entraîné une détérioration de son état de santé.
Il avait été jugé par le passé que si l’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une rupture conventionnelle n’affecte pas par elle-même la validité d’une rupture conventionnelle, pour autant, cette dernière ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties (Cass. soc. 19-11-2014 no 13-21.979 F-D).
En effet, le consentement à rupture doit être donné librement ; à défaut, celle-ci est nulle et doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tel est le cas notamment lorsque l’employeur exerce des pressions sur un salarié pour l’inciter à signer une convention de rupture.
En l’espèce dans cette affaire un salarié dont les compétences n’avaient jusqu’alors jamais été mises en cause, se voit infliger deux avertissements en l’espace d’un mois, lui reprochant des fautes, une insubordination et le pressant de se ressaisir.
Ces sanctions disciplinaires ont eu pour effet de détériorer l’état de santé du salarié qui a été arrêté à 3 reprises pour syndrome anxio-dépressif avant de conclure une rupture conventionnelle.
Le salarié avit pu démontré que c’est bien la pression exercée sur le salariée avec deux avertissements infondés qui avait conduit le salarié a signé sa rupture conventionnelle.
Un tel contexte de violence morale exercée par l’employeur a été jugée comme pouvant altérer le consentement du salarié à la rupture conventionnelle.
Cette dernière a donc annulée.
Il est jugé que :
« Ayant relevé que l’employeur avait fait pression sur la salariée dont la compétence n’avait auparavant jamais été mise en cause en lui délivrant deux avertissements successifs et injustifiés, qu’il l’avait dévalorisée et avait dégradé ses conditions de travail, ce qui avait eu des conséquences sur son état de santé, et qu’il l’avait incitée, par les pressions ainsi exercées, à accepter la voie de la rupture conventionnelle, la cour d’appel a retenu que le consentement de l’intéressé avait été vicié, et a légalement justifié sa décision d’annuler la rupture et de lui faire produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 8-7-2020 n° 19-15.441 F-D). »
La rupture conventionnelle annulée produit les les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt du 8 juillet 2020 n° 577 F-D Pourvoi n° B 19-15.441
« Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2019), Mme G… a été engagée en qualité de responsable comptable et administrative le 30 avril 2009 par la société GTD.
2. L’employeur lui a notifié un premier avertissement le 18 juillet 2014 et un second le 8 août 2014, et les parties ont signé une rupture conventionnelle le 1er décembre 2014.
3. Contestant la validité de la rupture, la salariée a saisi la juridiction prud’homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L’employeur fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de l’acte de rupture conventionnelle du contrat de travail de la salariée et de le condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, alors :
« 1°/ que le pouvoir d’appréciation dont jouit le juge appelé à contrôler la régularité en la forme et au fond d’une sanction disciplinaire ne peut s’exercer en dehors d’une demande d’annulation de cette sanction régie par les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, de sorte que tant qu’elle n’est pas annulée par le juge, une sanction disciplinaire est réputée régulière et fondée ; que pour considérer que le consentement de la salariée à la convention de rupture conventionnelle avait été surpris par la violence en raison du caractère infondé des deux avertissements des 18 juillet et 8 août 2014, dont l’annulation n’était pas demandée par la salariée, et sans remettre en cause, conformément aux dispositions régissant les conditions du contrôle de la régularité des sanctions disciplinaires, les avertissements délivrés qui demeuraient ainsi réguliers tant sur la forme qu’au fond, la cour d’appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;
2°/ que l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture ; que le désaccord exprimé par la salariée sur l’existence ou la portée des griefs fondant les sanctions disciplinaires notifiées par son employeur, qui traduit l’existence d’un différend entre eux, est impropre à caractériser un vice de violence de nature à affecter la validité de la convention de rupture conclue, de sorte qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1109 et 1112 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 1237-11 du code du travail ;
3°/ que la violence morale de nature à vicier le consentement à un acte juridique suppose des actes concrets caractérisant des pressions ou manoeuvres illégitimes en vue d’inciter la personne sur laquelle elles sont exercées à consentir à la convention ; qu’en considérant néanmoins que les deux avertissements délivrés à la salariée 6 mois auparavant, qui, fussent-ils injustifiés, procèdent de l’exercice légitime par l’employeur de son pouvoir disciplinaire caractérisaient le vice de violence ayant entaché son consentement à la convention de rupture à l’élaboration de laquelle elle avait activement concouru, sans constater que ces sanctions procédaient d’un abus, d’une pression ou de manoeuvres de la part de l’employeur en vue de convaincre la salariée de consentir à la convention de rupture, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1109 et 1112 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 1237-11 du code du travail ;
4°/ qu’après avoir constaté d’une part, que Mme G… avait été engagée en qualité de »responsable comptable et administrative », ce dont il résultait qu’elle assumait la responsabilité, envers son employeur, des déclarations sociales et du paiement des cotisations correspondantes, et d’autre part, que l’avertissement du 8 août 2014 faisait état d’une mise en demeure de l’URSSAF du 25 juillet 2014, pour insuffisance de règlement à hauteur de 31 660 euros, dont 1 660 euros de pénalités, dont l’employeur se plaignait d’ignorer les causes et la raison pour laquelle il n’en était pas informé, la cour d’appel, qui a néanmoins retenu, de façon péremptoire, qu’il »ne résulte pas des pièces versées aux débats que la mise en demeure de l’URSSAF visée dans le second avertissement ait relevé d’un manquement contractuel de la salariée » n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1109 et 1112 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 1237-11 du code du travail ;
5°/ qu’après avoir constaté que la salariée était suivie pour un syndrome anxio-dépressif avec probable somatisation depuis le 10 janvier 2014, soit antérieurement tant à la prise de fonction du nouveau dirigeant en avril 2014 qu’aux avertissements notifiés aux juillet et août, ce dont il résultait que les arrêts de travail liés de la salariée du 13 au 29 août 2014 et du 2 au 13 octobre étaient liés à une pathologie préexistante non imputable à l’employeur, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constations, en violation des articles 1109 et 1112 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 1237-11 du code du travail ;
6°/ qu’à supposer qu’en retenant que la notification des avertissements n’avait pu »qu’exacerber un terrain fragilisé », la cour d’appel ait entendu caractériser l’intention de l’employeur d’exercer une violence morale de nature à convaincre la salariée de conclure la convention de rupture, la cour d’appel ne pouvait alors se dispenser de constater que l’employeur avait connaissance, à l’époque à laquelle il avait délivré les avertissements, du syndrome affectant la salariée, sans priver sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1112 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 1237-11 du code du travail. »
– Réponse de la Cour de Cassation –
5. Si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
6. La cour d’appel, qui a relevé que l’employeur avait fait pression sur la salariée dont la compétence n’avait auparavant jamais été mise en cause en lui délivrant deux avertissements successifs et injustifiés, qu’il l’avait dévalorisée et avait dégradé ses conditions de travail, ce qui avait eu des conséquences sur son état de santé, et qu’il l’avait incitée, par les pressions ainsi exercées, à accepter la voie de la rupture conventionnelle, a, exerçant son pouvoir souverain d’appréciation, retenu que le consentement de la salariée avait été vicié, et a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GTB aux dépens ;